•       b)L’échec des codifications révolutionnaires

    Si la codification n’était pas une idée neuve, le rationalisme des Lumières ne pouvait que lui être favorable. Les esprits « éclairés » fustigeaient avec Voltaire la diversité des coutumes, réclamaient avec Diderot, Rousseau ou l’avocat Linguet l’unification du droit, tout entier rassemblé dans des codes rationnels et harmonieux. La Révolution, en brisant les particularismes sociaux et territoriaux, les privilèges des ordres et des corps, et en étendant sans limites le domaine de la loi, créait des conditions propices à l’unification et à la codification d’ensemble du droit.

    La rédaction d’un code civil ne faisait pas partie des priorités de la Constituante : elle passait après l’établissement d’un code pénal, conformément aux vœux des cahiers de doléances, qui attachaient bien plus d’importance à la réforme du droit criminel qu’à celle du droit civil. L’Assemblée vota, le 25 septembre 1791, un code pénal inspiré des idées de Montesquieu et du publiciste italien Beccaria, qui instituait la légalité des délits et des peines, avec un système de peines fixes, mais n’élabora aucun projet de code civil.

    La législative s’en remit à l’initiative privée. Il faut attendre la Convention et le Directoire pour trouver des projets officiels. La Convention eut à examiner deux projets préparés par son Comité de législation sous la direction de Jean-Jacques Régis Cambacérès (1753-1824). Le premier, présenté en août 1793, véritable Code de la Nature, au dire de Cambacérès, comprenait 719 articles repartis en quatre livres (personnes, biens, contrats, actions). Quelques dispositions furent votées et entrèrent en vigueur séparément, le reste fut renvoyé au Comité de législation. 

    Présenté le 23 fructidor an II (9 septembre 1794), le second projet accentuait encore les caractères du premier en y ajoutant une touche d’esprit philosophique. Il n’eut pas davantage l’heur de plaire à la Convention, qui le refusa à son tour. Toujours rédigé sous l’autorité de Cambacérès, un troisième projet fut soumis aux assemblées du Directoire le 24 prairial an IV (14 juin 1796). Moins novateur que les précédents, il n’hésitait pas à renouer avec la tradition, à se référer au droit romain et aux coutumes. Bien supérieur, il connut pourtant le même sort et fut rejeté sans même que le Conseil des Cinq-Cents l’eût examiné.

    L’échec de la codification révolutionnaire tient d’abord à la conjoncture politique. Le poids des idéologies, l’évolution rapide des idées et des forces qui caractérisent la Révolution à son paroxysme, rendaient les projets caducs, encore trop timorés ou déjà trop audacieux, lorsqu’ils venaient devant l’Assemblée. Enfin, l’ambition démesurée que, au moins sous la Convention, on assignait à la codification, y a certainement contribué aussi. L’effort d’unification ne fut cependant pas totalement vain. A défaut d’un code civil furent votées plusieurs lois de droit privé, dont certaines furent appliquées à la place des dispositions canoniques, romaines ou coutumières.


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