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Rationalisation et codification du droit partie 2.2
b)L’esprit des codes napoléoniens
« La Révolution en 2 281 articles » pour les uns, trop traditionnaliste, trop dépendant de l’ancien droit pour les autres, le Code civil a fait l’objet d’appréciations contradictoires. L’absence d’originalité est évidente quant à la forme (mais les projets révolutionnaires appelaient la même observation). L’énoncé des règles en articles concis et clairs, regroupés méthodiquement en livres, titres, chapitres et sections, s’inspires des grandes ordonnances de Louis XIV et de D’Aguesseau. Le plan tripartite est celui des institutes.
Sur le fond, il est devenu banal de souligner l’esprit de transaction qui a inspiré le Code civil. Héritier sous bénéfice d’inventaire du droit intermédiaire, le Code civil l’est également de l’ancien droit : de l’un et de l’autre, il a accepté l’actif et refusé le passif. A l’opposé des premiers projets Cambacérès, il n’a pas fait table rase du passé, mais a renoué avec la tradition romaniste comme avec la tradition coutumière, sans négliger les apports plus limités de législation royale, en cherchant à les harmoniser.
A rebours des conceptions révolutionnaires qui faisaient du juge une simple machine à appliquer la loi, le Code civil a amorcé aussi la réhabilitation de la jurisprudence, dans laquelle le Discours préliminaire de Portalis reconnaissait une autre source du droit, un complément nécessaire de la loi. Commencée dès les dernières années de la Révolution, la restauration de l’autorité de la jurisprudence s’est accélérée avec le rétablissement d’une magistrature constituée en corps, sur le modèle de celle d’Ancien Régime, et d’une véritable hiérarchie judiciaire.
Les autres codes napoléoniens, surtout les plus techniques, sont restés étroitement tributaires de l’ancien droit et ne présentent guère d’originalité. Le Code de procédure civile doit beaucoup à l’ordonnance de 1667, dont il a cherché sans grand succès à simplifier les règles. Le Code de commerce a multiplié les emprunts à l’ordonnance du commerce de 1673, à l’ordonnance de la marine de 1681 et au projet Miromesnil, mais sans efforts suffisants pour les adapter aux conditions nouvelles, notamment en matière de sociétés de capitaux, d’assurances, de faillite, et il a accentué encore leur caractère mercantiliste et dirigiste.
Le Code d’instruction criminelle et le Code pénal ont réalisé, comme le Code civil, une transaction entre l’ancien droit et le droit révolutionnaire. La procédure criminelle s’est inspirée du système inquisitoire de l’ordonnance de 1670 pour toute la phase d’instruction des procès, secrète et conduite par un magistrat spécialisé, le juge d’instruction, créé sous le Consulat ; mais elle a conservé, pour le jugement des crimes, la solution révolutionnaire du jury populaire. Le Code pénal édicte des peines sévères, justifiées par la forte progression de la criminalité héritée de la Révolution ; le juge recouvre cependant la faculté de les moduler en fonction des circonstances, entre un minimum et un maximum fixés par la loi pour chaque délit.
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