• L’approche historique

    Les origines de la société internationale et de son droit

    L'Amphictionie était une institution formée d'un groupe de peuples (12) dont la fonction première était de gérer les intérêts des sanctuaires. Elles se réunissaient à l'époque classique en deux sessions. Des lois morales y étaient reconnues : exclusion des fraudeurs, du sacrilège; des liens d'amitiés étaient créés. Les décisions prises dans l'intérêt du sanctuaire, comme en matière de justice, étaient en principe souveraines pour tous les peuples de l'Amphictionie et le refus de s'y soumettre induisait la mise en oeuvre de sanction. La gestion ordinaire des amphictionies comportait l'organisation des fêtes et l'entretient des biens du dieu, avec les conséquences diplomatiques qui résultaient de ces deux aspects.

    Les Symmachies étaient des organisations de défense collective constituées, sur la base d'un traité d'alliance et d'assistance militaire. Certaines de ces symmachies, par leurs structures sont de véritables associations fédérales appliquant les deux règles fédérales : la liberté d'adhésion et l'égalité entre les membres. Chaque cité dispose d'une voix dans le Conseil, mais elles remettent la direction à la plus puissante (Athènes). La Proxénie était une institution qui s'appliquait aux étrangers de passages, aux commerçants transitants. Les Proxènes étaient des citoyens de la cité recevant d'une autre cité la charge de protéger et de défendre les habitants de cette dernière cité résidant dans celle du Proxène

    Rome diffère profondément de la Grèce, par ses origines, le tempérament politique et le but politique poursuivi. La Politique du Sénat romain est dure aux autres nations. Toutes les guerres sont des luttes d'asservissement. Et Rome ne reconnaît pas de droits aux Etats placés en dehors de son orbite. L'Europe, comme on le voit n'a donc pas "inventé" le Droit international et son apparition lorsqu'elle se produit est lente et laborieuse, au moment même où ailleurs, depuis longtemps, existent des techniques particulièrement élaborée. Pour autant l'Europe, nous allons le voir, a imposé pendant tout un temps sa conception et sa règlementation des relations internationales.

    Le processus d’établissement d’un modèle occidental du droit des relations internationales

    La formation d’une société internationale européenne

    Deux dates peuvent être choisies comme point de départ à l'histoire de la société internationale contemporaine : 395, date du partage par Théodose de l' Empire Romain en empire d'Orient (= Byzantin, qui durera jusqu'en 1453) et en empire d'Occident; ou - 476, date de disparition de cet empire d'Occident. Au cours de cette période la formation et l'organisation de la société internationale furent bien loin d'être harmonieuse et homogène. L'effondrement de l'empire romain, les grandes invasions du V ème et VI ème siècle, en brisant le cadre impérial, ne pouvaient fournir les conditions d'existence d'institutions internationales qu'à la condition que les collectivités constituées par les différents peuples libérés ou victorieux aient atteint un certain niveau de civilisation et aient entretenu entre eux des rapports pacifiques.

    A ses débuts, le Moyen Age ne se distingue guère de l'Antiquité. La prédominance de la force, le droit du plus fort, y sont les idées dominantes. Toute la vie n'est qu'une succession de guerres : guerres extérieures entre les Etats embryonnaires qui cherchent leurs éléments et leur forme, guerres intérieures entre les diverses parties du territoire national; entre les féodaux et la couronne. Et pourtant c'est dans cette période d'incertitude et d'anarchie où il n'existe pas, stricto sensu, de véritable société internationale que se mettront en place les éléments qui contribueront à sa formation. Nous nous contenterons simplement de les évoquer. Les royaumes qui se constituent au cours de cette période constituent les éléments premier de la société internationale.

    D'autre part les relations internationales qui naissent des contacts entre les peuples sont favorisées par : les pèlerinages à l'intérieur de l'Europe, les croisades, le commerce. Et c'est à l'occasion de ces relations que se forment peu à peu des règles juridiques qui seront l'embryon du droit international. L'influence moralisante de l'Eglise sur cette ébauche de droit international est loin d'être négligeable. Certaines institutions pourront ainsi être évoquées : La"Paix de Dieu" = Mise hors la guerre et obligations de respect des personnes pacifiques (: gens d'Eglise, enfants, femmes, hommes sans armes, pèlerins); des biens sacrés comme les biens d'Eglise, ou économiquement utiles comme les instruments agricoles, les récoltes, les animaux de labour.

    La "Trèves de Dieu" = Limite la durée de la période où peuvent se dérouler les hostilités. Les actes de guerre sont interdits chaque semaine du jeudi au dimanche, pendant le temps de l'Avent qui précède Noël ou les quarante jours de Carême qui précèdent Pâques. Le "Droit d'asile" = Toute personne poursuivie par une autorité quelconque peut venir demander asile dans une église, une chapelle ou un monastère. La police seigneuriale ou royale ne peut l'en retirer quel que soit le délit dont le réfugié est accusé. A mesure que se développent ainsi, au cours de cette période, les rapports sociaux internationaux, la nécessité se fait sentir d'institutions juridiques qui en sont le produit nécessaire. Ainsi apparaissent et se confirment au cours de cette période : les premières règles relatives aux relations diplomatiques et aux immunités diplomatiques, le recours aux traités, l’arbitrage, la médiation, développement du droit de la guerre, apparition du droit de la mer.

    La fin du XIV ème siècle, le début du XV ème est l'époque où la société internationale européenne se constitue véritablement. Elle le fait dans l'exacte mesure où ces royaumes que nous avons vu commencer à se former, vont devenir de véritables Etats et s'affirmer notamment face à la papauté et au saint Empire Romain Germanique. L'Etat moderne qui se forme à cette époque, par une conquête de l'unité du pouvoir et de l'indépendance de l'Etat, permet par cela même l'existence en Europe, d'une véritable société internationale. La conquête par l'Etat de l'unité du pouvoir se réalisera à travers la rupture des liens féodaux qui permettra une allégeance directe des sujets au roi. Elle ressortira également d'une politique de reconquête par les monarques du monopole de la force sur leurs vassaux et de l'établissement d'une justice uniformément organisée. Le roi devient alors effectivement souverain.

    L’emprise de l’Europe sur le droit des relations internationales

    L'emprise de l'Europe sur les relations internationales va se traduire dans le fait que ce sera le droit des relations intra européennes qui sera, par la force des choses, élevé au rang de droit international. L'extension du droit international européen au reste du monde va découler de l'existence de la société internationale dont nous avons évoqué la formation en Occident et de l'hégémonie mondiale que cette société européenne va commencer à se mettre à exercer sur le reste du monde à partir du XVI ème siècle. La découverte de l'Amérique par Christophe Colomb sera à l'origine du phénomène Les principaux Etats européens y participeront.

    Dès la fin du XVIII ème siècle la société internationale s'élargit au continent américain avec l'indépendance des Etats Unis en 1776. A partir de 1810 l'insurrection éclate dans les colonies espagnoles d'Amérique du Sud. Elle aboutira à l'apparition de vingt républiques indépendantes. Au début du XIX ème siècle, c'est dans tous les continents que des Etats souverains, anciens ou de création récente, participent aux relations internationales. Cette évolution rapide aboutit à une société internationale de portée mondiale dans laquelle, cependant, l'influence européenne demeure dominante dans la mesure où les anciennes colonies devenues indépendantes reproduisent la culture (notamment juridique) dont ils ont hérités des anciennes métropoles.

    Cette hégémonie va, à la fois, se traduire et s'expliquer par le besoin ressenti par l'Europe de s'ouvrir de nouveaux débouchés. Il va en découler un nouvel élargissement de la société internationale. Cet élargissement se manifestera à la fois par une extension de la zone d'influence des Etats qui en font partie (2 ème vague de colonisation), et par l'accession à la scène internationale d'Etats qui jusqu'alors avaient résistés à l'influence des puissances européennes (Chine, Japon). Ces phénomènes auront une incidence au plan des institutions juridiques, donneront naissance à des développements spécifiques du droit international.

    Le phénomène de concertation que nous venons d'évoquer de manière spécifique, à propos de la deuxième vague de colonisation, est en fait apparu dès le début du XIX ème siècle et a connu une traduction institutionnelle. Au cours de cette période apparaissent ainsi, ou se confirment des mécanismes, de nouvelles techniques juridiques qui formeront une part importante du droit international. Lorsque plusieurs Etats sont en présence, leur accord est consigné non plus dans une série de traités bilatéraux parallèles mais dans un instrument unique qui sera signé par tous.

    L’apparition d’une société internationale universelle

    L’universalisation de la société internationale

    La première guerre mondiale, qui dure de juillet 1914 à novembre 1918, est une guerre avant tout européenne, déclenchée à la faveur des heurts entre nationalismes européens (Sarajevo 28 juin 1914, assassinat de l'archiduc d'Autriche François Ferdinand). qui va opposer deux camps. Les conséquences sont : apparition, réapparition, remodelage d'Etats. Recul et démocratisation des régimes monarchiques. Mise en place du système des mandats (Mandat français sur la Syrie et le Liban, le Togo et le Cameroun; Mandat anglais sur l'Irak, la Palestine, la Transjordanie, le Togo et le Cameroun; Mandat sud-africain sur le Sud-Ouest Africain; Mandat japonais sur les îles Carolines, Mariannes et Marshall (ex-possessions allemandes)). Entrée en fonction de la Société des Nations (SDN), le 10 janvier 1920. Formulation de principes nouveaux qui, avec le temps s'affirmeront pour acquérir une véritable valeur juridique (Droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, Principe du règlement pacifique des conflits, Principe de l'égalité juridique des Etats).

    La deuxième guerre mondiale, qui dure de septembre 1939 à septembre 1945, opposa : Les pays de l'"Axe" : Allemagne, Italie, Japon; aux "Alliés" : France, Grande Bretagne, URSS, USA, Chine. Restent neutres : Espagne, Portugal, Irlande, Suède, Suisse. Elle trouve son origine en Europe, à un moment où celle-ci a déjà perdu sa prééminence dans le monde. Ce qui va la caractériser sera, au sens littéral du terme, qu'elle est "mondiale" dans son extension, totale dans les moyens utilisés et d'une extraordinaire violence. L'ordre international antérieur à 1939 y sera totalement balayé. Il découlera de tout cela que la société internationale, qui va se reconstruire sur ces ruines va accentuer les phénomènes qui s'étaient déjà manifestés à la fin du conflit précédent. Ainsi : Ruinés par la guerre, les Etats européens ne peuvent plus prétendre au rôle prédominant. Une redistribution des cartes de la puissance s'est faite qui se caractérise par la monté de ce que l'on va appeler les Super Grands" : les Etats-Unis et l'URSS, autour des quels vont se constituer les "blocs", développant entre eux ce que l'on appellera "la guerre froide". Mesurant en quelque sorte cette évolution, l'Organisation des Nations Unies (ONU).

    De la même manière que la colonisation a été un processus qui s'est développé en différentes vagues dans le temps, au fur et à mesure que s'étendait l'hégémonie européenne, la décolonisation s'est réalisée de manière progressive, au fur et à mesure qu'évoluait la relation dialectique entre les métropoles et leurs différentes colonies. En cela la grande période de décolonisation des années 1960 apparaît comme une sorte d'apogée du phénomène. Certains conflits actuels sont encore clairement posés en termes de décolonisation : Sahara Occidental, Nouvelle Calédonie, voire Corse. L'ensemble de ces phénomènes, liés aux précédents, en multipliant considérablement le nombre des Etats sur la scène internationale, en y faisant accéder des cultures, des mentalités différentes, des approches diverses de la réalité internationale (= ce que l'on appelle l'universalisation de la société internationale), va avoir une influence considérable sur l'évolution de la société internationale et de son droit.

    Les conséquences de l’universalisation

    L'apparition et la multiplication des Etats nouveaux, en multipliant les relations internationales, va entraîner une complexification de la société internationale à laquelle correspondra un droit international toujours plus développé. Mais, simultanément, l'apparition de ces Etats nouveaux, de culture, d'histoire, de sensibilités diverses, va entraîner une remise en cause par ceux-ci d'un droit qui aura été jusqu'alors élaboré en dehors d'eux.. Contestation qui à son tour pourra entraîner une méfiance et des remises en cause par les Etats anciens. Le phénomène de remise en cause du droit de la mer, depuis les années soixante jusqu' à 1982 voire 1992, qu'il s'agisse du développement de la patrimonialisation de la mer, de l'exploitation des grands fond, de la pollution ou de la renégociation des codes de conduite des conférences maritimes, en fournit une illustration complète.

    L'évolution de la composition de la société internationale, comme celle des modalités des relations qu'elle implique, expliquent que très vite certaine réticences se soient manifestées à l'égard d'un droit hérité du passé. C'est ainsi que : Les Etats nouveaux, que grande vague de décolonisation de la deuxième après guerre a amené sur la scène internationale sont naturellement jaloux de leur indépendance, de leur souveraineté récemment conquises. Ils sont d'autant plus méfiants à l'égard de tout ce qui pourrait rappeler le passé ou ressembler au maintient direct ou indirect de la tutelle coloniale. Mais les réticences à l'égard du droit international ne seront pas le seul privilège des Etats nouvellement venus sur la scène internationale. Les Etats anciens pourront refuser certaines évolutions.

    Le développement des organisations internationales est le deuxième aspect du phénomène d'universalisation de la Société internationale. Les organisations internationales vont devenir le lieu de rencontre institutionnel des Etats qui vont se multipliant, le forum de leurs revendications, le lieu de ce que l'on appellera la "diplomatie multilatérale". Après les premières tentatives des années 1920, l'immédiat après guerre de 1945 fut une période éphémère au cours de laquelle sous l'effet conjoint de sentiments d'interdépendance, de solidarité nécessaires, de coopération se développèrent des efforts pour construire une société internationale moins anarchique.

    C'est dans ce contexte que se créèrent des organisations internationales qui furent conçues comme des structures permanentes pour servir de cadre à la coopération internationale. Il faut distinguer les organisations internationales universelles: ONU, organisation des Nations Unies; FAO, organisation pour l'alimentation et l'agriculture; OACI, organisation pour l'aviation civile internationale; FMI, fond monétaire international; BIRD, banque internationale pour la reconstruction et le développement; OMS, organisation mondiale de la santé; et les organisations internationales régionales: Ligue Arabe; OECE , organisation européenne de coopération économique deviendra OCDE en septembre 1961; conseil de l'Europe; OTAN, organisation du traité de l'Atlantique Nord; OTASE, organisation du traité de l'Asie du Sud Est, 1954. La création de ces organisations, en modifiant le style, la logique des relations internationales (rôle de tribune, appel à l'opinion publique internationale) aura des conséquences considérables sur la vie de la société internationale elle même.


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