•       c)Royauté et féodalité

    La royauté a pu apparaitre comme la principale victime de la féodalité. Elle est sortie dans un premier temps diminuée du mouvement de décomposition du pouvoir, sans pour autant disparaitre. Mais elle est parvenue ensuite à se ressaisir et a alors tiré profit du droit féodal pour reconstituer sa puissance.

    Victime de la féodalité, la royauté le fut incontestablement au Xe-XIe siècle. Le roi est tombé sous la dépendance des grands, qui l’élisaient et dont il tenait sa couronne. Hugues Capet et ses descendants réussirent à rendre à nouveau la royauté héréditaire en prenant l’habitude de faire sacrer et d’associer au trône de leur vivant leurs fils ainé, qui, à leur mort, étant déjà roi, leur succédait automatiquement. Mais si les grands acceptèrent sans difficulté cette pratique, c’est parce que le pouvoir royal ne comptait plus guère pour eux.

    Dans le même temps, les princes territoriaux se rendaient de plus en plus indépendants du roi. Au XIe siècle, le cercle des vassaux royaux s’est réduit aux petits seigneurs d’Ile-de-France et des régions voisines. L’affaiblissement du roi a accompagné cette évolution. La royauté, dépourvue de pouvoirs réels et de moyens, se réduisait à une prééminence honorifique qui a pourtant permis, avec le concours d’hommes d’Eglise restés fidèles aux conceptions politiques carolingiennes, de conserver l’idée de ministère royal au service de la respublica, singularisé par le sacre et différent, par nature, des fonctions seigneuriales. 

    Le retournement de la conjoncture politique aux XIIe-XIIIe siècle a fait du roi non plus la victime mais le bénéficiaire de la féodalité. L’essor économique, en contribuant à renforcer la puissances des plus grands seigneurs au détriment des petits vassaux, le renouveau intellectuel, en ramenant au premier plan les idées politiques de l’Antiquité, l’exemple de l’Eglise qui avait rétabli, dès la seconde moitié du XIe siècle, une stricte organisation hiérarchique dans le cadre de la réforme grégorienne, ont œuvré en faveur de la reconstitution de l’autorité et de la formation d’une hiérarchie féodale structurée, dont le roi occupait le sommet.

    Au XIIe siècle, ces facteurs ont permis la reconstitution de grandes principautés territoriales, dont l’existence n’était pas sans danger pour la royauté. Néanmoins le roi a su tirer parti de sa position de suzerain pour exiger l’hommage de tous ses vassaux, y compris des princes territoriaux, arbitrer les conflits entre eux et multiplier les interventions dans leurs fiefs. Les techniques du droit féodal, plus fermes et précises qu’aux siècles précédents, lui ont permis d’agrandir son domaine. Cette politique d’agrandissements parfois minimes mais nombreux et poursuivis avec constance a permis de faire coïncider largement les limites du domaine royal avec celles du royaume, de précipiter le déclin de la féodalité politique et de préparer la renaissance de l’Etat.


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  •       b)L’ordre féodal

    Féodalité n’est pourtant pas synonyme d’anarchie. Même si elle a engendré des conflits entre seigneurs, elle a constitué un système politique relativement ordonné, mieux adapté à la situation et donc plus efficace que la monarchie centralisée des carolingiens. Elle n’a pas entrainé la disparition de l’autorité mais un exercice différent de celle-ci, avec d’ailleurs des fondements et des modalités eux-mêmes très divers selon qu’elle pesait sur les manants ou sur les membres de l’aristocratie dirigeante.

          *L’autorité sur les manants

    Sur les roturiers habitant la seigneurie, hommes libres ou serfs, c’étaient des prérogatives de droit public, les attributs de la puissance publique d’origine royale qu’exerçaient, par concession ou par usurpation, les seigneurs. Parmi ces prérogatives, le ban, pouvoir de commandement semblable à celui du roi, qui permettait d’exiger des services militaires, des corvées pour l’édification ou la garde du château, de règlementer les pratiques agraires, d’imposer des monopoles économiques (fours, moulins et pressoirs banaux).

    Autre prérogative, la justice, dont la filiation avec celle du roi est soulignée par le fait qu’elle comportait, comme elle, deux degrés : la haute justice était l’ancienne justice comtale, seule compétente pour juger les causes majeures, au pénal les crimes graves (homicide, rapt, incendie, vol), au civil les affaires relatives à la condition des personnes et à la propriété immobilière ; la basse justice, compétente seulement pour les petits délits. Mentionnons enfin la fiscalité, notamment la taille, impôt annuel perçu sur les roturiers, libres ou serfs.

          *Les liens féodo-vassaliques

    Entre membres du groupe dominant, l’autorité était d’une autre nature, plus privée que publique : d’origine contractuelle, elle reposait à la fois sur un acte formaliste hérité des pratiques juridiques de l’époque franque, le contrat de foi et hommage, qui créait un lien personnel de vassalité, et sur un élément réel, la concession d’un fief. L’hommage vassalique, renforcé par un serment de fidélité, la foi, formait des obligations réciproques entre l’inférieur, le vassal, et le supérieur, le seigneur.

    La concession d’un fief, à l’origine séparée de l’hommage, en est vite apparue comme le complément et la contrepartie. Faite à titre viager avant le XIe siècle, la concession est devenue rapidement héréditaire. Le fief est ainsi entré pleinement dans le patrimoine du vassal, qui ne pouvait le perdre qu’en cas de manquement grave à ses obligations. Enfin l'élément réel, le fief, au départ simple concession, a rapidement pris le pas sur l’élément personnel et a contribué à l’affaiblir.


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  •    2)La féodalité

    A la royauté franque a succédé la féodalité, forme d’organisation politique et sociale qui s’est répandue à la fin du IXe et le XIIIe siècle. Cependant le terme féodalité, de même que l’adjectif féodal, n’est apparu que bien plus tard, au XVIIIe siècle, et à bien des égards la féodalité n’est qu’une construction rétrospective, qui donne une vue souvent trop systématique des réalités du temps.

    Ces réalités se résument d’abord à un phénomène d’affaiblissement et même de décomposition du pouvoir central, qui a conduit à la naissance d’un ordre différent, décentralisé à l’extrême, fondé sur des relations directes et personnelles entre titulaires de fiefs et de seigneuries. Mais dans ce cadre a priori défavorable ont survécu des éléments du droit public, à commencer par la royauté elle-même, qui s’est maintenue et qui, à la fin de la période, a commencé à restaurer son autorité.

          a)Décomposition du pouvoir central

    La décomposition du pouvoir central a créé les conditions favorables à l’apparition du régime féodal. Elle est due à des causes inhérentes à l’Empire carolingien, trop vaste pour être administré et contrôlé efficacement, et miné par les querelles liées à la succession de Louis le Pieux. Egalement aux incursions scandinaves qui, au cours du IXe siècle, ont semé le trouble et désorganisé profondément la Francie occidentale avant d’aboutir à la formation de la Normandie en 911.

    Ces évènements ont contribué à altérer la puissance et le prestige des carolingiens, incapable de faire face aux incursions normandes et éclipsés par des chefs militaires plus efficaces et plus proches des populations. Aussi en 888, lorsque que le roi carolingien Louis le Bègue mourut sans descendance, c’est le fils de Robert le Fort, Eudes, et non un membre de la famille carolingienne, qui fut élu par les grands. Au Xe siècle, carolingiens et robertiens alternèrent sur le trône.

    La première étape de la décomposition du pouvoir central est intervenue entre 888 et 890, avec la formation de vastes principautés territoriales constituées sur la base d’anciens royaumes ou provinces où existaient de forts particularismes culturels et ethniques, de marquisats et de duchés. La seconde étape, au milieu du Xe siècle, a vu certaines de ces principautés se morceler au profit des comtes qui en dépendaient.

    Enfin, ultime étape aux alentours de l’an mil, les comtés se sont à leur tour fragmentés en châtellenies aux dimensions réduites, l’autorité est tombée aux mains de seigneurs châtelains dont la puissance reposait sur la possession d’un grand domaine foncier ou d’un château fort. Dans la plus grande partie du royaume, en un siècle et demi, la puissance publique est passée du roi à une multitude de petits seigneurs qui l’exerçaient en leur nom et en toute indépendance. 


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