•       b)Le pouvoir de légiférer

    Au même titre que la justice, le pouvoir de légiférer, d’édicter des règles présentant un certain caractère de permanence et de généralité, apparait comme l’une des grandes composantes de la souveraineté, et ses progrès fournissent l’un des critères les plus sûrs de l’affirmation de l’Etat.

          *Formation du pouvoir royal de légiférer

    Entre le Xe siècle et le milieu du XIIe, la royauté, affaiblie par la féodalité, avait cessé d’exercer une véritable fonction normative. Les premiers actes royaux où l’on voit poindre avec plus ou moins de netteté les caractères essentiels de la loi sont deux ordonnances de Louis VII, datées de 1144 et 1155. Au XIIIe siècle, les actes législatifs du roi sont devenus plus nombreux et leur généralité s’est mieux affirmée. La renaissance de la fonction législative doit beaucoup à l’influence des droits savants, qui en ont fourni les fondements théoriques.

    Les légistes ont fait du roi, à l’égal de l’empereur, la « loi vivante » et ont également transposé en sa faveur les arguments des canonistes sur la toute-puissance législative du pape. L’identification de la loi à la volonté royale est demeurée l’un des fondements de la monarchie. La législation royale a pris plus d’importance à partir du XVIe siècle. L’affirmation de l’Etat, son évolution vers une pratique moins judiciaire, plus politique et administrative du pouvoir, ont conduit à légiférer davantage et dans des domaines plus étendus. 

          *L’élaboration des lois royales

    Prérogative souveraine par excellence, l’élaboration des lois n’était pourtant une activité que le roi exerçait seul et en dehors de toutes règles. L’initiative des lois pouvait venir du roi lui-même, agissant de son propre mouvement, mais aussi de sujets, individus ou corps, qui le priaient, par une requête ou un placet, de prendre une mesure jugée utile. Une fois la décision arrêtée, le roi commandait aux notaire-secrétaires de la chancellerie de dresser l’acte définitif en forme de lettres patentes, sur lesquelles il apposait sa signature pour certifier que la teneur était bien conforme à ce qu’il avait ordonné.

    Puis le chancelier faisait sceller l’acte au cours d’une séance solennelle, l’audience du sceau, qui répondait également à un souci de contrôle et d’authentification. Signées et scellées, les lettres patentes étaient expédiées par le chancelier à ceux qui devaient les faire connaitre et appliquer, administrateurs et juges royaux dans les provinces, qui les enregistraient, les recopient sur les registres de leurs juridictions pour en conserver la trace. Les collaborateurs du roi étaient tenus d’un devoir de conseil duquel il devaient refuser les actes qui leur paraissaient entachés d’irrégularité.


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  •    2)Les attributs de la souveraineté

    A la souveraineté se rattache les droits de puissance publique que le roi exerçait de par sa fonction. La mise en œuvre des deux principales prérogatives de la souveraineté monarchique, la justice et la législation, illustre à la fois la complexité, la force et les limites de l’autorité du roi.

          a)La justice

    A l’encontre des conceptions modernes qui font de la justice, au nom de la séparation des pouvoirs, une autorité distincte et théoriquement indépendante, le droit monarchique, comme le sentiment populaire, voyait en elle la prérogative royale par excellence, le premier attribut de la souveraineté, celui qui, plus que les autres, rapprochait le roi de Dieu. Cette idée est à la base de l’organisation judiciaire de l’ancienne France. Situation dont rend compte la distinction, due aux historiens modernes, entre justice concédée, justice déléguée et justice retenue.

          *La justice concédée

    A la justice concédée se rattachent les juridictions où les jugements n’étaient pas rendus au nom du roi ni par ses représentants, mais par des autorités seigneuriales, municipales ou ecclésiastiques qui jugeaient en vertu d’un pouvoir propre. L’idée a cependant prévalu que la faculté de juger exercée dans ces juridictions ne pouvait venir que d’une concession originaire du roi, et qu’à ce titre, il conservait sur elles un droit de supériorité.

          *La justice déléguée

    Tout en étendant son contrôle sur les justices concédées, le roi a instauré ses propres tribunaux, où les jugements étaient rendus en son nom par des officiers qu’il nommait et à qui il confiait l’exercice de son pouvoir judiciaire. Si la mise en place des juridictions déléguées s’est faite de manière empirique, leur organisation s’est néanmoins inspirés des institutions judiciaires romaines et canoniques, notamment quant à leur structure hiérarchisée

          *La justice retenue

    Source de toute justice, le roi, par une manifestation de son pouvoir souverain, pouvait modifier le cours de celle-ci, intervenir dans les procès en instance de jugement, dessaisir les tribunaux compétents au profit d’autres juridictions, voire juger lui-même ou réformer les arrêts déjà rendus. Ce sont ces interventions royales, opposés au dogme moderne de la séparation de pouvoirs, que l’on rassemble sous le terme de justice retenue.


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  •       b)Systématisation de la souveraineté

    Contre les monarchomaques, les défenseurs de l’autorité royale, catholiques modérés issus en majorité du milieu des avocats et des officiers de justice, ont formé un tiers parti des « Politiques ». Dans ce contexte, le jurisconsulte Jean Bodin a joué un rôle décisif dans la formation du concept moderne de souveraineté, au point de passer à tort pour son inventeur, avec son principal ouvrage, les Six livres de la République (1576). Son originalité a été de proposer la première définition de la souveraineté, d’en montrer la fonction sociale et d’en dégager les caractères essentiels.  

    La souveraineté est inséparable de l’Etat, de la république, terme qui désigne chez lui toute forme de société organisée selon les volontés de Dieu et les principes de la nature, par opposition à l’anarchie, aux troupes de voleurs et de pirates. La doctrine de Bodin a eu un retentissement considérable. Bien qu’elle offrît une théorie de la souveraineté valable pour tous les régimes, c’est avant tout au profit de l’autorité royale qu’elle fut utilisée au cours des guerres de Religion et reprise ensuite par les publicistes du XVIIe siècle, qui se contentèrent d’affirmer de manière péremptoire le caractère absolu, indivisible et impartageable de l’autorité du roi.

          c)Souveraineté et droit divin

    A côté du droit romain, les arguments empruntés au droit divin ont contribué à l’édification de la souveraineté. Ils ont été utilisés en parallèle : invoqués très tôt, dès le XIIe siècle, par les juristes au service de l’Empire, combattus par les théologiens scolastiques des XIVe et XVe siècles, ils ont été érigés en système aux XVIe et XVIIe siècles malgré les réserves persistantes de l’Eglise. La tradition chrétienne, dès l’origine, a fondé sur Dieu la légitimité du pouvoir politique.

    Avant le XVIe siècle a prévalu la conception scolastique, en accord avec la préférence intellectuelle pour le régime mixte et l’autorité que conservait la papauté sur une chrétienté encore unie. Les XVIe et XVIIe siècles ont marqué un profond changement en raison de l’acuité bien plus forte qu’a revêtue la question. Les juristes, en transposant l’argumentation de canonistes en faveur de la puissance pontificale, ont sacralisé le pouvoir politique et forgé la thèse d’un droit divin des rois qui, de manière générale et indépendamment du sacre, faisait de ceux-ci, et même de tous les gouvernants, des élus de Dieu à l’autorité inviolable.

    La crise de la politique de la seconde moitié du XVIe siècle a accéléré la diffusion et radicalisé les traits de la monarchie de droit divin. En réaction, les « Politiques » pendant les guerres de Religion, puis les publicistes du XVIIe siècle, en même temps qu’ils soutenaient le caractère absolu et indivisible de la souveraineté, s’évertuèrent à place le roi au-dessus de toute autorité civile ou ecclésiastique. En conséquence, le roi jouit d’une complète indépendance.


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