• L’école classique

    Adam Smith

    Smith rompt avec l'idée mercantiliste selon laquelle la richesse d'une nation se mesure à la quantité de métaux précieux qu'elle possède. Une nation s'enrichit lorsque le produit annuel du travail de sa population augmente, tandis que la plus grande possession de métaux précieux peut provenir de «la richesse accrue des mines qui approvisionnent le pays», et n'avoir aucun rapport avec la pauvreté ou la richesse de la population.. Les nations «civilisées et prospères» progressent et s'enrichissent, et Smith propose de découvrir les mécanismes qui conduisent à cet enrichissement.

    L'application à grande échelle de la division du travail induit des gains de productivité, première cause fondamentale de la richesse des nations. Smith utilise une image économique devenue fameuse, celle de la fabrique d'épingles. Dix hommes employés à fabriquer des épingles, s'ils répartissent entre eux les différentes étapes de la fabrication, produisent un nombre incomparablement plus grand d'épingles que si chacun d'entre eux devait effectuer tous les stades de la fabrication. La division du travail provient d'une compréhension par chacun de son intérêt propre : à l'étape de l'échange primitif, du troc, chaque individu cherche à échanger ce qui lui a coûté le moins de peine contre ce pour quoi il est le moins doué. Ainsi, selon la dextérité et l'habileté de chacun s'instaure une première division du travail, qui devient de plus en plus complexe. Mais «la division du travail est limitée par la taille du marché». À un certain stade de la division du travail, «ce n'est qu'à une toute petite partie de ses besoins qu'un homme peut pourvoir par le produit de son propre travail», et la nécessité de réaliser un plus grand nombre d'échanges dans la vie courante entraîne l'apparition de la monnaie.

    Une marchandise possède une valeur d'usage et une valeur d'échange qui sont souvent, pour un objet donné, extrêmement différentes : ainsi, «rien n'est plus utile que l'eau, mais on ne peut presque rien obtenir en échange de celle-ci. Un diamant, au contraire, n'a presque pas de valeur d'usage, mais on peut souvent obtenir une très grande quantité d'autres biens en échange». Smith s'attache dès lors à déterminer «en quoi consiste le véritable prix de toutes les marchandises». «Le prix réel de toute chose, ce que toute chose coûte réellement à l'homme qui veut l'obtenir, c'est la peine et le mal qu'il a pour l'obtenir.» La valeur d'une marchandise se mesure à la quantité de travail, matérialisée dans des biens ou des services, que son propriétaire peut commander en échange de cette marchandise. La monnaie représente pour sa part le prix nominal d'une marchandise.

    La théorie de la main invisible qui oriente les actions des individus dans un sens favorable à la collectivité est issue de la Théorie des sentiments moraux. En économie politique, Smith montre que même si chaque individu, chaque entrepreneur, ne cherche que son propre profit, ce profit personnel s'accorde néanmoins avec les buts de l'industrie nationale. En cherchant à accroître son revenu personnel, chacun contribue finalement à accroître le revenu de la nation. Chacun est «conduit par une main invisible à remplir une fin qui n'entre nullement dans ses intentions, et ce n'est pas toujours ce qu'il y a de plus mal pour la société que cette fin n'entre pour rien dans ses intentions» car on travaille de façon plus efficace lorsque l'on croit poursuivre son propre profit que s'il s'agissait du bien général. Améliorer son propre sort est un «désir qui nous vient dès notre conception, et qui ne nous quitte jamais que dans la tombe», mais cette concurrence qui dresse chacun contre chacun est bénéfique à la société tout entière.

    Jean Baptiste Say

    Alors que les économistes anglais, de Smith à Ricardo et à Mill, considéraient que le travail était le fondement de la valeur d'échange, Say substitue l'utilité au travail : «C'est l'utilité qui occasionne la demande qu'on fait d'une chose», déclare-t-il dans une note aux Principes de Ricardo, dans laquelle il critique la conception de la valeur travail de ce dernier. Selon Say, un acheteur n'acquiert une marchandise qu'en raison de sa capacité à satisfaire le désir qu'il en a, et il la paie en fonction de l'utilité qu'il espère en tirer. Or, si les frais de production d'une marchandise augmentent, il faudrait, pour maintenir un rapport entre offre et demande à peu près constant et parvenir ainsi au «prix naturel» de Smith et de Ricardo, que la demande de cette marchandise augmente elle aussi, ce qui ne se produit jamais. Ainsi, l'utilité détermine la valeur d'usage d'un produit, tandis que son «prix s'établit en raison directe de la quantité demandée, et en raison inverse de la quantité offerte».

    La loi des débouchés s'énonce précisément ainsi : «Les produits s'échangent contre des produits.». Say, profondément optimiste, se distingue des physiocrates en affirmant que tout revenu est aussitôt dépensé, et non épargné. Dans une économie donnée, la demande totale ne peut durablement excéder l'offre totale, ni tomber au-dessous. La création d'une nouvelle marchandise offre toujours un débouché pour d'autres produits puisque le pouvoir d'achat des producteurs représente le coût des produits offerts sur le marché, et qui peuvent donc être acquis. Or, comme la consommation des produits alimentaires est limitée pour chaque individu, plus une nation est civilisée, plus les individus qui la composent vont se tourner vers l'achat de marchandises nombreuses et diverses. Il est donc possible qu'une branche particulière connaisse une surproduction ou une sous-production, mais il est impossible de concevoir de tels phénomènes à l'échelle de l'économie tout entière. Le marché, dans tout les cas, se chargera de supprimer les déséquilibres, qui ne sont donc que passagers.

    L'entrepreneur industriel joue, dans la représentation que Say donne du système économique, le rôle central. Il est celui qui prend un risque pour lequel son capital doit recevoir un intérêt, et il est un créateur de richesses. Les entrepreneurs choisiront de placer leurs investissements dans les secteurs où l'offre est relativement rare, et où les espérances de profit sont donc les plus fortes. Ils jouent un rôle social éminent, que tenait la fameuse «main invisible» dans la théorie d'Adam Smith : ce sont les entrepreneurs qui organisent et dirigent la production en vue de la satisfaction des besoins des hommes.

     

    Thomas Robert Malthus

    Dans son essai sur le principe de la population (1798), il postule que la population croît, naturellement, de manière géométrique (1, 2, 4, 8, 16, 32, …) alors que les subsistances ne peuvent croître que de manière arithmétique (1, 2, 3, 4, 5, 6, …). De cette tendance à la surpopulation découle la misère des travailleurs. C’est le meilleur des stimulants pour que les pauvres limitent eux-mêmes leur fécondité. Les moyens artificiels de limitation des naissances étant moralement exclus, il revient aux pauvres de pratiquer librement le moral restreint (l’abstinence sexuelle dans le célibat), qui seul améliorera leur condition.

    Une augmentation préalable de la demande solvable est nécessaire à l’augmentation de la production, or en épargnant trop, les capitalistes et les propriétaires risquent de diminuer la demande effective pour les produits et de créer surabondance de capital et chômage. Pour lutter contre la surproduction, Malthus propose les débouchés du commerce intérieur et extérieur et il va même jusqu’à préconiser une politique de grands travaux publics et l’accroissement du nombre des consommateurs improductifs (hommes d’Etat, soldats, juges, médecins …)

    David Ricardo

    Ricardo prend pour base de sa démonstration une économie qui ne produit que du blé. Sachant que la population a tendance à s'accroître, il devient donc nécessaire de mettre en culture des terres de moins en moins productives ; le salaire étant par définition nécessaire à la simple subsistance du travailleur et de sa famille, ce salaire exprimé en blé ne peut baisser ; la demande en blé est inélastique ; or, les rendements déclinant, les profits par travailleur diminuent, jusqu'à ce que le profit soit égal à zéro. Aucun produit agricole ne pouvant être vendu à un prix inférieur à son coût de production, le prix du blé va donc être fonction du coût de production le plus élevé, correspondant à l'unité de terrain dont la fertilité est la plus faible. La rente est ainsi définie par la différence entre le coût de production des produits sur une unité de sol fertile et le même coût sur une unité infertile.

    Ricardo, contre Say, nie que le prix des marchandises soit déterminé par le jeu de l'offre et de la demande. Le prix à long terme des marchandises ne provient que de la quantité de travail qui a servi à leur production. Le rapport entre l'offre et la demande ne peut influencer le prix du marché que sur une courte durée. Lorsque Ricardo analyse la rente versée aux propriétaires fonciers, il reprend la démonstration de Malthus : la croissance de la population entraîne la mise en culture de terres de moins en moins productives. Or, le coût de l'ensemble du blé produit ne peut être inférieur au coût du blé produit sur la parcelle la moins rentable, sinon cette parcelle n'aurait pas été cultivée. Donc, la rente que touchent les propriétaires terriens sur les parcelles les plus productives augmente au fur et à mesure que des parcelles moins rentables sont mises en culture. Dans cette analyse, Ricardo met ainsi en avant un raisonnement différentiel, qui permet de calculer la rente en fonction des qualités de la dernière terre mise en culture, et non pas de la seule valeur du travail. Il ouvre ainsi la voie aux théories marginalistes. Selon Ricardo, le revenu total dans une économie en croissance est caractérisé par une baisse de la part relative des profits du capital, alors que les salaires et la rente vont en augmentant. Le profit tend vers zéro, ce qui va contrarier l'accumulation du capital ; aussi les profits ne peuvent reprendre que grâce au progrès des techniques.

    Avocat du libre échange, Ricardo montre que tous les pays y ont intérêt, même ceux qui n'ont aucun avantage absolu dans quelque domaine que ce soit. Seuls les avantages comparatifs comptent. Dans un exemple fameux, Ricardo suppose que le vin et le drap sont produits moins chers au Portugal qu'en Angleterre, avec un avantage relatif encore plus grand pour le vin portugais que pour le drap portugais. Le Portugal aura intérêt à investir son capital dans la production de vin, pour laquelle il est le plus doué et où les profits seront les plus importants, tandis que l'Angleterre vendra au Portugal les draps, produits dans lesquels les capitaux portugais se seront le moins investis puisqu'ils ont logiquement intérêt à s'investir dans le vin où l'espérance de profit est la plus importante. Les deux pays auront donc intérêt à échanger du vin portugais — avantage comparatif le plus fort — contre du drap anglais — désavantage comparatif le plus faible.


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