•       c)Droits savants, droits locaux et pratiques juridiques

    La diffusion des droits savants ne s’est limitée à la doctrine et à l’enseignement universitaire : elle s’est étendue à la pratique, de concert avec la professionnalisation des activités juridiques. Ce phénomène de pénétration des droits savants dans des pays qui les avaient auparavant ignorés ou oubliés soulève la question de leur influence réelle sur les droits locaux. Elle a conduit aussi la doctrine à ordonner de manière cohérente le pluralisme juridique.

          *La pénétration des droits savants dans la pratique

    L’influence des droits savants sur la pratique a été la conséquence directe de leur enseignement. La diffusion s’est faite dès le XIIe siècle à partir de l’Italie, et d’abord dans les régions proches de celle-ci : Languedoc, Provence, Dauphiné, Savoie. Après 1150, on trouve des traces éparses de son application dans le Sud-Ouest, en Normandie et dans le pays de Loire. Au XIIIe siècle, sa présence est partout attestée dans les actes de la pratique, y compris dans les régions plus septentrionales. Plus précoce dans le Midi, la pénétration du droit romain y fut aussi plus profonde.

          *L’influence réelle du droit romain

    La présence, même fréquente, de références au droit romain n’implique pas une influence effective sur le fond du droit et il faut distinguer une pénétration superficielle, limitées au vocabulaire, d’une pénétration substantielle, entrainant la modification du contenu du droit par l’adoption de solutions romaines. En fait, l’influence du droit romain a été inégale non seulement selon les régions mais aussi selon les matières. La principale conséquence du renouveau du droit romain a été de favoriser l’amalgame de solutions romaines et de solutions coutumières.

          *L’harmonisation doctrinale du pluralisme juridique

    A l’exception des premiers glossateurs, indifférents ou hostiles à l’égard des coutumes et convaincus de la primauté absolues et universelle du droit romain, les romanistes n’ont nullement méconnu l’existence des droits coutumiers ou statutaires. Leur coexistence avec les droits savants imposait toutefois de résoudre d’inévitables conflits entre normes concurrentes. Elle invitait la doctrine à organiser la diversité en un système juridique cohérent, à intégrer l’ensemble des droits en vigueur dans le cadre d’une construction unitaire. Dans ce but fut édifiée la théorie du jus commune, dont les prémisses, présentes chez les post-glossateurs du XIIIe siècle, ont été développées au XIVe siècle par Bartole et ses disciples. De cette hiérarchisation des droits, les bartolistes ont déduit la solution des conflits qui naissaient entre eux. En l’absence de dispositions du droit local, la romaine s’appliquait directement en sa qualité de jus commune.


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