•       *L’égalité successorale

    En droit privé, la lutte pour l’égalité s’est cristallisée sur le droit successoral. Les premières lois successorales de la Révolution, avant toute réforme d’ensemble, se sont attaquées aux incapacités et aux inégalités coutumières, condamnées par la suppression des ordres. Le décret d’abolition des privilèges des 5-11 août 1789, en posant le principe de la soumission de tous les biens et toutes les personnes au droit commun, impliquait la disparition des successions nobles et la généralisation des règles successorales roturières. Ainsi expurgés, les coutumes, et dans le Midi le droit romain, ont continué de régir provisoirement les successions, dans l’attente d’une réforme générale que ni la Constituante ni la Législative ne purent élaborer.

    La Convention, dans le cadre de la rédaction du premier projet de code civil, s’est au contraire attachée à unifier l’ensemble du droit successoral en poussant à son paroxysme l’idéologie égalitaire. La loi du 12 brumaire an II (2 novembre 1793) a accordé aux enfants naturels des droits rigoureusement égaux à ceux des enfants légitimes dans la succession de leur père et mère avec effet rétroactif au 14 juillet 1789, et dans celle de leur collatéraux. Cette égalité ne profitait toutefois qu’aux enfants naturels simples, non aux adultérins ou incestueux qui restaient exclus et n’avaient droit qu’à des aliments évalués au tiers d’une part d’héritier. Seuls les enfants reconnus par leur père naturel bénéficiaient de droits dans sa succession.

    Avec la loi du 17 nivôse an II, détachée du premier projet Cambacérès et promulguée séparément, c’est l’ensemble du droit successoral qui a été unifié autour de principes nouveaux. Les distinctions entre propres, acquêts et meubles, que connaissaient la plupart des coutumes, furent supprimées, et les biens de du cujus, sans distinction de nature ou de provenance, fondus en une masse unique dévolue aux mêmes héritiers selon des règles identiques. Dotée d’un effet rétroactif au 14 juillet 1789, la loi de nivôse établissait un système trop rigide et trop dépendant de l’idéologie jacobine pour subsister durablement. Atténuée dans certains de ses effets après thermidor, elle n’aura guère d’influence sur les solutions du Code civil.


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