•    2)Laïcisation du jus civile

    Comme tous les droits primitifs, l’ancien droit romain était fortement marqué par la religion, dont il se distinguait mal. Les autorités religieuses – le roi et les pontifes à l’origine, puis, au début de la République, les pontifes seuls – étaient chargés de dire le droit, compétence exclusive qui renforçait la domination des patriciens, auxquels étaient réservés les fonctions religieuses comme les magistratures civiles. La contestation de ce monopole par les plébéiens, cause de la rédaction des Douze Tables, a été aussi à l’origine de la laïcisation précoce du droit.

    La première brèche dans le monopole des pontifes a été ouverte par la loi des Douze Tables, qui a révélé à tous les règles juridiques auparavant connues d’eux seuls, et a contribué à laïciser le contenu du droit en substituant dans certains cas aux sanctions religieuses traditionnelles, comme la consécration aux dieux des coupables des délits ou des débiteurs insolvables, des sanctions civiles ou pénales. Pour l’essentiel, et même si des traces de l’influence religieuse subsistent, les Douze Tables constituent un « code » laïc.

    Après leur promulgation, les pontifes ont conservé des attributions judiciaires : peut-être quelques pouvoirs de juridiction, dont l’existence reste discutée ; plus sûrement la connaissance des formules rituelles d’action, qui permettaient aux plaideurs d’agir en justice et dont ils étaient les gardiens ; enfin, la faculté d’interpréter le droit. Elles leur furent progressivement enlevées. Leur éventuelle fonction juridictionnelle n’a pu survivre à la création du préteur (367 av. J.-C.), magistrat spécialisé dans les affaires judiciaires et qui a recueilli toutes les compétences exercées en ce domaine par les autorités de la cité.

    Le monopole de la connaissance des formules d’action a pris fin peu après 312 avant J.-C., lorsqu’un affranchi, Cneius Flavius, secrétaire du grand pontife Appius Claudius, et certainement sur ordre de celui-ci, profita de ses fonctions pour consulter les archives pontificales, prendre note des formules et les divulguer au peuple. Elu édile curule en 304, il rendit également public le calendrier judiciaire, qui donnait la liste des jours fastes où l’on pouvait plaider. Dès lors, il était possible d’intenter un procès sans recourir aux pontifes.

    L’interprétation du droit finit aussi par leur échapper. Vers 254-252 avant J.-C., le premier grand pontife plébéien, Tiberius Coruncanius, entreprit de donner publiquement des consultations juridiques qui permirent à ses auditeurs de s’initier au droit, initiative où l’on a vu l’origine de la formation d’une doctrine juridique laïque. La laicisation précoce et finalement complète du droit romain, si elle ne suffit pas à expliquer l’exceptionnel développement que connaitra celui-ci, a constitué du moins l’une de ses conditions indispensables en faisant de sa connaissance et de son interprétation ouverte à tous.


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