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*Formation du pouvoir législatif impérial
Pas plus que les magistrats républicains dont ils prétendaient les continuateurs, les premiers empereurs ne disposaient du pouvoir de légiférer : ils avaient, comme eux, l’initiative des lois, mais celles-ci devaient toujours recevoir l’aval du Sénat et ne devenaient effectives qu’après le vote des comices. Après que les comices furent tombés en désuétude, c’est le Sénat qui recueillit la fonction de voter les lois et ses sénatus-consultes reçurent directement valeur législative. En réalité, dès l’origine, les comices, puis le Sénat que l’empereur composait à sa guise, étaient devenus des chambres d’enregistrement qui approuvaient sans opposition les projets impériaux : présenté comme une prière, le projet était en fait un ordre fidèlement servi.
Au IIIe siècle, la fiction de l’exercice du pouvoir législatif par le Sénat au nom du peuple romain a disparu : il a été admis sans détour que l’empereur avait le pouvoir de légiférer, fondé sur l’auctoritas, et l’exerçait sans limites. Les juristes de l’entourage impérial l’ont exprimé en des formules qui, transmises par les compilations de Justinien et détachées de leur contexte, ont permis plus tard d’édifier la notion de souveraineté : Quod principi placuit habet legis vigorem (Ce que le prince a jugé bon a force de loi), ou Princeps legibus solutus est (Le prince est absous des lois). On glisse ainsi du Principat, où le prince était censé n’être que le premier des citoyens, vers le Dominat, où il est considéré comme le dominus, le maitre absolu.
*Hérédité de la dignité impériale
La transmission héréditaire de la fonction impériale s’est établie plus difficilement, du fait de la persistance des apparences républicaines. Les pouvoirs conférés à Octave l’avaient été à titre personnel et, à sa mort, auraient dû revenir au Sénat qui en était le dépositaire selon la tradition républicaine. En fait, Octave organisa sa propre succession en associant au pouvoir son fils adoptif Tibère, mais sauvegarda les apparences en lui faisant attribuer ses fonctions par le Sénat et l’investiture par les comices. Néanmoins, une tendance à l’hérédité commença à s’établir et les successeurs de Tibère, membres de la dynastie julio-claudienne (Caligula, Claude, Néron), furent tous des héritiers par le sang ou adoptifs de l’empereur précédent, à qui le Sénat et les comices conférèrent automatiquement l’investiture.
C’est seulement en l’absence d’héritier, comme à la mort de Néron (68), que le Sénat retrouva une certaine liberté de choix, rapidement bridée par l’influence de l’armée qui, dès 69, parvint à imposer son candidat, Vespasien. Au IIe siècle, le principe dynastique, favorisé par la divinisation de l’empereur, progressa avec la succession de deux lignées d’empereurs, les Antonins et les Sévères, mais au IIIe siècle, période de crise généralisée, l’armée, avec les prétoriens de la garde impériale, imposa à nouveau ses candidats, quitte à s’en débarrasser dès qu’ils ne lui convenaient plus. L’hérédité s’imposa définitivement qu’au IVe siècle, à partir de Constantin.
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b)Réalité monarchique du régime
Il n’est pas douteux que, dès l’origine, la vraie nature du nouveau régime était monarchique. Le cumul des magistratures et des pouvoirs, l’influence que le princeps exerçait sur les comices, le Sénat et les autres magistrats, faisaient de lui le véritable maitre de l’Etat. L’évolution allait révéler de plus en plus ouvertement ce caractère monarchique.
Les institutions républicaines ont disparu progressivement : les comices sont tombés en désuétude à la fin du Ier siècle ; les magistratures ont perdu leurs attributions et n’ont subsisté que comme distinctions honorifiques. Parallèlement s’est accentué la personnification du pouvoir, avec la divinisation de la personne de l’empereur, la formation à son profit d’un véritable pouvoir législatif et l’établissement de l’hérédité de la dignité impériale.
*Divinisation de l’empereur
Dès le règne d’Auguste, dans les provinces orientales où existait une tradition ancienne en faveur de la divinisation des souverains, est apparu l’usage de rendre un culte à l’empereur, qui s’est ensuite répandu dans le reste de l’empire. L’empereur a d’abord été considéré comme un dieu après sa mort, ce qui accroissait le prestige de son successeur lorsqu’il s’agissait de son fils, puis déifié de son vivant au IIIe siècle. Tous les habitants de l’empire devaient lui rendre un culte, obligation peu contraignante pour la plupart d’entre eux, adeptes de religions polythéistes, mais incompatible avec les religions monothéistes, juive et chrétienne, et qui a été l’origine de persécutions religieuses sporadiques.
La conversion de l’empereur Constantin (313), puis la reconnaissance du christianisme comme religion d’Etat par Théodose Ier (380) ont mis fin à la divinisation du souverain, favorisant en contrepartie la sacralisation du pouvoir impérial : l’empereur chrétien apparait comme un personnage mi-laïc, mi-religieux, à la fois « empereur et prêtre », qualifié pour intervenir activement dans les affaires de l’Eglise, pour convoquer et présider les conciles, et même pour arbitrer les conflits dogmatiques et réprimer les hérésies.
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1)L’Empire, héritier du droit républicain
a)Façade républicaine du régime
Les historiens datent la fin de la république romaine et l’instauration du régime impérial de janvier 27 avant J.-C. s’il y eut effectivement changement de régime, l’instigateur de cette transformation, Octave, fit tout pour en minimiser la portée et pour donner au contraire l’impression de continuité de la tradition républicaine.
Débarrassé de ses rivaux depuis sa victoire à Actium en 31, Octave avait mis fin aux guerres civiles et exerçait un pouvoir sans partage mais aux fondements juridiques fragiles, qui reposait, suivant une pratique née au cours des guerres civiles, sur le cumul des magistratures (consulat, puissance tribunicienne), dont l’exercice restait en principe temporaire et qui ne conférait que des pouvoirs limités. Les prolonger ou les étendre de sa propre initiative l’eût exposé au soupçon d’aspirer à la royauté, qui avait été fatal à César. Aussi manœuvra-t-il habilement pour asseoir son régime sur une légitimité indiscutable, qui ne pouvait être que républicaine.
En janvier 27, il remit tous ses pouvoirs à la disposition du Sénat et du peuple romain, démission feinte qui ne pouvait être acceptée car elle eût entrainé la reprise des guerres civiles. Comme il l’espérait, le Sénat le supplia de conserver le pouvoir et lui conféra des attributions supplémentaires : l’imperium proconsulaire, nécessaire pour exercer le commandement à l’armée et dans les provinces, concédé pour dix ans et qui lui sera renouvelé jusqu’à sa mort, à l’origine du titre d’imperator ; l’auctoritas, qui donnait à tous ses actes une autorité supérieure, lui permettant de porter le titre d’Augustus, le plaçait au-dessus des autres magistrats républicains et le soustrayait aux conséquences de la collégialité.
Quatre ans plus tard, Octave, dorénavant appelé Auguste, se fit confirmer la puissance tribunicienne, détachée de la fonction de tribun, qui lui sera renouvelé chaque année : elle le rendait inviolable et sacré, lui permettait de convoquer et de présider les assemblées de la plèbe et le Sénat, et faisait de lui le protecteur du peuple. Il obtenait ainsi davantage de pouvoirs, mais surtout des pouvoirs dont la légitimité était désormais indiscutable puisque tenus du Sénat et du peuple. Son autorité était suffisamment assise pour qu’il renonçât au consulat, dont la réitération chaque année heurtait trop la tradition républicaine.
En apparence, les événements de 27 marquent donc non la naissance d’un régime nouveau mais la restauration de la République : Octave Auguste se présentait en continuateur de la vraie tradition romaine, corrompue par les guerres civiles. Les institutions républicaines ont été conservées. Auguste a pris le titre de princeps (c’est-à-dire de premier des citoyens), d’où le nom de Principat donné par les historiens au régime qu’il a fondé, titre qui traduisait à la fois sa prééminence politique et sa volonté d’apparaitre néanmoins comme une personne privée.
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