•    2)La continuité de l’Etat

    Autant que la dévolution du pouvoir, une constitution assure le fonctionnement et la permanence de l’Etat. Les lois fondamentales y ont pourvu : dans le souci d’affirmer la pérennité de la personne morale et supériorité sur la personne physique, elles ont posé les principes de continuité de la fonction royale, de continuité des actes royaux et d’inaliénabilité du domaine de la Couronne.

          a)Continuité de la fonction royale

    Charge publique, la royauté ne pouvait disparaitre avec son titulaire, et les progrès de l’idée d’Etat se reflètent dans ceux de la continuité de la fonction. Longtemps entravée par l’importance traditionnellement reconnu au sacre, celle-ci s’est définitivement établie lorsque deux ordonnances de 1403 et 1407 ont posé le principe d’instantanéité de la succession. 

          b)Continuité des actes royaux

    La continuité des actes royaux prolonge celle de l’Etat. Emanés de la personne physique du roi, ces actes pouvaient être considérés comme abrogés instantanément à la mort de leur auteur. Mais pris dans le cadre de sa fonction, au nom de l’Etat et pour ses besoins propres, ils ont vu leur efficacité prolongée au-delà de sa vie, ils sont devenus de plein droit permanents.

    Les charges des officiers ont suivi une évolution identique. D’abord liés par une sorte de contrat intuitu personae au roi qui les avait nommés, les officiers cessaient leurs fonctions à la mort de celui-ci. Au XVIe siècle, tous les offices royaux étaient devenus perpétuels. La règle s’est même étendue aux commissions, par nature instables et révocables. Officiers et commissaires sont ainsi passés peu à peu du statut d’agents du roi à celui d’agents de l’Etat. 

          c)Inaliénabilité du domaine de la Couronne

    Avec la Couronne, le roi recevait un patrimoine, un ensemble de biens de toute nature qui composaient son domaine. A l’époque moderne, avec l’extension de la souveraineté à l’ensemble du territoire, le domaine a perdu la fonction politique qu’il avait eue sous la féodalité. Il a pris alors une importance croissante sur le plan juridique : de propriété du roi, il est devenu propriété de la Couronne, et en conséquence la plupart des biens qui le composaient ont été frappés d’inaliénabilité et d’imprescriptibilité. 


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  • II)La constitution de l’Etat

    Comme celui d’aujourd’hui, l’Etat royal était doté d’une constitution, d’un corps de règles supérieures qui fixaient de manière immuable la transmission et les conditions d’exercice du pouvoir. Cette constitution, à la différence de celles d’aujourd’hui, ne tenait pas dans un texte écrit, élaboré par un organe titulaire du pouvoir constitutionnel et cherchant à régler d’avance dans sa totalité le fonctionnement des pouvoirs publics. Elle reposait sur la tradition, interprétée comme un accord tacite entre le roi et son peuple, d’où elle tirait sa force obligatoire.

       1)La dévolution de la Couronne de France

    Toute constitution doit d’abord régler la dévolution du pouvoir, soustraire celui-ci à une compétition génératrice d’anarchie. La France s’est dotée en ce domaine de principes bien plus rigoureux que ceux des autres Etats, et dont la nature constitutionnelle s’est aussi dégagée bien plus tôt.

          a)L’exclusion des femmes et des descendants par les femmes

    L’exclusion des femmes et des parents mâles par les femmes avait un caractère plus politique que juridique. La crainte de voir réunies sur une même tête les deux couronnes de France et d’Angleterre, accentuée par le sentiment national naissant, a sans doute pesé plus lourd que les arguments juridiques, au demeurant peu décisifs. La formulation de ce principe représente la première étape de la formation d’une constitution royale, en dotant la Couronne de France d’un statut propre, d’une coutume opposée au droit féodal qu’on lui appliquait jusque-là.

          b)L’indisponibilité de la Couronne de France

    Avec le principe d’indisponibilité de la Couronne de France, ou théorie statuaire, s’est affirmée la nature constitutionnelle de la règle de masculinité, et plus généralement de toutes les règles de dévolution de la Couronne : il ne s’agissait pas seulement de solutions spécifiques, mais de principes dont l’autorité était supérieure à la volonté du roi, juridiquement incapable de les enfreindre. 

          c)Le principe de catholicité

    Seul un prince catholique pouvait accéder au trône de France. Exprimé tardivement, à la fin du XVIe siècle, le principe s’ancre pourtant au plus profond de la tradition monarchique : sacré, doté du pouvoir thaumaturge de toucher les écrouelles, qualifié de « Roi par la grâce de Dieu » dans les actes officiels, le roi de France ne pouvait appartenir à une autre confession. La masculinité et la catholicité étaient reconnues comme lois fondamentales, et le successeur devait réunir les deux conditions.


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