•       b)Réalité monarchique du régime

    Il n’est pas douteux que, dès l’origine, la vraie nature du nouveau régime était monarchique. Le cumul des magistratures et des pouvoirs, l’influence que le princeps exerçait sur les comices, le Sénat et les autres magistrats, faisaient de lui le véritable maitre de l’Etat. L’évolution allait révéler de plus en plus ouvertement ce caractère monarchique.

    Les institutions républicaines ont disparu progressivement : les comices sont tombés en désuétude à la fin du Ier siècle ; les magistratures ont perdu leurs attributions et n’ont subsisté que comme distinctions honorifiques. Parallèlement s’est accentué la personnification du pouvoir, avec la divinisation de la personne de l’empereur, la formation à son profit d’un véritable pouvoir législatif et l’établissement de l’hérédité de la dignité impériale.

          *Divinisation de l’empereur

    Dès le règne d’Auguste, dans les provinces orientales où existait une tradition ancienne en faveur de la divinisation des souverains, est apparu l’usage de rendre un culte à l’empereur, qui s’est ensuite répandu dans le reste de l’empire. L’empereur a d’abord été considéré comme un dieu après sa mort, ce qui accroissait le prestige de son successeur lorsqu’il s’agissait de son fils, puis déifié de son vivant au IIIe siècle. Tous les habitants de l’empire devaient lui rendre un culte, obligation peu contraignante pour la plupart d’entre eux, adeptes de religions polythéistes, mais incompatible avec les religions monothéistes, juive et chrétienne, et qui a été l’origine de persécutions religieuses sporadiques.

    La conversion de l’empereur Constantin (313), puis la reconnaissance du christianisme comme religion d’Etat par Théodose Ier (380) ont mis fin à la divinisation du souverain, favorisant en contrepartie la sacralisation du pouvoir impérial : l’empereur chrétien apparait comme un personnage mi-laïc, mi-religieux, à la fois « empereur et prêtre », qualifié pour intervenir activement dans les affaires de l’Eglise, pour convoquer et présider les conciles, et même pour arbitrer les conflits dogmatiques et réprimer les hérésies. 


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  •    1)L’Empire, héritier du droit républicain

          a)Façade républicaine du régime

    Les historiens datent la fin de la république romaine et l’instauration du régime impérial de janvier 27 avant J.-C. s’il y eut effectivement changement de régime, l’instigateur de cette transformation, Octave, fit tout pour en minimiser la portée et pour donner au contraire l’impression de continuité de la tradition républicaine.

    Débarrassé de ses rivaux depuis sa victoire à Actium en 31, Octave avait mis fin aux guerres civiles et exerçait un pouvoir sans partage mais aux fondements juridiques fragiles, qui reposait, suivant une pratique née au cours des guerres civiles, sur le cumul des magistratures (consulat, puissance tribunicienne), dont l’exercice restait en principe temporaire et qui ne conférait que des pouvoirs limités. Les prolonger ou les étendre de sa propre initiative l’eût exposé au soupçon d’aspirer à la royauté, qui avait été fatal à César. Aussi manœuvra-t-il habilement pour asseoir son régime sur une légitimité indiscutable, qui ne pouvait être que républicaine.

    En janvier 27, il remit tous ses pouvoirs à la disposition du Sénat et du peuple romain, démission feinte qui ne pouvait être acceptée car elle eût entrainé la reprise des guerres civiles. Comme il l’espérait, le Sénat le supplia de conserver le pouvoir et lui conféra des attributions supplémentaires : l’imperium proconsulaire, nécessaire pour exercer le commandement à l’armée et dans les provinces, concédé pour dix ans et qui lui sera renouvelé jusqu’à sa mort, à l’origine du titre d’imperator ; l’auctoritas, qui donnait à tous ses actes une autorité supérieure, lui permettant de porter le titre d’Augustus, le plaçait au-dessus des autres magistrats républicains et le soustrayait aux conséquences de la collégialité.

    Quatre ans plus tard, Octave, dorénavant appelé Auguste, se fit confirmer la puissance tribunicienne, détachée de la fonction de tribun, qui lui sera renouvelé chaque année : elle le rendait inviolable et sacré, lui permettait de convoquer et de présider les assemblées de la plèbe et le Sénat, et faisait de lui le protecteur du peuple. Il obtenait ainsi davantage de pouvoirs, mais surtout des pouvoirs dont la légitimité était désormais indiscutable puisque tenus du Sénat et du peuple. Son autorité était suffisamment assise pour qu’il renonçât au consulat, dont la réitération chaque année heurtait trop la tradition républicaine.

    En apparence, les événements de 27 marquent donc non la naissance d’un régime nouveau mais la restauration de la République : Octave Auguste se présentait en continuateur de la vraie tradition romaine, corrompue par les guerres civiles. Les institutions républicaines ont été conservées. Auguste a pris le titre de princeps (c’est-à-dire de premier des citoyens), d’où le nom de Principat donné par les historiens au régime qu’il a fondé, titre qui traduisait à la fois sa prééminence politique et sa volonté d’apparaitre néanmoins comme une personne privée.


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  • II)L’Empire romain, modèle d’Etat souverain

    Depuis 121 avant J.-C., la République romaine était entré dans une période de crise révélatrice de l’incapacité d’institutions conçues pour le gouvernement d’une cité à assurer la direction d’un vaste empire territorial. Pendant plus d’un siècle se succédèrent conflits sociaux et luttes de factions, accompagnés d’une corruption profonde des institutions républicaines et du recours fréquent à des pouvoirs d’exception ou totalement illégaux : dictature sans limitation de durée avec Sylla (86-79 av. J.-C.), triumvirats, cumul par un seul ou plusieurs magistratures permettant l’instauration d’un pouvoir personnel.

    Jules César (49-44 av. J.-C.) réunit ainsi les fonctions de consul, de dictateur, de tribun de la plèbe et de censeur avant de périr assassiné par des membres du parti aristocratique qui l’accusaient de vouloir rétablir la royauté. Après sa mort, ses anciens lieutenant se disputèrent le pouvoir : son neveu et fils adoptif Octave l’emporta sur son rival Marc Antoine et réalisa à son profit un nouveau cumul des magistratures. C’est dans ces circonstances que s’est opéré le passage de la république à un autre type de régime, l’empire.

    L’empire était une forme politique répandue dans l’Antiquité : l’Egypte, la Perse, le monde hellénique avec Alexandre le Grand, avaient connu des régimes impériaux, monocraties qui, à l’opposé des cités, dominaient de vaste territoires aux populations nombreuses et cosmopolites. Si l’Empire romain présente bien ces caractères, il offre aussi des traits originaux qui lui confèrent un plus grand intérêt sur le plan politique et juridique. Il n’est pas, au moins en apparence, une simple autocratie personnelle, livrée à l’arbitraire, mais un régime fondé sur le droit, et un droit emprunté à la République. Il a, dans une certaine mesure, continué la tradition juridique de Rome. Ambiguïté féconde puisque c’est cette conjonction du droit public républicain et d’un régime de nature monarchique qui a valu à l’Empire romain de préfigurer l’Etat souverain, tant par l’étendue de ses pouvoirs que par son organisation hiérarchisée et centralisée.


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