•    1)Les débuts de l’insurrection

    L’insurrection commence le 1er novembre 1954 par l’embuscade d’un autobus avec l’assassinat de plusieurs passagers : un instituteur français, sa femme qui gravement blessée s’en sortira et un musulman qui cherche à s’interposer. Le nom de Fellagha (« coupeur de route ») s’impose par la suite aux rebelles. François Mitterrand alors ministre de l’intérieur parle de châtier les assassins et affirme sa volonté de maintenir les lois de la République en Algérie. Le FLN s’implante solidement dans l’est algérien et élimine les mouvements nationalistes rivaux. Pour appuyer la gendarmerie et la police, le gouvernement fait appel à l’armée dont les effectifs sont augmentés d’appelés venus de métropole. Sous l’impulsion du général Parlange, les Bureaux Arabes sont recrées sous le nom de « Sections Administratives Spécialisées » (SAS). L’on fait appel aux auxiliaires indigènes dont le nombre est très largement supérieur aux effectifs militaires du FLN. Ces auxiliaires musulmans comprendront jusqu’à 150 000 hommes armés, plus 20 000 civils dont beaucoup de femmes servant d’assistantes sociales dans les SAS.

       2)Des actions suicides

    Cette armée de masse garde les villages, les voies et les points de passages. Ces opérations de sécurité portent un coup dur au FLN qui se lance dans une action suicide : les massacres du Constantinois (20-21 août 1955). Il s’agit d’une attaque de 36 centres de colonisation qui se solde par l’assassinat de 71 civils européens et de 52 civils musulmans (des ouvriers agricoles). Cette action est militairement un suicide pour le FLN qui perd 1 273 hommes, mais un succès politique car la brutalité des massacres de familles européennes crée un fossé entre les deux communautés. La répression est renforcée. Les musulmans sont pris entre le terrorisme du FLN et les représailles françaises officielles ou spontanées. L’année 1956 voit le FLN rallier différentes composantes politiques et syndicales algériennes et mener une action tournée vers les villes. L’armée française marque un point avec la capture de Ben Bella en interceptant son avion alors qu’il se rendait au Maroc. Le futur premier président de l’Algérie indépendante se voit assigné à résidence surveillée jusqu’en 1962.

       3)La bataille d’Alger

    En 1957, voyant son action entravée dans la campagne, le FLN opte pour une campagne terroriste à Alger, le centre de l’administration française. C’est la bataille d’Alger (janvier-septembre 1957). La police nationale sous les ordres du préfet Teitgen s’étant révélée incapable d’éliminer le terrorisme, le gouvernement donne ordre aux parachutistes du général Massu de le combattre. L’efficacité est totale au prix de méthodes contestées comme la torture par « gégène » ou dynamo de radio, mais surtout grâce à l’infiltration des réseaux FLN bien plus efficace. L’armée française marque des coups sérieux dans ce domaine : un des chefs historiques meurt dans l’explosion d’une radio piégée et deux autres tombent dans des embuscades renseignées. Le plus beau « coup » de cette guerre spéciale est l’autodécimation de son réseau par le chef ALN Amirouche qui s’estime infiltré et trahi. Lui-même est tué en 1959.

       4)Une opinion divisée

    Les regroupements de populations dans des villages construits par les SAS empêchent le FLN de recruter et de trouver des secours dans la population. Toujours en 1957, le FLN subit un autre échec dans le Sahara. Néanmoins en France l’opinion se divise. L’envoi du contingent, en particulier chez les « rappelés », (ceux qui ont déjà effectués leur temps de service et qui sont rappelés au service, avec l’allongement du temps de service), est une mesure qui se révèle impopulaire en France. A gauche, un sentiment anticolonial se fait jour, et des manifestations contre la torture pratiquée par l’armée française ont lieu. En février 1958, l’armée de l’air bombarde la base de l’ALN à Sakhiet-Sidi-Youssef en Tunisie ce qui provoque des réactions internationales. Les Etats-Unis et le Royaume-Uni font pression sur la France pour hâter une solution politique.


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  •    1)Le nationalisme algérien

    Le nationalisme algérien est né dans l’entre-deux guerres et emprunte ses techniques et ses dénominations au modèle démocratique français. Il part même de France où les émigrés musulmans montent en 1926 le journal antifrançais et d’expression française L’Etoile Nord-Africaine, dirigé par Messali Hadj un des futurs chefs de l’insurrection après 1945. Ce n’est qu’en 1936 que le mouvement s’implante en Algérie. Messali Hadj fonde en 1937 le « Parti du Peuple Algérien » (PPA), qui est interdit en 1939. Messali Hadj est condamné en 1941 aux travaux forcés. Homme respecté, il s’opposera toujours au FLN et n’obtiendra la nationalité algérienne qu’en 1965 sans pour autant être reconnu par les autorités d’Alger comme l’un des grands acteurs du nationalisme algérien. Le « Parti Communiste Algérien » (PCA) lié à son équivalent français est notoirement anticolonialiste.

       2)Le nationalisme islamique

    Parallèlement, un nationalisme islamique est fondé par treize docteurs en théologie (1931) qui essaie de s’implanter à partir d’écoles primaires privées et religieuses. Ces écoles finissent par regrouper 40 000 élèves en 1954. Dès 1936, leur refus de l’intégration à la française se lit dans une déclaration : « Cette population musulmane (d’Algérie) n’est pas la France, elle ne peut pas être de la France, elle ne veut pas être de la France ». La défaite de 1940 ruine le prestige de la France, mais il n’y pas de révolte contre l’autorité vichyste puis gaulliste. De Gaulle promet en 1944 de donner aux musulmans les mêmes droits et devoirs que les français. Une lutte d’influence oppose alors Ferhat Abbas, un progressiste, et Messali Hadj, plus radical et qui demande l’autonomie. La déportation de Messali Hadj le 25 avril 1945 porte au rouge les revendications nationalistes.

       3)Emeutes et répression

    Le 8 mai 1945 est l’occasion d’émeutes dans le Constantinois en particulier à Sétif : 103 européens sont massacrés le plus souvent de façon mutilatoire, modus operandi qui se retrouvera après 1954 et même dans la guerre civile algérienne. La répression militaire française est dure face à 50 000 émeutiers. Il y a près de 1 500 exécutions, mais les nationalistes estiment à 5 000 les victimes de la répression. Cette flambée profite à Ferhat Abbas qui crée l’ « Union Démocratique du Manifeste Algérien » (UDMA). Les radicaux se reconstituent dans le « Mouvement pour le Triomphe des Libertés Démocratiques » (MTLD) qui obtiennent une victoire aux municipales de 1947. L’année 1947 est celle du Statut de l’Algérie qui mécontente tout le monde. Il crée une assemblée de deux collèges (européens et musulmans) en réalité contrôlés par l’administration du gouverneur général. Le 9 décembre 1947, sous l’égide de la Ligue Arabe a lieu au Caire la création d’un Comité de Libération du Maghreb Arabe. Mais ce comité disparait dans les impératifs nationaux bien qu’une certaine solidarité se manifestera pendant la période des luttes anticoloniales.

       4)Les mouvements d’indépendance

    Le MTLD dirigé depuis son lieu d’assignation à résidence par Messali Hadj est victime de ses dissensions internes. Messali Hadj crée un autre parti le « Mouvement National Algérien » (MNA). Issus du MTLD, ce sont 9 chefs historiques messalistes qui regroupés depuis juillet 1954 dans le « Comité Révolutionnaire d’Unité et d’Action » (CRUE) déclenchent finalement l’insurrection. Les détails militaires de l’insurrection sont laissés à « l’Armée de Libération Nationale » (ALN). Parallèlement est formée au Caire la structure politique permanente du mouvement : le « Front de Libération Nationale » (FLN), mouvement nationaliste et marxiste algérien. D’après les propos postérieurs d’Ahmed Ben Bella, un des chefs historiques du mouvement, le but de l’insurrection est de produire « un divorce, une rupture avec la France ».


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  •    1)Un geste malheureux

    En 1945, l’Afrique française du nord (AFN) compte deux protectorats, le Maroc et la Tunisie, plus une colonie de peuplement qui forme trois départements (l’oranais, l’Algérois et le Constantinois), l’Algérie. L’Algérie est la première conquête de la France au Maghreb. A l’origine, le roi Charles X prend le prétexte de venger une injure nationale. En 1827, le Dey d’Alger Hussein a frappé le Consul de France au bras d’un coup de chasse-mouche. L’explication de ce geste inconsidéré est une dette contractée par le Directoire en 1798 pour l’achat d’une grande quantité de blé auprès de deux marchands juifs livournais installés à Alger, Busnach et Bacri. La République puis le Consulat ont payé trois fois la somme due, mais Talleyrand leur ministre des Affaires a détourné l’argent. La créance a été entre-temps rachetée par le Dey d’Alger Hussein à Busnach et Bacri. S’irritant de la mauvaise volonté apparente de la France, il s’en prend alors à son Consul.

       2)Une réponse armée

    Quand Charles X décide l’expédition contre « Alger la Blanche », son but véritable est de détourner l’ardeur révolutionnaire et belliciste des français par une guerre extérieure. Or il est renversé par les Trois Glorieuses (26-28 juillet 1830) alors qu’Alger est déjà entre les mains de la Flotte et de l’Armée française. Que faire de cette conquête ? Sans réflexion profonde, mais travaillée par les idées saint-simonienne (de Saint-Simon, un socialiste utopique) et romantiques, le commandement de l’Armée se laisse aller à la conquête progressive des trois provinces ottomanes et à leur colonisation. Imbu d’histoire romaine, le général Bugeaud gouverneur de 1841 à 1847 est partisan de la conquête absolue de la province d’Alger et deux autres deyliks ottomans. La Seconde République essaie en 1848 de régler les problèmes sociaux de la Métropole par l’envoi de chômeurs en échange de concessions de terres gratuites. Mais les résultats sont faibles. Les déportés politiques de 1848, ceux de 1851, puis les alsaciens-lorrains chassés en 1871 forment les gros contingents de la colonisation qui attire aussi des espagnols et des italiens. Ces colons sont surnommés « pieds noirs » par les indigènes, car ils portent des souliers de cuir noir.

       3)La France et l’Algérie

    Dès le second empire, dans ce que l’on appelle désormais « l’Algérie » Napoléon III voit « un boulet attaché à la jambe de la France ». En public, il n’en soutient pas moins la politique des « Bureaux Arabes » qui essaient de créer des liens de coopération avec les populations musulmanes et demande de les traiter « comme des compatriotes ». La fin du Second Empire achève aussi la mainmise de l’armée sur l’Algérie qui se dote d’un gouvernement civil moins favorable aux arabes, avec un gouverneur général à Alger. A partir de 1871, des révoltes sporadiques en particulier kabyles essaient vainement de secouer le joug français à chaque guerre européenne que connait la France. La seule exception est la seconde guerre mondiale bien que certains nationalistes algériens essaient de prendre appui sur les autorités germano-italiennes présente en Tunisie et en Algérie en tant que commissions d’armistice. Au cours de deux guerres mondiales et surtout de la première, les musulmans fournissent d’importants contingents dans les tirailleurs (infanterie) et les spahis (cavalerie). L’armée de Lattre qui débarque en Provence (15 août 1944) comprend des régiments de tirailleurs algériens.

       4)Population et économie

    Economiquement, l’Algérie vit surtout de l’agriculture et de l’exportation d’agrumes et de vin vers la métropole. Les colons sont de moins en moins de paysans mais surtout des petits commerçants et artisans et des fonctionnaires. Les algériens sont des citoyens de seconde catégorie, à l’exception d’une petite minorité qui a reçu la citoyenneté française. Deux collèges électoraux séparent les européens des musulmans. En 1954, la population européenne se monte à 948 000 personnes dont 79% sont nés en Algérie, soit 10% de la population totale. La population musulmane se monte à 8 700 000 dont 300 000 en métropole en 1954. Elle est en plein essor démographique (200 000 naissances par an) grâce aux progrès médicaux amenés par les français. Les grandes villes d’Algérie ressemblent à des préfectures française avec leur mairie, leur cathédrale, leurs monuments aux morts. La ville indigène comme la Casbah à Alger est plus réduite. Après 1945 apparaissent les premiers HLM. La croissance démographique de la population musulmane pose des problèmes économiques et sociaux que la France, alourdie du fardeau de la reconstruction après la seconde guerre mondiale, n’a pas les moyens de régler.


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