•       b)Systématisation de la souveraineté

    Contre les monarchomaques, les défenseurs de l’autorité royale, catholiques modérés issus en majorité du milieu des avocats et des officiers de justice, ont formé un tiers parti des « Politiques ». Dans ce contexte, le jurisconsulte Jean Bodin a joué un rôle décisif dans la formation du concept moderne de souveraineté, au point de passer à tort pour son inventeur, avec son principal ouvrage, les Six livres de la République (1576). Son originalité a été de proposer la première définition de la souveraineté, d’en montrer la fonction sociale et d’en dégager les caractères essentiels.  

    La souveraineté est inséparable de l’Etat, de la république, terme qui désigne chez lui toute forme de société organisée selon les volontés de Dieu et les principes de la nature, par opposition à l’anarchie, aux troupes de voleurs et de pirates. La doctrine de Bodin a eu un retentissement considérable. Bien qu’elle offrît une théorie de la souveraineté valable pour tous les régimes, c’est avant tout au profit de l’autorité royale qu’elle fut utilisée au cours des guerres de Religion et reprise ensuite par les publicistes du XVIIe siècle, qui se contentèrent d’affirmer de manière péremptoire le caractère absolu, indivisible et impartageable de l’autorité du roi.

          c)Souveraineté et droit divin

    A côté du droit romain, les arguments empruntés au droit divin ont contribué à l’édification de la souveraineté. Ils ont été utilisés en parallèle : invoqués très tôt, dès le XIIe siècle, par les juristes au service de l’Empire, combattus par les théologiens scolastiques des XIVe et XVe siècles, ils ont été érigés en système aux XVIe et XVIIe siècles malgré les réserves persistantes de l’Eglise. La tradition chrétienne, dès l’origine, a fondé sur Dieu la légitimité du pouvoir politique.

    Avant le XVIe siècle a prévalu la conception scolastique, en accord avec la préférence intellectuelle pour le régime mixte et l’autorité que conservait la papauté sur une chrétienté encore unie. Les XVIe et XVIIe siècles ont marqué un profond changement en raison de l’acuité bien plus forte qu’a revêtue la question. Les juristes, en transposant l’argumentation de canonistes en faveur de la puissance pontificale, ont sacralisé le pouvoir politique et forgé la thèse d’un droit divin des rois qui, de manière générale et indépendamment du sacre, faisait de ceux-ci, et même de tous les gouvernants, des élus de Dieu à l’autorité inviolable.

    La crise de la politique de la seconde moitié du XVIe siècle a accéléré la diffusion et radicalisé les traits de la monarchie de droit divin. En réaction, les « Politiques » pendant les guerres de Religion, puis les publicistes du XVIIe siècle, en même temps qu’ils soutenaient le caractère absolu et indivisible de la souveraineté, s’évertuèrent à place le roi au-dessus de toute autorité civile ou ecclésiastique. En conséquence, le roi jouit d’une complète indépendance.


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