• Les grandes réformes législatives
     
    Les reformes administratives
     
    Par la loi du 28 pluviôse an VIII (17 février 1800), l'administration de la France est centralisée à l'extrême. Dans chaque département des préfets et des sous-préfets, nommés et révocables à merci, dirigent les conseils locaux peuplés de notables, propriétaires fonciers aisés. Tout part de Paris, tout revient à Paris. Dans le cadre du redécoupage administratif de la France révolutionnaire, des départements ont été créés et, à la tête de ceux-ci, ont été placés des préfets, représentants uniques du pouvoir central. Le symbole de la puissance de la France de 1811 résidait dans ses 130 préfets, auxquels l'Empereur donnait directement ses ordres ; il y avait à l'époque un préfet d'Anvers et aussi un préfet du Léman (Genève).  
     
    Durant un siècle et demi, la fonction préfectorale s'est caractérisée par l'absence presque totale de statut, le préfet étant conçu comme un agent politique à la discrétion du gouvernement, lequel pouvait à son gré mettre fin à ses fonctions. Ce carcan administratif imposé à la France par Napoléon est ainsi justifié dans le Mémorial de Sainte-Hélène : « Les préfets, avec toute l'autorité et les ressources locales dont ils se trouvaient investis, étaient des empereurs au petit pied, et comme ils n'avaient de force que par l'impulsion première dont ils n'étaient que les organes, qu'ils ne tenaient nullement au sol qu'ils régissaient, ils avaient tous les avantages des anciens grands agents absolus, sans aucun de leurs inconvénients ». Des institutions napoléoniennes
    date effectivement l'unification administrative et législative de la France.  
     
    De toutes ses créations, la plus importante est l'organisation par la loi du 28 pluviôse (17 févr. 1800) de l'administration régionale et locale fondée sur une base - centralisation à restaurer et vie provinciale et communale à respecter - dont un siècle et demi de changements de régime a confirmé l'habile compromis. Dans le cadre général des départements (98, y compris la Belgique et Genève), 400 subdivisions, appelées
    arrondissements, groupent les communes. A la tête de ces différentes divisions administratives sont placés un préfet, un sous-préfet, un maire, respectivement assistés de trois conseils : général, d'arrondissement, municipal. Alors que les juges comme les administrateurs deviennent des fonctionnaires nommés et appointés par l'Exécutif (avec toutefois maintien du jury), la loi du 27 ventôse (18 mars 1800) installe près de chaque
    tribunal un commissaire du gouvernement, reconstitue des cours d'appel et coiffe l'ensemble des juridictions d'une Cour de cassation nommée par le Sénat.
     
    Les codifications napoléoniennes

     
    Le code civil
     
    Le Code civil des Français, promulgué par la loi du 30 ventôse an XII (21 mars 1804), reçut d'une loi de 1807 le nom de Code Napoléon. Tour à tour, la Constituante en 1790, l'Assemblée législative, la Convention en 1793 et 1794, le Directoire en 1796 promettent un code aux Français, nomment parfois une commission de rédaction et, en tout cas, votent des lois qui peu à peu unifient le droit à l'échelon national. En 1800 finalement, Bonaparte, Premier consul, désigne une commission de trois membres chargés de rédiger un projet de code. Lui-même viendra souvent participer à leurs travaux et, bien sûr, fera prévaloir ses vues dans les matières qui lui tiennent à cœur - l'adoption, par exemple, ou le devoir pour la femme d'obéir rigoureusement à son mari. Élaboré, le projet est soumis aux tribunaux pour observations. Puis l'autorité du Premier consul le fait passer à travers la lourde machine législative. Trente-six lois sont votées en 1803 et 1804, puis réunies en un seul code de 2 281 articles par la loi du 30 ventôse an XII. Enfin les Français ont un Code. Celui-ci remplace tout le droit antérieur dans les matières qu'il régit.
     
    Un des rédacteurs du Code, Portalis (1746-1807), a exprimé les conceptions qui ont présidé au travail de la Commission dans un document remarquable, le fameux Discours préliminaire. Ces conceptions touchent à la fois au fond et à la forme du Code. Quant au fond, le Code s'appuie sur quatre idées essentielles, qui peuvent aujourd'hui paraître banales à des Français, mais qui étaient largement nouvelles et sont loin d'être partout
    admises : celle de l'unité du droit, un droit identique s'appliquant à l'ensemble du territoire et à tous ses citoyens (il en est autrement dans presque toutes les nations fédérales) ; celle de l'unité de la source juridique, la loi, émanant d'un législateur, c'est-à-dire d'un organe chargé d'exprimer la volonté populaire, et qui ne laisse au juge qu'une fonction secondaire ; celle du caractère complet du droit, qui régit tous les rapports sociaux, fussent-ils familiaux (au milieu du XXe siècle, on se passionnera pour savoir si le Code doit affirmer et en quelle forme, que le mari est le chef de la famille) ; la séparation enfin du droit, de la morale et de la religion, d'une part, et de la politique, d'autre part (il existe en certains pays des droits essentiellement religieux, et les États
    socialistes affirmèrent le caractère politique du droit - affirmation qui n'est d'ailleurs nullement choquante si elle est exactement comprise).
      
    Non moins intéressantes sont les conceptions que les rédacteurs se faisaient d'un Code quant à sa forme. Un code, pour les rédacteurs, doit être complet dans le domaine qu'il couvre. Un code doit poser des principes relativement généraux et confier aux tribunaux le soin d'en dégager les prolongements pratiques. « L'office de la loi est de fixer, par de grandes vues, les maximes générales du droit ; d'établir des principes féconds en conséquences, et non de descendre dans le détail des questions qui peuvent naître sur chaque matière. C'est aux magistrats et aux juristes, pénétrés de l'esprit général des lois, qu'il revient d'en diriger l'application [...]. La science du législateur consiste à trouver dans chaque matière les principes les plus favorables au droit Commun ; la science du magistrat est de mettre ces principes en action, de les ramifier, de les étendre par une application sage et raisonnée aux hypothèses prévues ». C'est peut-être cette conception, mise en œuvre avec beaucoup de bonheur par les rédacteurs du Code civil, qui a fait de celui-ci le modèle qu'il reste à certains égards. C'est aussi cette technique de codification en principes généraux qui a permis - autre trait remarquable - que les dispositions du Code forment un ensemble se prêtant aux modes classiques du raisonnement logique.
     
    Les autres codes
     
    En France, le 21 mars 1804 (30 ventôse an XII), était promulgué le fameux Code civil des Français, qui allait devenir le Code Napoléon. La commission de préparation responsable de la rédaction du projet était composée, entre autres membres, de Tronchet (alors président du Tribunal de cassation), de Portalis et de Bigot ; en faisait partie, de droit, Napoléon Bonaparte. Les autres codes de l'Empire furent : le Code de
    procédure civile (1806), le Code de commerce (1807), le Code d'instruction criminelle (1808), le Code pénal (1810). Plus tard furent promulgués également les Code forestier (1827), Code rural (1898), Code du travail (1910), etc. La Belgique utilisa les codes français à partir du traité de Campoformio (1797). Remis à jour par des amendements, les Code civil de 1804 et Code d'instruction criminelle de 1808 y ont toujours cours; en
    1867, le Nouveau Code pénal belge a remplacé le Code pénal français de 1810. En Suisse, le Code civil date de 1907, le Code fédéral des obligations de 1936, et le Code pénal suisse de 1937.
     
    En France, le code de procédure civile, souvent abrégé en CPC, est un code qui rassemble toutes les règles de procédure civile française. Le premier code de procédure  civile, instauré par la loi du 14 avril 1806 et entré en vigueur en 1807, avait fait l'objet  d'un toilettage à partir de 1935, pour être totalement remanié au cours des quatre décennies suivantes. A partir de 1973, un nouveau code est introduit par plusieurs décrets successifs. Le code de commerce de 1807 a multiplié les emprunts à l’ordonnance de 1673 et à l’ordonnance de la marine de 1681 mais sans efforts pour les adapter aux conditions nouvelles. Il était nécessaire de tenir compte du Code civil français de 1804. Envisagé dès 1801 et promulgué le 16 novembre 1808, le Code
    d’instruction criminelle est un recueil de textes juridiques organisant la procédure pénale en France. Il adopte une synthèse entre le modèle accusatoire et le modèle inquisitoire. Le code pénal, adopté en 1810, bien revenu des illusions de 1791, édicte des peines sévères, justifiées par la forte progression de la criminalité héritée de la révolution. Le juge recouvre cependant la faculté de les moduler en fonction des circonstances, entre un minimum et un maximum fixés par la loi pour chaque délit. Le code pénal et le code d’instruction criminelle sont entrés en vigueur en 1811.    
     
    Les autres reformes  
     
    Les reformes religieuses
     
    Le concordat de 1801, conclu à Paris entre Napoléon Bonaparte, Premier consul, et le pape Pie VII, a rétabli en France le statut officiel du catholicisme. Après les tourments révolutionnaires Bonaparte désirait la paix religieuse, non par conviction intime mais par volonté politique : il voulait tirer parti à son profit de l'influence de l'Église. Il négocia donc avec Rome et, après de longues discussions, souvent au bord de la rupture, le concordat fut un compromis. Le catholicisme n'est plus comme avant 1789 la religion d'Etat, mais Bonaparte le reconnaît comme « la religion de la majorité des Français » ; il en fait profession personnelle et déclare attendre un grand bien de la restauration religieuse. Le pape accepte le nouvel état politique de la France et renonce à réclamer les biens du clergé, devenus biens nationaux. Il réorganise l'Église en France,
    supprime les anciens diocèses et en constitue 60 nouveaux. Par un acte jamais vu il dépose, de sa propre autorité, tous les évêques d'avant 1789 et institue un nouvel épiscopat sur la proposition du gouvernement, qui nomme les évêques dans les mêmes conditions que jadis le roi, et qui salarie évêques et curés.  
     
    Les uns et les autres sont donc des fonctionnaires publics et doivent à l'État un serment de fidélité. Pour atténuer le mécontentement des révolutionnaires hostiles à l'Église, Bonaparte ajouta au concordat des Articles organiques très restrictifs que Rome ne reconnut pas, mais qui furent appliqués constamment. Ces Articles fixaient l'organisation interne de l'Église et imposaient les opinions gallicanes condamnées par le Saint-Siège. Par suite du concordat, l'Église constitutionnelle disparut, mais certains évêques déposés refusèrent de se soumettre et constituèrent une « Petite Église » schismatique qui disparut presque totalement avec eux. Le concordat de 1801 a duré jusqu'en 1905. Il demeure en vigueur en Alsace (Bas-Rhin et Haut-Rhin) et dans la partie de la Lorraine (Moselle) annexée par l'Allemagne en 1870 : le retour à la France de l'Alsace-Lorraine, après la victoire de 1918, n'a pas modifié le régime concordataire dans ces trois départements.
     
    Les reformes de l’enseignement
     
    L'organisation globale de l'Université de France remonte au 10 mai 1806. Elle subsistera pour l'essentiel pendant plus d'un siècle. Il s'agissait de créer un « corps chargé exclusivement de l'enseignement et de l'éducation publique dans tout l'Empire » afin de « diriger les opinions politiques et morales ». L'Université est dirigée par un grand maître, assisté d'un chancelier, tous deux dépendant directement du ministère de
    l'Éducation nationale. Efficace du point de vue administratif, l'organisation impériale de l'Université n'a pas pleinement résolu les problèmes relatifs à l'enseignement proprement dit et à la recherche qui lui est liée. Aussi, tout au long du XIXe siècle, des inégalités de développement sont à noter : les études de lettres font figure de parent pauvre. Malgré des tentatives, comme celle de Victor Duruy qui en 1868 fonde l'École pratique des hautes études, il faut attendre la IIIe République pour assister à un progrès significatif.   L'enseignement privé, contrairement à son statut pendant le Directoire, n'est pas libre. Il est soumis à la surveillance et à l'inspection du préfet. L'instruction des jeunes filles est dispensée dans des écoles privées ou religieuses. L'enseignement élémentaire retourne au système de l'Ancien Régime et les congréganistes recouvrent la primauté d'autrefois.


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