•       b)L’essor de la doctrine coutumière

    L’essor de la doctrine coutumière a été une conséquence indirecte, mais des plus importante, de la rédaction. Tant que les coutumes demeuraient orales, les juristes se bornaient à en exposer plus ou moins fidèlement le contenu, sans prétentions doctrinales ni scientifiques. Dès qu’ils ont disposé de textes officiellement rédigés, donc stables et sûrs, ils se sont mis à les étudier et à les commenter en utilisant les méthodes des romanistes, et ils ont de ce fait contribué à transformer le droit coutumier, de simple pratique qu’il était, en un véritable droit savant.

          *Les commentaires de coutumes

    Dans la première moitié du XVIe siècle, aussitôt après la rédaction, ont paru de nombreux commentaires de coutumes, dont les articles étaient interprétés selon des procédés d’inspiration bartoliste identiques à ceux que l’on appliquait aux lois du Digeste et du Code. Par la suite, les jurisconsultes coutumiers ont adopté les méthodes des humanistes, en faisant une moindre place au commentaire exégétique et à l’examen de questions pratiques au profit de raisonnements logiques, de manière plus synthétique et déductive. Le commentaire de coutume l’a emporté de beaucoup aux siècles suivants sur les droits savants traditionnels.

          *La création du droit commun coutumier

    L’apport le plus original et le plus fécond de la doctrine a consisté à dépasser la diversité des coutumes pour chercher à introduire l’unité autour de la notion de droit commun coutumier. Les juristes du XVIe siècle, en même temps qu’ils rejetaient la primauté du jus commune bartoliste, ont éprouvé le besoin de le remplacer dans sa fonction unificatrice par un nouveau droit commun, fondé sur les coutumes elles-mêmes, qu’ils ont commencé à envisager comme système homogène. Le droit commun coutumier, appelé de plus en plus souvent droit français, devait jouer un rôle identique à celui qui était dévolu auparavant au jus commune. 

          *L’enseignement du droit français

    Le travail d’unification de la doctrine a trouvé une consécration et un prolongement dans l’enseignement : reprenant une idée de Guy Coquille, l’édit de Saint-Germain-en-Laye d’avril 1679 (art. 14) a institué dans toutes les facultés de droit, y compris celles des pays de droit écrit, des cours de droit français à côté des matières traditionnelles, droit romain et droit canonique. Ils devaient être dispensés non par des docteurs-régents, comme les précédents, mais par des professeurs royaux dotés d’un statut particulier, recrutés parmi les meilleurs praticiens et rémunérés directement par le roi. La doctrine, à elle seule, ne pouvait réduire à l’unité le droit privé français.


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  • II)La naissance des droits nationaux

    Le déclin des droits « universels » a favorisé la naissance et l’affirmation des droits nationaux. L’évolution a été plus ou moins rapide selon les pays, en fonction de l’état d’avancement de leur unification politique. Néanmoins, au XVIIIe siècle, l’existence d’un droit propre à chaque Etat ou à chaque nation apparait presque partout acquise et commence à se concrétiser dans le mouvement de codification qui s’amorce à cette époque.

       1)La promotion du droit coutumier

    Jusqu’au XVIe siècle, le développement du droit coutumier français s’était heurté à un obstacle majeur : le caractère oral des coutumes, qui rendait difficile leur connaissance, hasardeuse l’issue des procès, et soulignait leur infériorité à l’égard des droits savants. Aussi la rédaction officielle, entreprise au XVe siècle mais réalisée surtout au cours du XVIe, a-t-elle été lourde de conséquences, en modifiant la nature et l’autorité du droit coutumier, et en créant les conditions de son élaboration doctrinale et savante.

          a)La rédaction des coutumes

    La rédaction officielle des coutumes, restées jusque-là, à l’exception de celle du Midi, orale ou rédigées seulement à titre privé, constitue un tournant dans l’histoire du droit. La plupart des coutumes furent rédigées dans la première moitié du XVIe siècle. Dans la seconde moitié du siècle, le travail de rédaction étant presque achevé, commença la réformation, c’est-à-dire la révision des coutumes déjà rédigées dans le but d’en moderniser la forme et le fond.

    La procédure établie par l’ordonnance de Montils-lès-Tours laissait une large initiative aux autorités locales. Plus précis et plus directif, l’édit de 1498 l’a modifié en faisant intervenir dès le début des commissaires royaux et en leur confiant un rôle plus actif. Les commissaires réunissaient des praticiens locaux réputés pour leur connaissance du droit et élaboraient avec eux un projet de coutume. Une fois le travail achevé, la coutume rédigée était promulguée par le roi et, dès lors, s’imposait à tous.

    La rédaction a causé de profonds changements dans les coutumes. Elle a eu pour première conséquence d’en diminuer le nombre. La rédaction, et plus encore la réformation, ont permis aussi de moderniser et jusqu’à un certain point d’uniformiser le droit coutumier. Toutefois la rédaction a eu aussi des effets moins favorables. Elle a contribué à figer les coutumes, à rendre impossible leur évolution ultérieure. Aussi certaines solutions des coutumes rédigées sont-elles devenues caduques.


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  •       b)Déclin du droit romain en France

    A partir du XVIe siècle, le droit romain a subi en France un sort opposé à celui qu’il connaissait dans d’autres pays d’Europe, en particulier dans ceux où il avait fait l’objet d’une réception récente : il s’est vu refuser la qualité de droit positif, et par conséquent de droit commun, et ravaler au rang d’un simple modèle, dont l’autorité devait demeurer purement doctrinale. 

          *Rejet du droit romain comme droit positif

    Le refus de reconnaitre au droit romain les qualités de droit positif et de droit commun pouvait se réclamer de la vieille tradition française de rejet de l’autorité impériale. Les attaques contre le droit romain, très vives dans la seconde moitié du XVIe siècle, apparaissent comme une réaction contre une menace de romanisation accrue, mais aussi comme une conséquence de l'infléchissement tardif de l’humanisme dans un sens plus national et plus critique à l’égard de l’antiquité.

          *L’influence doctrinale du droit romain

    La France, malgré cette réaction, n’a pas quitté la famille des droits romanistes, et le refus de reconnaitre toute autorité officielle au droit romain n’implique pas qu’il ait perdu toute influence. Le droit romain a continué d’apparaitre d’abord comme l’expression de la science juridique, comme un exemple de réflexion théorique, d’équité et de rationalité dont l’étude se révélait indispensable à la formation des juristes. L’intérêt scientifique qu’on lui vouait a cependant faibli assez vite.

    L’intérêt des français pour le droit romain s’est maintenu surtout d’un point de vue utilitaire. Dès la fin du XVIe siècle, beaucoup ne voyaient plus en lui qu’une réserve d’arguments et de solutions techniques où ils pouvaient puiser à volonté, en fonction des besoins du droit français, dès lors que ces emprunts n’allaient pas à l’encontre de l’esprit ou des règles de celui-ci mais contribuaient à le compléter et à l’enrichir. Les solutions venues du droit romain étaient pleinement intégrées au droit français.

          c)Le droit romain et le jusnaturalisme

    Le droit romain a servi de modèle aussi d’un autre point de vue : il a passé, non dans la forme que lui avaient donnée les compilations de Justinien mais dans celle que lui ont prêtée certains juristes humanistes et leurs successeurs, pour l’exemple type d’un droit systématique et rationnel, conforme aux enseignements de la nature. A ce titre, il a servi à l’édification d’un droit nouveau, présenté comme romain mais en réalité différent, dans la forme comme dans le fond, de ce qu’avait été le droit romain historique. La construction du droit romain en système visait à la fois la forme et le fond qui liait valeur morale et qualités formelles.


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