•       a)Les traditions germaniques

    Les peuples germaniques établis en Gaule avaient apporté des traditions politiques et une conception du pouvoir différentes de celles des romains. Peu perméables aux abstractions, ils ignoraient la notion de respublica et privilégiaient les rapports personnels entre le roi et ses sujets, les relations d’homme à homme. Sur son royaume, il exerçait un véritable droit de propriété qu’il tirait de la conquête et de l’héritage de ses ancêtres. Mais s’il était en droit d’attendre de ses sujets une fidélité totale, il devait en retour respecter ses obligations envers eux, les protéger, leur rendre justice et leur accorder la part du butin à laquelle l’usage leur donnait droit.

    Certaines institutions et pratiques du royaume franc paraissent bien relever de cette conception du pouvoir. Les liens personnels y tiennent une grande place. Ainsi le roi, bien qu’il accédât au trône par succession, était « élu », c’est-à-dire acclamé en signe de reconnaissance par l’assemblée des hommes libres, avant d’être hissé sur le pavois. Au commencement de son règne, et aussi dans les périodes de crise politique, il se faisait prêter par tous ses sujets libres un serment de fidélité. Il s’entourait de fidèles, ou leudes, unis à lui par une fidélité renforcée.

    Ces pratiques, si elles mettent bien l’accent sur les relations personnelles qui lient le roi franc à chacun de ses sujets, ne sont cependant pas dénuées d’ambiguïté car certaines avaient déjà cours dans l’Empire romain, où les liens personnels n’étaient pas inconnus dans le cadre des relations entre maitres et affranchis, entre patrons et clients, et pas davantage les serments de fidélité, que se faisaient prêter certains empereurs. Si ces usages s’accordaient aux conceptions du pouvoir que partageaient les francs, ils ne peuvent être considérés comme spécifiquement germaniques. 

    Plus significatif est le fait que les rois francs se comportaient en propriétaires de leur royaume, aliénaient librement les terres et même les droits de puissance publique qui en dépendaient. Les mérovingiens se sont montrés prodigues en multipliant les donations de domaines au profit de l’aristocratie, pour s’attacher leur fidélité, et les concessions d’immunités aux églises, qui permettaient aux ecclésiastiques d’échapper à l’autorité des fonctionnaires royaux et d’exercer eux-mêmes sur leurs dépendants des pouvoirs judiciaires et fiscaux. Les carolingiens, par nécessité politique, ont observé les mêmes usages.

    Les règles qui suivaient les successions royales illustrent également la patrimonialité du royaume. Elles étaient régies, comme les successions des particuliers, par les dispositions de la Loi salique, loi nationale des mérovingiens, qui excluaient les filles de l’héritage de la terre et partageaient celle-ci à égalité entre tous les fils, sans aucun privilège d’ainesse. Cette pratique aurait pu conduire au morcellement de la Gaule franque si les effets n’en avaient été corrigés par la fréquence des décès et parfois par l’élimination physique des autres héritiers. 


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