• Alors qu'une nouvelle année commence, il est de coutume de faire un bilan de l'année précédente. alors commençons. L'année 2014 a été marquée par la transformation du site avec la publication d'articles sur l'historique du droit en France. Maintenant il est temps de se projeter dans le futur. En 2015, la publication des dossiers va continuer avant de laisser sa place à une nouvelle rubrique. Celle-ci traitera de l'historique de chaque matière du droit.

    Je vous souhaite une bonne année 2015.

    A bientôt


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  •       *L’égalité successorale

    En droit privé, la lutte pour l’égalité s’est cristallisée sur le droit successoral. Les premières lois successorales de la Révolution, avant toute réforme d’ensemble, se sont attaquées aux incapacités et aux inégalités coutumières, condamnées par la suppression des ordres. Le décret d’abolition des privilèges des 5-11 août 1789, en posant le principe de la soumission de tous les biens et toutes les personnes au droit commun, impliquait la disparition des successions nobles et la généralisation des règles successorales roturières. Ainsi expurgés, les coutumes, et dans le Midi le droit romain, ont continué de régir provisoirement les successions, dans l’attente d’une réforme générale que ni la Constituante ni la Législative ne purent élaborer.

    La Convention, dans le cadre de la rédaction du premier projet de code civil, s’est au contraire attachée à unifier l’ensemble du droit successoral en poussant à son paroxysme l’idéologie égalitaire. La loi du 12 brumaire an II (2 novembre 1793) a accordé aux enfants naturels des droits rigoureusement égaux à ceux des enfants légitimes dans la succession de leur père et mère avec effet rétroactif au 14 juillet 1789, et dans celle de leur collatéraux. Cette égalité ne profitait toutefois qu’aux enfants naturels simples, non aux adultérins ou incestueux qui restaient exclus et n’avaient droit qu’à des aliments évalués au tiers d’une part d’héritier. Seuls les enfants reconnus par leur père naturel bénéficiaient de droits dans sa succession.

    Avec la loi du 17 nivôse an II, détachée du premier projet Cambacérès et promulguée séparément, c’est l’ensemble du droit successoral qui a été unifié autour de principes nouveaux. Les distinctions entre propres, acquêts et meubles, que connaissaient la plupart des coutumes, furent supprimées, et les biens de du cujus, sans distinction de nature ou de provenance, fondus en une masse unique dévolue aux mêmes héritiers selon des règles identiques. Dotée d’un effet rétroactif au 14 juillet 1789, la loi de nivôse établissait un système trop rigide et trop dépendant de l’idéologie jacobine pour subsister durablement. Atténuée dans certains de ses effets après thermidor, elle n’aura guère d’influence sur les solutions du Code civil.


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  •       c)L’égalitarisme

    Plus encore que la laïcité et l’individualisme, l’égalité a inspiré les réformes révolutionnaires et marqué durablement le droit français. L’idéal d’une égalité strictement juridique, d’une égalité devant la loi qui soumettait tous les citoyens aux mêmes règles, sans distinctions liées à la naissance ou à la position sociale, a traversé toute la période.

    Plus tardivement, la Convention jacobine a recherché aussi l’égalité par le droit, en faisant de la loi un instrument de transformation et d’uniformisation des conditions sociales. L’égalité révolutionnaire est restée cependant ambiguë : invoquée de manière négative contre l’ancien ordre social, pour justifier sa suppression, elle a joué un rôle positif plus limité et engendré des inégalités nouvelles. 

          *L’égalité civile et politique

    De la société d’Ancien Régime, où la diversité juridique, fondée sur les statuts particuliers, le droit révolutionnaire s’est empressé de faire table rase. L’abolition des privilèges, auxquels leurs titulaires avaient renoncé solennellement lors de la nuit du 4 août, fut prononcée par le décret des 5-11 août 1789 et par une série de lois postérieures qui en ont précisé la portée et les modalités d’application. L’égalité de tous les citoyens devant a été proclamée, avec ses conséquences principales, par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.

    Si elle a aboli les inégalités anciennes, la Révolution en a aussi créé de nouvelles. Comme dans les cités antiques, l’affirmation de droits politiques liés à la citoyenneté a contribué à creuser le fossé entre français de naissance et étrangers, et préparé l’avènement du jus sanguinis dans le Code civil. Egalement entre hommes et femmes, et même entre citoyens. Réservé aux hommes, l’exercice de la citoyenneté n’était pourtant pas ouvert à tous : l’Assemblée constituante l’a subordonné à des critères fiscaux en adoptant une forme de suffrage censitaire. Provisoirement écarté sous la Convention, le suffrage censitaire ne s’effacera définitivement devant le suffrage universel qu’en 1848.

    La Terreur jacobine a engendré en outre de nouvelles formes d’exclusion fondées sur des critères politiques et idéologiques, entre « bons » citoyens, sympathisants et activistes de la cause révolutionnaire, et « mauvais » citoyens, « ennemis de la Révolution » privés de toutes garanties juridiques, quand on ne leur déniait pas purement et simplement, comme aux insurgés vendéens, la qualité d’êtres humains.


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  •    2)Les fondements du droit nouveau

    La Révolution a beaucoup légiféré et si, en ce domaine non plus, elle ne peut être considérée comme un bloc, si des nuances, voire des oppositions, sont décelables entre les réformes relativement modérées de la Constituante et de la Législative, celles, plus radicales, de la Convention montagnarde, et les mesures de réaction de la Convention thermidorienne et du Directoire, toutes se rattachent néanmoins à des principes identiques qui, sans être toujours nouveaux, ont été mis en œuvre avec une rigueur auparavant inconnue : la sécularisation du droit, l’individualisme, et par-dessus tout l’égalitarisme.

          a)Laïcisation du droit

    De ses origines, l’ancien droit conservait une empreinte religieuse, atténuée à partir du XVIe siècle par les interventions étatiques et les réformes d’esprit gallican, mais qui continuait d’inspirer certaines règles dans un pays où le catholicisme restait religion officielle. La Révolution, dont beaucoup d’acteurs, sous l’influence des Lumières, étaient hostiles aux religions révélées, athées ou déistes, et marqués par le gallicanisme, a promu un droit résolument laïc, en principe neutre à l’égard des croyances religieuses mais qui a tourné, sous la Convention et le Directoire, à la déchristianisation forcée. 

          b)L’individualisme

    Le droit révolutionnaire est par essence individualiste : en cela aussi il a rompu avec l’ancien droit et contribué à modeler le droit contemporain. La société d’Ancien Régime était « corporative ». La Révolution a fait de la destruction des corps l’un de ses premiers objectifs, au nom de l’unité de la Nation, du « Grand Tout national » (Sieyès) conçu comme l’agrégat de citoyens considérés de manière individuelle et abstraite, dégagés de tout lien social et réputés identiques et égaux.

    Le nouveau droit privé s’est fondé, lui aussi, sur l’individualisme. Les déclarations rédigées sous la Révolution ont consacré la notion de droits subjectifs élaboré par l’Ecole du droit naturel et n’ont proclamé que des droits propres à la personne, dont l’exercice restait purement individuel : ni la liberté de réunion, ni la liberté d’association, ni aucun autre droit collectif ne figure dans celle de 1789, et pas davantage dans celles de l’an I et de l’an III.


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