•       c)Survie des autres sources du droit

    Du fait de l’échec de la codification et du poids des réalités, le monisme législatif de la Révolution est resté une prétention en partie insatisfaite. Le monopole normatif de la loi s’est heurté à une source nouvelle, les règlements du pouvoir exécutif, pris pour l’exécution des lois mais qui ne bornaient pas à les interpréter et y ajoutaient des dispositions complémentaires. Il a dû composer aussi avec la survie des sources anciennes : coutumes et jurisprudence.

    Symboles de l’irrationalité et du conservatisme, les coutumes étaient, au même titre que le droit romain des pays du Midi, condamnées à disparaitre à mesure que des lois nouvelles viendraient régir et réformer les matières dont elles traitaient. Elles n’ont dû leur maintien provisoire qu’à l’impuissance de la Révolution à codifier. Leur domaine a été réduit par les lois qu’ont adoptées les assemblées révolutionnaires et qui ont abrogé les dispositions coutumières ou romaines correspondantes, mais elles ont continué à régir les matières qui n’avaient pas encore fait l’objet de réformes. 

    La survie de la jurisprudence des tribunaux parait encore plus problématique. La loi des 16-24 août 1790 sur l’organisation de la justice s’est évertuée à empêcher le maintien d’une autorité jurisprudentielle effective. Non contente de supprimer les parlements, elle a répudié toute idée de hiérarchie judiciaire. De l’ancien système judiciaire, la Constituante n’a conservé que la cassation, afin de contrôler l’application que les juges faisaient de la loi. Dote de pouvoirs moindres que ceux de l’ancien Conseil des parties, le Tribunal de cassation ne pouvait juger les procès au fond.

    L’interprétation des lois relevait du législateur lui-même. La Constituante, amplifiant la tendance à réserver au roi et à son Conseil l’interprétation des ordonnances qui se dessinait déjà sous l’Ancien Régime, a créé le système du référé législatif qui confiait cette tâche directement à l’Assemblée, dès lors qu’un doute existait sur le sens d’une loi. La jurisprudence n’a pourtant pas disparu des sources du droit, et elle a amorcé à l’époque révolutionnaire l’évolution qui devait conduire à sa forme moderne.

    Bien qu’hostile, la législation l’a indirectement servie en imposant la motivation des jugements pour mieux vérifier la soumission à la loi, et en décrétant l’impression et la publication de toutes les décisions du Tribunal de cassation. Contrairement aux prévisions, le Tribunal de cassation, saisi de pourvois de plus en plus nombreux, s’est montré fort actif et, sous le Directoire, il est parvenu à réduire la pratique du référé législatif et à s’affranchir de la tutelle des assemblées. Il a profité des nombreuses lacunes et obscurités de la législation pour s’arroger, malgré les restrictions législatives, un véritable pouvoir d’interprétation et faire ainsi prévaloir, à l’instar des anciens parlements, ses propres théories jurisprudentielles.


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