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  • La longue marche vers l’unification du droit
     
    La rédaction officielle des coutumes
     
    La rédaction officielle des coutumes, restées jusque là, à l’exception de celles du midi, orales ou rédigées seulement à titre privé, constitue un tournant dans l’histoire du droit. L’initiative en revient au roi Charles VII dans le cadre d’une vaste politique de réforme entreprise à l’issue de la guerre de cent ans : l’ordonnance de Montils-lès-Tours pour la réformation de la justice, d’avril 1454 (article 125), a décrété que « les coutumes, usages et styles de tous les pays de notre royaume soyent rédigés et mis pas escrit » dans le but d’abréger les procès et de permettre aux juges de mieux connaître le droit applicable. La procédure laissait une large initiative aux autorités locales : dans chaque province ou
    bailliage, les praticiens et les représentants de la population rédigeaient eux-mêmes le texte de la coutume que le roi et le parlement se bornaient ensuite à vérifier avant de le promulguer.
     
    Cependant, la décision n’eut guère d’effets immédiats : seules furent rédigées dans la seconde moitié du XVe siècle quelques coutumes du Val de Loire, où résidaient le roi et sa cour (Touraine en 1461, Anjou en 1463), et celle du duché de bourgogne (1459) à l’initiative du duc Philippe le Bon. L’impulsion décisive fut donnée sous le règne de Charles VIII par l’ordonnance d’Amboise du 15 mars 1498 qui établit une procédure nouvelle de rédaction. Plus précis et plus directif, l’ordonnance de 1498 l’a modifiée en faisant intervenir dès le début des commissaires royaux et en leur confiant un rôle plus actif : le roi nommait trois commissaires parmi les principaux magistrats du parlement du ressort dont dépendait la coutume à rédiger, qui devaient se rendre sur place et diriger toutes les opérations. Les commissaires réunissaient des praticiens locaux réputés pour leur connaissance du droit et élaboraient avec eux un projet de coutume.
     
    Ce projet de coutume était ensuite soumis aux députés des trois états de la province, qui avaient pouvoir de l’adopter ou de la rejeter. Les dispositions sur lesquelles les états s’accordaient unanimement étaient aussi arrêtés et publiées par les commissaires du roi. Celles qui suscitaient des désaccords, ou qui faisaient l’objet d’une opposition de la part de particuliers ou de corps, étaient réservées et portées devant le parlement, qui devait les trancher au terme d’une procédure contradictoire. Une fois le travail achevé, la coutume rédigée était promulguée par le roi et, dès lors, s’imposait à tous. La plupart des coutumes furent rédigées dans la première moitié du XVIe siècle, à l’exception de celle de Normandie qui dut attendre 1583.  
     
    Dans la seconde moitié du XVIe siècle, le travail de rédaction étant presque achevé, commença la réformation, c’est-à-dire la révision des coutumes déjà rédigées dans le but d’en moderniser la forme et le fonds : ainsi la coutume de Paris, rédigée en 1510, fut réformée en 1580. La rédaction a causé de profonds changements dans les coutumes. Elle a eu pour première conséquence d’en diminuer le nombre. Au XVIIIe siècle, la France comptait 65 coutumes générales régissant toute une province ou un bailliage, et environ 300 coutumes locales, qui ne dérogeaient à la coutume générale que sur
    quelques points. La rédaction, et surtout la réformation, ont permit aussi de moderniser et jusqu’à un certain point d’uniformiser le droit coutumier. Les commissaires du roi, avec l’accord des représentants des trois ordres, ont introduit des règles inspirées du droit romain, qu’ils jugeaient mieux adaptées à l’évolution de la société.  
     
    La doctrine à la recherche d’un droit commun français
     
    L’essor de la doctrine coutumière a été une conséquence indirecte, mais des plus importantes, de la rédaction. Dans la première moitié du XVIe siècle, aussitôt après la rédaction, ont paru de nombreux commentaires de coutumes, dont les articles étaient interprétés selon des procédés d’inspiration bartoliste. Par la suite, les juristes coutumiers ont adopté les méthodes des humanistes, en faisant une moindre place au commentaire exégétique et à l’examen de questions pratiques au profit de raisonnements logiques, menés de manière plus synthétique et déductive. Ces travaux ont contribué à orienter de manière décisive l’évolution du droit français. Grâce à eux, la science du droit coutumier
    a comblé son retard sur le droit romain et accédé à une reconnaissance au moins égale, et même rapidement supérieure à celle de la science romaniste. 
     
    L’apport le plus original et le plus fécond de la doctrine a consisté à dépasser la diversité des coutumes pour chercher à introduire l’unité autour de la notion de droit commun coutumier. Les juristes du XVIe siècle, en même temps qu’ils rejetaient la primauté du jus commune, ont éprouvé le besoin de le remplacer dans sa fonction unificatrice par un nouveau droit commun, fondé sur les coutumes elles mêmes, qu’ils ont commencé à envisager comme système homogène. Le droit commun coutumier, appelé de plus en plus souvent droit français, devait jouer un rôle identique à celui qui était dévolu au jus commune : combler les lacunes des coutumes muettes, et plus encore servir de critère général d’interprétation de toutes les dispositions coutumières. Influencés par les méthodes de l’humanisme systématique puis par les méthodes de l’école du droit naturel, la plupart s’inspiraient des institutes romaines dont ils empruntaient le titre et le plan.
     
    Le travail d’unification de la doctrine a trouvé une consécration et un prolongement dans l’enseignement : reprenant une idée de Guy Coquille, l’édit de Saint-Germain -en-Laye d’avril 1679 a institué dans toues les facultés de droit, y compris celles des pays de droit écrit, des cours de droit français à côté des matières traditionnelles, droit romain et droit canonique. Ils devaient être dispensés non par des docteurs régents, comme les précédents, mais par des professeurs royaux dotés d’un statut particulier, recrutés parmi les meilleurs praticiens et rémunérés directement par le roi. Malgré la place limitée faite au droit français, la réforme innovait en ouvrant pour la première fois l’enseignement
    universitaire vers le droit positif national. Il est néanmoins incontestable que la doctrine a fait accomplir des progrès décisifs dans cette voie et préparé la codification future, à laquelle oeuvrait aussi la législation royale.
     
    Les attaques contre le droit romain ont été le fait de jurisconsultes dont l’argumentation, inspirée par leurs idées gallicanes et par un sentiment national très vif, a contribué à faire passer le droit romain, comme le droit canonique, pour étranger à la France. A cette élite des praticiens, le droit apparaissait comme le produit du « naturel » de chaque peuple, étroitement déterminé par l’époque, le milieu voire le climat où il s’était formé. Le refus de reconnaître toute autorité officielle au droit romain n’implique pas qu’il ait perdu toute influence. A l’opposé d’une réception massive du droit romain comme système juridique, son utilisation pour la raison ne consistait qu’à transposer un nombre limité de
    solutions précises, comme l’avaient fait les réformateurs de coutumes, en intégrant quelques règles romaines dans le droit coutumier pour en combler les lacunes. Le droit romain a servi de modèle aussi d’un autre point de vue : il a passé pour l’exemple type d’un systématique et rationnel, conforme aux enseignements de la nature.              
     
    Les grandes ordonnances codificatrices
     
    Les ordonnances de Louis XIV
     
    Les ordonnances de Louis XIV représentent l’aboutissement d’un vaste programme de codification du droit conçu dès le début du règne personnel et auquel fut étroitement associé le plus influent des ministres, Jean Baptiste Colbert. Si elles se rattachent à la tradition des ordonnances de réformation, elles s’en distinguent par la procédure de leur rédaction, leur spécialisation rigoureuse et le caractère rationnel et ordonné de leur contenu. Colbert, dans les mémoires rédigés à cette occasion, souhaitait une réforme générale du droit. Elle aboutit à la rédaction de cinq grandes lois : l’ordonnance civile
    d’avril 1667, l’ordonnance des eaux et forets d’août 1669, l’ordonnance criminelle d’août 1670, l’ordonnance du commerce (terrestre) de mars 1673 et celle de la marine d’août 1681. Après la mort de Colbert fut promulguée, en mars 1685, l’ordonnance coloniale, appelée aussi code noir, qui fixait le droit applicable dans les colonies.
     
    Les ordonnances de Louis XIV ont fait accomplir un progrès à la codification. A la différence des codes romains, elles ne constituaient pas de simples compilations de lois antérieures mais offraient des textes originaux clairs et soigneusement rédigés, qui réformaient le droit existant. Les ordonnances civiles et criminelles n’ont fixé et unifié que les règles essentielles de la marche des procès, auparavant variables d’une juridiction à l’autre, ainsi que les questions les plus controversées, et n’ont abrogé que les lois et usages contraires à leurs dispositions. L’ordonnance des eaux et forets, l’ordonnance du
    commerce et l’ordonnance de la marine, inspirées des préoccupations mercantilistes de Colbert, ne prétendaient pas davantage traiter l’ensemble de la matière. L’ordonnance du commerce, trop lacunaire, est apparue rapidement dépassée. L’importance qui leur a été reconnue se mesure au nombre et à la qualité des commentaires doctrinaux qu’elles ont suscités. 
     
    Les ordonnances de Louis XV
     
    Les ordonnances de D’Aguesseau, à la différence de celles de Louis XIV, touchent directement au droit privé. Henri François d’Aguesseau (ou Daguesseau) exerça la fonction de chancelier de France pendant une période de trente trois ans (de 1717 à 1750), entrecoupée de disgrâces où les sceaux lui furent retirés. Juriste éminent, d’esprit rationnel et cartésien, il était, tout autant que Colbert, partisan de l’unité de législation, mais trop prudent et trop bon connaisseur du droit pour ignorer qu’une telle tâche ne pouvait être réalisées dans l’immédiat. Aussi a-t-il procédé par étapes et limité son travail de codification à trois questions qui firent l’objet d’ordonnances distinctes, 
     
    Ces ordonnances ont été réunies sous le titre officieux de code Louis XV : les donations entre vifs (1731), les testaments (1735) et les substitutions (1747). Promulguées dans des matières relevant traditionnellement du droit romain et du droit coutumier, elles n’avaient pas pour but de substituer à ces sources des dispositions d’ordre législatif mais visaient plus modestement à unifier la jurisprudence divergente des parlements. Le résultat, bien que d’ampleur limitée, est remarquable par sa clarté et sa valeur technique. Les ordonnances de D’Aguesseau ont permis une large unification du droit des donations, facilitée par le fait qu’il était pour l’essentiel d’origine romaine. La doctrine a parachevé le travail en leur consacrant de nombreux commentaires.

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  • L’affirmation de l’Etat
     
    Les lois du royaume 
     
    Le statut de la couronne
     
    Comme celui d’aujourd’hui, l’Etat royal était doté d’un corps de règles supérieurs qui fixaient de manière immuable la transmission et les conditions d’exercice du pouvoir. La s’est dotée dans le domaine de la dévolution du pouvoir de principes bien plus rigoureux que ceux des autres Etats. A la mort du roi, tout retour au partage du royaume étant exclu, l’usage s’est instauré de reconnaître pour successeur l’aîné. Les filles, en présence de fils, recevaient une dot mais se trouvaient exclues de la succession. Si importants qu’ils soient, ces premiers principes ne formaient pas un statut propre à la Couronne. Un tel statut, fait de règles liées à la nature même de la fonction royale, a commencé à se
    constituer au XIVe siècle, lorsque la mort sans descendance masculine de tous les fils de Philippe le Bel a soulevé des difficultés nouvelles et donné naissance à des solutions originales.
     
    Avant le XIVe siècle, jamais la question de la succession d’une femme à la Couronne de France ne s’était posée, tous les capétiens ayant eu au moins un fils pour leur succéder. Louis X, en 1316, fut le premier à mourir sans héritier mâle, en ne laissant qu’une fille, Jeanne, née d’un premier lit, et une veuve enceinte. Le gouvernement revient au premier de ses frères provisoirement, Philippe de Poitiers, avec le titre de lieutenant général du royaume. Philippe conclut un accord avec la veuve de Louis prévoyant que si l’enfant à naître était un fils, celui-ci serait reconnu roi. Un fils naquit, mais sa mort au bout de quelques jours rendit l’accord caduc. Philippe, fort de l’avis favorable de l’université de Paris et de l’assentiment des grands seigneurs laïcs et ecclésiastiques, se fit reconnaître roi et sacrer, en excluant sa nièce de la succession. Le précédent suffit à fixer la coutume: lorsque, en 1322, Philippe V mourut à son tour en ne laissant que des filles, la Couronne fut dévolue sans contestation à son frère, le dernier des fils de Philippe le Bel, Charles IV
     
    A la mort de Charles IV, en 1328, la même situation se renouvela : le roi n’avait qu’une fille et sa veuve était enceinte. Après la naissance d’une fille posthume, deux prétendants revendiquèrent le trône : le roi d’Angleterre Édouard III, neveu du défunt par sa mère, Isabelle de France, et Philippe de Valois, parent plus éloigné mais par les hommes. Avec l’accord de l’université de Paris et d’une assemblée d’évêques, de nobles et de bourgeois, Philippe de Valois se proclama roi. Édouard III, encore mineur, n’insista pas pour faire valoir les droits auxquels il prétendait. L’exclusion des femmes et des parents mâles par les femmes avait un caractère plus politique que juridique. La crainte de voir réunis sur une même tête les deux couronnes de France et d’Angleterre, accentuée par le sentiment
    national naissant, a sans doute pesé plus lourd que les arguments juridiques. Édouard III, après avoir reconnu la légitimité de Philippe de Valois, se proclame roi de France en 1340 et envahit le royaume. Les désastres militaires des Valois poussèrent leurs partisans à faire de la masculinité un principe théorique. De l’interprétation allégorique d’un passage de l’évangile, ils tirèrent l’idée d’une incompatibilité entre la royauté française et la nature féminine. L’argument le plus important fut tiré de la loi salique, exhumée par Richard Lescot en 1358, qui écartait les filles de la succession à la terre des ancêtres.    
     
    Charge publique, la royauté ne pouvait disparaître avec son titulaire, et les progrès de l’idée d’Etat se reflètent dans ceux de la continuité de la fonction. Dans la tradition du haut Moyen Age, le sacre jouait un rôle essentiel : il faisait le roi, lui conférait la légitimité sans laquelle il ne pouvait régner et, à sa mort, son successeur n’était reconnu qu’après avoir été sacré. Période d’interrègne, la minorité et la régence étaient un temps d’affaiblissement de l’autorité. Pour y remédier et éviter une trop longue vacance du
    trône, l’age de la majorité royale a été de plus en plus abaissé. L’avancement de l’age de la majorité abrégeait mais ne supprimait pas l‘interrègne. Les ordonnances de Charles VI de 1403 et de 1407 l’ont au contraire fait disparaître en instaurant l’instantanéité de la succession. En conséquence, le sacre perdait une bonne partie de sa fonction : dénué d’effet constitutif, il ne transmettait plus la royauté mais se bornait à la déclarer, à la reconnaître. Autre conséquence de l’instantanéité de la succession : la disparition de la régence. Certes, l’absence de régence relève pour une part de la fiction, car le jeune roi, tant qu’il était mineur de quatorze ans, ne gouvernait pas en personne. Il y avait toujours un régent ou une régente pour exercer le gouvernement à sa place, mais il le faisait au nom du roi mineur et non plus en son propre nom.         
     
    Au début du XVe siècle, la démence du roi Charles VI avait engendré une grave crise politique. Dans l’entourage royal, deux clans rivaux se disputaient le pouvoir : les bourguignons, menés par le duc Philippe de Bourgogne puis par son fils Jean sans Peur ; les armagnacs, dirigés par le frère du roi, Louis d’Orléans. Les anglais en profitèrent pour reprendre les hostilités, envahirent le royaume et l’occupèrent en partie. Jean sans Peur s’empara du pouvoir. Mais en 1419, il fut assassiné. Les bourguignons, alliés aux anglais, en prirent prétexte pour persuader le roi de déshériter son fils. Le « honteux traité de Troyes » de1420 conclut entre Charles VI et le roi d’Angleterre Henri V déclara le dauphin indigne de succéder et désigna pour héritier Henri, que Charles VI adoptait et à qui il donnait sa fille en mariage. Dès 1419, un légiste nîmois, Jean de Terrevermeille, avait affirmé le caractère indisponible de la couronne. Pour qu’une opinion doctrinale devint loi fondamentale, il lui fallait recevoir la consécration des faits. En 1422, après la mort d’Henri V et de Charles VI, les anglais et les bourguignons reconnurent pour roi le tout jeune fils d’Henri V, Henri VI. Les armagnacs proclamèrent roi le dauphin Charles, Charles VII. En 1429, avec l’aide de Jeanne d’Arc, Charles VII prit l’offensive : son sacre à Reims lui permit d’asseoir sa légitimité et ses victoires militaires de reconquérir
    toutes les parties du royaume occupées par les anglais. Victoire qui était aussi celle du principe d’indisponibilité de la Couronne.   
     
    Pendant le Moyen Age, le maintien de l’unité religieuse avait dispensé d’envisager l’existence d’un monarque hérétique. Pour que la question se posât concrètement, il fallut la reforme protestante, la formation d’un parti protestant minoritaire mais influent, avec sa tête la reine de Navarre Jeanne d’Albret et son mari Antoine de Bourbon, enfin, le déclenchement des guerres de religion qui déchirèrent la France jusqu’en 1596. Il fallut surtout qu’une crise dynastique se greffât sur le conflit religieux à partir de 1584 : le plus proche parent par les mâles, à qui la loi salique destinait la Couronne, était Henri de Navarre, fils d‘Antoine de Bourbon et de Jeanne d’Albret, chef du parti protestant. La majorité catholique, organisé depuis 1576 dans le parti de la Sainte Ligue, proclamèrent
    roi l’oncle d’Henri sous le nom de Charles X, puis, après sa mort, envisagèrent d’appeler au trône une fille du roi d’Espagne, petite fille d’Henri II par sa mère. Les Etats généraux réunis en janvier 1593 rejetèrent cette éventualité. Le 25 juillet 1593, Henri abjura la religion réformée et, après la levée de son excommunication, fut sacré à Chartres.       
     
    Le statut du domaine royal 
     
    Le domaine royal est composé des territoires du royaume sous l’autorité directe du roi, et non régis par l’intermédiaire des féodaux. Avec la Couronne, le roi recevait un patrimoine, un ensemble de biens de toute nature qui composaient son domaine : meubles (argent, bijoux, mobilier royal), immeubles (seigneuries, châteaux, terres, forets), biens incorporels (droits féodaux et fiscaux, droits régaliens comme la justice, le monnayage, les droits d’aubaine, d’épave ou de déshérence, créances). Le droit d'aubaine est une succession, qui revenait au roi, des biens d'un étranger mort sur son royaume. Le droit de déshérence est la situation de la succession qu'aucun héritier reconnu n'est venu réclamer
    et qui, dans ce cas, est acquise à l'État. Le domaine sera constamment accru par la monarchie, par mariage, héritage, annexion, pour atteindre à la fin de l’ancien régime les limites du royaume.
     
    Jusqu’au XIVe siècle, le roi a gardé la pleine propriété et la libre disposition de son domaine. A mesure qu’émergeaient la notion de Couronne, sont apparues les premières manifestations de l’inaliénabilité. Clairement dégagé dès le XIV-XVe siècles, le principe  a commencé d’être mis en œuvre à la même époque. Philippe V, Charles IV, Philippe VI de Valois l’ont régulièrement invoqué pour justifier la révocation générale des donations de biens domaniaux et restreindre par avance les aliénations futures. Charles V est allé plus loin en faisant inclure dans le serment que prononçait le roi le jour de son sacre une clause par laquelle il s’engageait à ne pas aliéner « les droits et noblesses de la Couronne de France ». Son ordonnance du 3 mars 1356 fut la première à affirmer clairement la
    nature publique du domaine, défini comme « le propre héritage du royaume et de la Couronne de France ».
     
    Un tel engagement n’avait pourtant qu’une portée morale, insuffisante pour mettre fin à la pratique des aliénations, qui s’est poursuivie tout au long du XVe siècle et de la première moitié du XVIe siècle. Dégagée dès les derniers siècles du Moyen Age,  et déjà considérée comme loi fondamentale, l’inaliénabilité, comme le montre l’alternance d’aliénations, de révocations et de réaffirmations de la règle, demeurait mal respectée et, pour des raisons pratiques, ne pouvait l’être absolument : les nécessités d’une bonne gestion, l’obligation de trouver des ressources dans les périodes de crise financière, l’existence d’usages contraires bien établis s’y opposaient, et des exceptions avaient
    toujours été admises. Il fallait clarifier la règle : dans ce but, le chancelier de l’Hospital fit promulguer l’édit de Moulins de février 1566, qui, sans apporter des solutions neuves, a réaffirmé le principe et précisé les modalités de son application.      
     
    L’édit de Moulins a d’abord cherché à fixer la composition du domaine encore incertaine Si les biens qui en avaient fait partie au cours du règne précèdent y entraient pour former le domaine ancien ou fixe, des doutes subsistaient pour ceux qu’avait acquis le roi régnant. L’édit de Moulins a maintenu la distinction entre domaine ancien et biens acquis au cours du règne, ou domaine casuel, et limité l’inaliénabilité au premier : il prévoyait toutefois la faculté d’unir les biens du domaine casuel au domaine fixe par décision expresses du roi, ou de plein droit après qu’ils eurent été administrés pendant dix ans par des agents royaux. Par contre, l’édit ne réglait pas le sort des biens possédés en propre par le roi avant d’accéder au trône. La solution dépouillant le roi de ses biens personnels au profit du domaine fut justifiée par la métaphore du mariage mystique que le roi contractait avec la Couronne.            
     
    Limitée au domaine fixe, l’inaliénabilité supportait deux exceptions : les apanages et les engagements. Les apanages reposaient sur une tradition ancienne, et l’édit de Moulins acheva de les vider de tout contenu politique : les filles n’étaient pas apanagées en terres mais en argent pour éviter que, par leur mariage, les biens ne passent aux mains de familles étrangères ; au décès de l’apanagiste ou de son dernier mâle, s’il n’y avait pour héritiers que des filles, l’apanage revenait à la Couronne. Les engagements formaient une seconde exception, inspirée aussi de pratiques plus anciennes. En cas de guerre ou de nécessité absolue, le roi pouvait concéder des biens domaniaux en gage à des particuliers
    contre un prêt d’argent dont le montant était mis aux enchères et payé comptant. Il ne s’agissait pas juridiquement d’une véritable aliénation : seule était concédée la jouissance du fonds, non sa propriété qui demeurait à la Couronne, avec faculté de rachat perpétuel.   
     
    Le roi souverain juge et législateur 
     
    Le roi source et fontaine de justice
     
    Le roi a instauré ses propres tribunaux, où les jugements étaient rendus en son nom par des officiers qu’il nommait et à qui il confiait l’exercice de son pouvoir judiciaire. A la base, les prévôtés ou vicomtés étaient compétentes pour les seules affaires civiles et pénales de peu d’importance. Au dessus, les bailliages et sénéchaussées constituaient, à partir du XVIe siècle, les tribunaux de droit commun, compétents en première instance pour toutes les affaires qui n’étaient pas attribuées expressément à d’autres juridictions, et en appel pour juger les décisions des prévôts et des juges seigneuriaux. Au sommet de la hiérarchie, les parlements connaissaient en première et dernière instance des causes de certains privilégiés et surtout des appels des jugements des juridictions inférieures. 
     
    Unique à l’origine, le parlement de Paris a vu son ressort réduit par la création, à partir du XVe siècle, de parlement provinciaux : Toulouse (1444), Grenoble (1457), Bordeaux (1462), Dijon (1477), Aix-en-Provence (1501), Rouen (1515), Bretagne (1554), Pau (1623), Metz (1633), Besançon (1676), Douai (1713), Nancy (1775). Des conseils souverains jouant un rôle équivalent existaient dans les petites provinces rattachées tardivement au royaume (Artois, Alsace, Roussillon, Corse). A ces tribunaux de droit commun s’ajoutaient de nombreuses juridictions spécialisées, dotées de compétences d’attributions (chambres de comptes, des aides, cours des monnaies, juridictions des
    eaux et forets, tribunaux d’amirauté, juridictions consulaires, ancêtres des actuels tribunaux de commerce).
     
    Le conseil des parties connaissait des pourvois formés contre des arrêts rendus par les cours souveraines en dernière instance, et donc non susceptible d’appel. La jurisprudence a contribué avec la loi à la création de l’ancien droit privé français et, dès le XVIe siècle au moins, elle a été pleinement reconnue comme source du droit. L’autorité de la jurisprudence ne s’est vraiment affirmée qu’avec l’établissement des parlements. Son influence était bornée par l’absence de motivation des arrêt, qui ne permettait pas de connaître avec précision les raison qui avaient conduit la cour à prendre sa décision et en rendait aléatoire l’interprétation. Les arrêts n’étaient connus qu’à l’initiative de praticiens qui assistaient aux audiences, notaient les décisions les plus importantes et rassemblaient les décisions en recueils : à la fin du XIVe siècle, l’avocat parisien Jean Le Coq a été l’un des premiers à composer un tel ouvrage.             
     
    Le roi et la loi
     
    En France, la diversité coutumière et l’existence des pays de droit écrit s’opposaient à une unification rapide du droit, mais l’essor précoce de l’Etat nation a permis l’émergence, plus tôt que dans le reste de l’Europe continentale, de l’idée de droit national et favorisé son unification partielle. L’unification complète du droit ne pouvait s’accomplir que par voie législative, par l’autorité du roi. Mais le principal obstacle à la réalisation d’un tel dessein tenait au fait que, traditionnellement, le droit privé ne relevait
    guère du domaine de la loi. Si les progrès du pouvoir législatif royal sont incontestables, ils n’ont que peu touché le droit privé, et spécialement le droit coutumier, au point que l’on a parfois vu dans celui-ci un domaine où le roi s’interdisait d’entrer.
     
    Affirmation fondée sur le fait que le droit public a toujours constitué le terrain de prédilection de sa législation. Avant le XVI siècle, les interventions royales en matière coutumière sont restées épisodiques. En qualité de gardien des coutumes, le roi avait pouvoir d’abroger ou de réformer celles qu’ils jugeait mauvaises, et il en a usé pour supprimer les usages déraisonnables, oppressifs ou contraires à la morale, critères qui lui laissaient de larges pouvoirs d’appréciation. Les exemples connus de telles interventions montrent toutefois qu’elles concernaient les coutumes entendues au sens d’exactions seigneuriales. Aucune règle du droit privé stricto sensu ne parait avoir été réformée en
    tant que d’elle. On peut donc conclure qu’au Moyen Age, si rien n’interdisait au roi d’empiéter sur le domaine des coutumes, il éprouvait des scrupules à le faire.
     
    A l’époque moderne, la royauté s’est remise à légiférer en droit privé. Au XVe siècle, dans des matières comme la procédure civile et criminelle ou le droit pénal, qui s’étaient détachées du droit coutumier, réduit au droit privé stricto sensu. A partir du XVIe siècle, dans des domaines touchant plus directement au droit des particuliers. Les ordonnances de Villers-Cotterêts (1539) et de Blois (1579), l’ordonnance civile de 1667, complétées par une déclaration du 9 avril 1736, ont crée et organisée l’état civil en prescrivant aux curés d’enregistrer les baptêmes, mariages et sépultures, et en réglementant la tenue des registres. Ces progrès sont liés aux courants de pensée qui exaltaient la loi comme instrument de rationalisation du droit et tiraient parti de la rédaction des coutumes pour les faire dépendre de la volonté royale.
     
    La construction d’un monopole législatif du roi a suscité des oppositions des parlements et des états généraux. Sous l'Ancien Régime en France, un parlement est une assemblée ayant surtout un rôle judiciaire. Possédant une compétence extra-judiciaire, le parlement enregistre les ordonnances royales lues en audience publique puis transcrites sur registre par un greffier. Les légistes peuvent alors signifier au roi si la loi est juste ou contre raison. Ils ont droit de remontrance. Le roi peut passer outre. Dans ce cas, il envoie des lettres de jussion ordonnant l'enregistrement. Le parlement s'exécute ou fait de
    «nouvelles et itératives remontrances». Le roi tient alors un lit de justice: il se rend au parlement en personne et donne ordre de sa bouche au greffier d'enregistrer. En dernier recours, le parlement dispose d'une arme gênante: l'interruption de justice. Le roi finit toujours par soumettre le parlement. Les états généraux sont une assemblée politique réunie occasionnellement par le roi sous l'Ancien Régime et constituée des députés des trois ordres qui formaient l'armature juridique de la société : clergé, noblesse et tiers état.  Ils avaient comme revendication un partage du pouvoir législatif entre le roi et eux. Leur opposition provoqua leur non convocation entre 1614 et 1789.

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