•       b)Le droit canonique

    Dès l’origine, et surtout depuis la reconnaissance officielle du christianisme par les empereurs romains du IVe siècle, l’Eglise a développé son propre droit, le droit canonique, fait d’emprunt aux Pères des premiers siècles, de canons des anciens conciles, de décisions pontificales, de tarifs de pénitence. Toutefois son essor, sous l’influence du renouveau du droit romain, se situe au XIIe et XIIIe siècle, avec la composition du Décret de Gratien puis celle des recueils de Décrétales pontificales.

          *Le Décret de Gratien

    Œuvre présumée du moine bolonais Gratien, personnage lui-même mystérieux, le Décret fut composé dans des circonstances encore mal connues. Ce qui fait son originalité et explique son influence considérable, c’est sa volonté de dépasser le simple travail d’accumulation des textes auquel s’étaient limités les recueils précédents, pour tenter de les classer en fonction des opinions qu’ils donnaient sur chaque question, et surtout de les concilier, de les accorder en résolvant leurs contradictions apparentes par des distinctions. Il a fait l’objet de commentaires de la part des spécialistes, les décrétistes, qui s’inspirèrent des méthodes des glossateurs.

          *Les décrétales pontificales

    A l’opposé du Décret de Gratien, qui comptait les sources anciennes, les collections de décrétales ont rassemblé les sources nouvelles du droit canonique. La papauté a abondamment légiféré au XIIe-XIIIe siècle, et il devint rapidement nécessaire de réunir ces textes en recueils. Les premières collections de décrétales avaient un caractère privé. A partir de 1234 apparurent des collections officielles, ordonnées et promulguées par les papes, dont certains, comme Alexandre III et Innocent Iv, furent de grands canonistes. Les décrétales, comme le Décret, eurent leurs spécialistes, les décrétalistes, qui en firent de nombreux commentaires.

          *L’influence du droit canonique

    Le droit canonique médiéval a fortement influencé le droit public et privé. Reconnu comme droit savant au même titre que le droit romain, il était enseigné avec lui dans les universités. Sa connaissance était, autant que celle de la théologie, indispensable aux clercs qui aspiraient aux bénéfices ecclésiastiques majeurs, et au XIVe siècle, dans certaines régions, il attirait davantage d’étudiants que le droit romain. L’importance du rôle de l’Eglise dans la société médiévale a contribué à lui assurer une fonction éminente. Les canonistes, tout en s’inspirant du droit romain, ont su trouver des solutions originales, faire prévaloir la morale et assouplir la rigueur excessive des règles romaines.  


    votre commentaire
  •    2)La renaissance des droits savants

    La renaissance des droits savants a constitué un évènement capital dans l’histoire juridique, et c’est à elle que l’on d’avoir aujourd’hui des droits d’inspiration romaniste. La découverte des compilations de Justinien a non seulement permis de ranimer un droit romain presque moribond, mais aussi, en inversant la tendance établie depuis les derniers siècles de l’Empire romain, de renouer avec une conception doctrinale et théorique du droit, de recréer une véritable science juridique.

          a)Découverte des compilations de Justinien

    Les circonstances dans lesquelles ont été retrouvées les compilations de Justinien restent obscures. Postérieurs à l’établissement en Gaule des royaumes barbares et à la composition des recueils de lois romaines des burgondes et des wisigoths, elles n’étaient pourtant pas inconnues en Occident. La découverte des compilations de Justinien doit donc s’entendre moins au sens matériel qu’au sens intellectuel.

    A la renaissance du droit romain est liée celle de la doctrine. Dès la fin du XIe siècle a commencé à se constituer un premier grand courant doctrinal, celui des glossateurs, dont le précurseur fut le bolonais Irnerius. L’influence des glossateurs s’est prolongée dans la première moitié du XIIIe siècle, où l’on rencontre leurs plus illustres représentants : Azon, Pillius, Odofredus et Accurse.

    Peu à peu, à mesure que le sens des textes s’éclaircissait, leur méthode a évolué : elle a commencé à s’attacher moins à la lettre et davantage à l’esprit, et cherché, au-delà de leur signification littérale, à en comprendre les fragments en les mettant en relation les uns avec les autres, à en tirer des règles générales exprimées sous forme de brocards. Les gloses, plus étoffées, se sont muées en petits commentaires et ont proposé des interprétations plus libres.

    Leur méthode devait pourtant être dépassée. Dans la seconde moitié du XIIIe siècle, de nouveaux procédés d’analyse inspirés de la dialectique d’Aristote furent expérimentés à Orléans, où enseignaient de grands juristes : Jacques de Révigny, Pierre de Belleperche. Les post-glossateurs orléanais ont été les premiers à abandonner la glose au profit de commentaires plus développés et moins littéraux.

    Les enseignements de la doctrine orléanaise ont été repris et développées au XIVe siècle par les jurisconsultes italiens : d’abord Cynus de Pistoie qui, avec son disciple Balde, exerça une très forte influence et passe pour le fondateur d’un courant doctrinal nouveau, celui des bartolistes ou commentateurs, qui devait dominer la science juridique européenne jusqu’au milieu du XVIe siècle. Les bartolistes ont considérablement accru le rôle de la doctrine au détriment de l’attachement aux textes de lois.


    votre commentaire
  •       c)Le développement des coutumes

    le déclin des droits écrits a permis le règne incontesté de la coutume, aussi bien dans France du Midi que dans celle du Nord, domination qui a eu d’importantes conséquences sur la formation de notre droit. En dépit de son importance, le phénomène coutumier reste mal connu. Ce n’est qu’à partir du XIIIe siècle qu’ils se laissent mieux appréhender grâce à la rédaction des coutumiers.

          *Naissance des coutumes territoriales

    L’émergence des coutumes territoriales est généralement perçue comme la conséquence de la disparition conjuguée du droit romain et des droits barbares. Les juridictions féodales et seigneuriales auraient joué aussi leur rôle dans la fixation de ces règles, en les confirmant, éventuellement en les modifiant par leurs jugements, ce qui expliquerait que les ressorts des coutumes aient souvent épousé les limites des seigneuries. L’accomplissement de ce processus de formation de la coutume, inégalement précoce ou tardif selon les régions, aurait été dans l’ensemble assez lent.

          *Origine et contenu des règles coutumières

    Le processus de formation des coutumes, l’origine des règles qu’elles contiennent donne matière à débats. On a reconnu avec plus ou moins de certitude dans certaines d’entre elles des solutions venues du droit romain tardif, des lois barbares ou de la législation franque. Néanmoins la provenance des plus nombreuses et des plus importantes, dont la généralité plaide en faveur de l’ancienneté, est beaucoup plus incertaine et le droit coutumier apparait à bien des égards comme un système original, dont les caractères ne peuvent être rattachés à des précédents connus.

          *La connaissance et la preuve des coutumes

    Du fait du caractère oral des coutumes, leur connaissance et leur preuve en justice présentaient des difficultés. Jusqu’au début du XIIIe siècle, la connaissance des coutumes, qui tenaient encore dans des solutions simples et peu nombreuses, d’origine populaire, semble avoir été largement répandue et les actes de l’époque relatent peu de litiges portant directement sur leur teneur.

    A partir du XIIIe siècle, lorsque la coutume est devenue, sous l’influence des droits savants, un système juridique plus évolué mais aussi plus complexe et moins accessible à la masse de la population, s’est posée la question de son autorité et de sa preuve en justice. Le procédé de preuve le plus répandu était l’enquête. Pour pallier les inconvénients de l’oralité des coutumes, on a commencé, à la fin du XIIe siècle et au XIIIe siècle, à les rédiger. 


    votre commentaire
  •       b)Déclin de la législation

    La législation a suivi la même pente. Au lendemain des invasions, les rois barbares, en héritiers des empereurs, ont maintenu une activité législative, d’abord dans le cadre de la rédaction des lois nationales de leurs peuples mais aussi pour édicter des lois autonomes sous la forme de capitulaires. A la fin de la période franque, la décomposition du pouvoir a fait disparaitre pour plusieurs siècles la législation royale des sources du droit.

          *Les lois nationales des barbares

    La rédaction des lois nationales des peuples barbares a été entreprise sur l’ordre de leurs rois peu après l’établissement en Gaule, en même temps que les compilations de lois romaines, et a donné matière à une législation importante. En fait, il apparait que ces textes, largement ouvert aux influences romaines, régissaient toute la population, au même titre que les lois romaines reprises par le Bréviaire d’Alaric ou le Papien. Ainsi du Code d’Euric (476) et de la loi Gombette (vers 502).

    Au contraire, les lois franques, qui n’avaient pas vocation à régir les gallo-romains, ont conservé plus fidèlement les traditions germaniques. La loi des francs saliens, ou Loi salique, rédigée en latin sous le règne de Clovis, fut révisé à plusieurs reprises, la dernière fois sous Charlemagne. Mise par écrit plus tardivement, au milieu du VIIe siècle, la loi des francs du Rhin, ou Loi ripuaire, a subi l’influence de la précédente. En dépit de cet effort de rédaction, elles sont tombées complétements en désuétude.

          *Les capitulaires

    La législation des rois francs s’est exprimée aussi sous la forme de capitulaires, lois divisées en chapitres, dont quelques-uns étaient pris pour compléter ou modifier une loi nationale, mais dont la plupart avaient une existence autonome. Les mérovingiens n’ont promulgué qu’un nombre réduit de lois. Les premiers carolingiens, inspirés par une forte volonté réformatrice, se sont montrés plus actifs dans des matières variées : l’administration et les affaires ecclésiastique, la répression des crimes et délits, plus rarement le droit privé.

    Emanés de l’autorité du roi, les capitulaires, depuis le VIe siècle, étaient discutés et approuvés au sein d’assemblées, les plaids généraux, qui réunissaient les grands laïcs et ecclésiastiques. Sous le règne de Charles le Chauve, lorsque s’est amorcé le déclin de l’autorité royale, certains ont revêtu l’aspect de véritables contrats passés entre eux et le roi. A la fin du IXe siècle, avec l’accentuation de ce déclin, la législation royale s’est raréfiée et a fini par disparaitre : l’ultime capitulaire carolingien date de 884. Avec elle s’est tarie la dernière source écrite du droit.


    votre commentaire