• Les institutions complémentaires reconnue par la constitution
     
    Le conseil économique, social et environnemental
     
    Héritier du conseil national économique créé en 1925 par la Troisième République, supprimé par le régime de Vichy, rétabli en 1946 sous le nom de Conseil économique et devenu Conseil économique et social en 1958, le Conseil économique et social est la troisième assemblée mise en place par la constitution du 4 octobre 1958, avec l'Assemblée nationale et le Sénat. Le 21 juillet 2008, le parlement réuni en congrès à Versailles a voté l'adoption de la révision constitutionnelle. Le Conseil économique et social devient le Conseil économique, social et environnemental. Réduit à une fonction consultative, optionnelle ou obligatoire dans le cadre du processus législatif, cette assemblée permet toutefois la représentation au niveau national des organisations  
    professionnelles, et la communication entre les différents acteurs de l'économie. La Loi constitutionnelle du 23 juillet 2008, adoptée le 21 juillet précédent par le Congrès, a  transformé le Conseil économique et social en CESE ou Conseil économique, social et environnemental et en a reprécisé les missions dans le titre XI de la constitution.
     
    Le conseil économique, social et environnemental est consti tué de 233 conseillers, désignés pour cinq ans par les organisations professionnelles, à l'exception de 70 conseillers nommés par le gouvernement. Le CESE est articulé en neuf sections, qui sont autant de « commissions parlementaires » spécialisées. Chaque section comprend entre 27 et 29 conseillers et huit membres de sections. Les neuf sections sont : section des questions économiques générales et de la conjoncture, section des finances, section des affaires sociales, section du travail, section des relations extérieures, section de l'agriculture et de l'alimentation, section des activités productives, de la recherche et de la technologie, section des économies régionales et de l'aménagement du territoire, section du cadre de vie. En outre, le conseil économique et social dispose de formations spéciales : la délégation des droits des femmes et de l'égalité des chances entre hommes et femmes, la délégation pour l'union européenne, des commissions temporaires chargées de l'examen de thèmes particuliers.
     
    Le conseil supérieure de la magistrature

     
    La composition
     
    Le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) assiste, aux termes de l'Article 64 de la Constitution de la cinquième République française, le Président de la République pour garantir l'indépendance de l'autorité judiciaire. Il s'agit donc d'un pouvoir public constitutionnel. Le CSM est aussi l'organe disciplinaire des magistrats du siège et  du parquet. Le Conseil supérieur de la magistrature comprend pour la formation
    compétente à l’égard des magistrats du siège : cinq magistrats du siège, un magistrat du parquet, un conseiller d'État élu par l'assemblée générale du Conseil d'État, un avocat et six personnalités qui n'appartiennent ni au Parlement ni à l’ordre judiciaire désignées respectivement par le Président de la République, le président de l'Assemblée nationale et le président du Sénat. Les magistrats de siège constituent donc la moitié de cette
    formation. La formation compétente à l’égard des magistrats du parquet comprend : cinq magistrats du parquet, un magistrat du siège, un conseiller d'État élu par l'assemblée générale du Conseil d'État et les six personnalités, l’avocat comme cités précédemment. Selon l’article 65 alinéa 2, « […] le président la république, le président de l’assemblée nationale et le président du sénat désignent chacun deux personnalités qualifiées […] ».
     
    Les missions
     
    Le conseil supérieure de la magistrature est compétent pour la nomination des magistrats. Selon l’article 65 alinéa 4 de la constitution, « la formation du conseil supérieur de la magistrature compétente à l’égard des magistrats du siège fait des propositions pour les nominations des magistrats du siège à la cour de cassation, pour celles de premier président de cour d’appel et pour celles de président du tribunal de grande instance. Les autres magistrats du siège sont nommés sur son avis conforme ». Selon l’alinéa 5 de l’article 65, « la formation du conseil supérieur de la magistrature compétente à l’égard des magistrats du parquet donne sonne son avis sur les nominations qui concernent les magistrats du parquet ».  
     
    Le conseil supérieure de la magistrature est également compétent en matière disciplinaire. Selon l’article 65 alinéa 6 de la constitution, « la formation du conseil supérieur de la magistrature compétente à l’égard des magistrats du siège statue comme conseil de discipline des magistrats du siège. Elle comprend alors, outre les membres visés au deuxième alinéa, le magistrat du siège appartenant à la formation compétente à l’égard des magistrats du parquet ». Selon l’article 65 alinéa 7 de la constitution, « la formation du conseil supérieur de la magistrature compétente à l’égard des magistrats du parquet donne son avis sur les sanctions disciplinaires qui les concernent. Elle comprend alors, outre les membres visés au deuxième alinéa, le magistrat du parquet appartenant à la formation compétente à l’égard des magistrats du siège ».  
     
    La protection du texte originaire
     
    Une constitution rigide
     
    L’article 89
     
    La constitution de la Ve République relève de la catégorie des constitutions rigides puisqu’elle prévoit pour la révision de son contenu, dans son titre XVI, et constitué d’un article unique (l’article 89) une procédure spéciale, dont la mise en oeuvre est assez complexe. L’expérience prouve toutefois que la révision peut aussi se dérouler en dehors de l’article 89. La révision constitutionnelle doit d’abord être votée en termes identiques
    par les deux assemblées. Mais l’étape finale de la procédure dépend, d’une part, de l’autorité qui a pris l’initiative de la révision et, d’autre part, d’une option ouverte au Président de la République. Si l’initiative de la révision a été prise par le parlement (proposition), une fois que chacune des deux chambres a adopté le texte dans les mêmes termes, il doit obligatoirement être soumis au référendum.
     
    S’il s’agit d’un projet, donc d’une initiative de l’exécutif, le Président de la République peut décider de ne pas faire intervenir directement le peuple et soumettre le projet de révision au parlement convoqué en congrès, c’est à dire les deux chambres réunies. Dans ce cas, une majorité spéciale est requise car le projet ne deviendra loi constitutionnelle que s’il a réuni en sa faveur la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés (articles 89 alinéa 3 de la constitution). L’article prévoit des limites à son exercice. Aux termes de l’article 89, alinéa 4 : « aucune procédure ne peut être engagée ni poursuivie lorsqu’il est porté atteinte à l’intégrité du territoire ». Il s’agit d’éviter que les institutions puissent être modifiées sous la pression d’une armée d’occupation, comme en juillet 1940. D’autre part, il ne peut être fait application de l’article 89 durant la vacance de la présidence de la république ou durant la période qui s’écoule entre la déclaration du caractère définitif  de l’empêchement du Président de la République et l’élection de son successeur.
     
    L’article 11
     
    A cette procédure, l’usage a ajouté celle de l’article 11, qui permet au Président de la République de soumettre un projet de loi, dans certaines matières, à référendum. A deux reprises (le 28 octobre 1962 et le 27 avril 1969), le général de Gaulle a recouru à l’article 11 pour modifier la Constitution. Cette technique lui permit de faire l’économie de l’accord préalable des chambres, notamment celui du Sénat qui, sous la houlette de
    son président, Gaston Monnerville, lui était particulièrement hostile. Même si la plupart des juristes dénoncèrent ce recours, le succès de 1962 sembla le valider. Sur le plan constitutionnel, le général de Gaulle répondait à ses détracteurs que l’article 11 peut porter sur « tout projet de loi relatif à l’organisation des pouvoirs publics ». Réformer le Sénat, n’est-ce pas réorganiser les pouvoirs publics ? Toutefois, après l’échec de 1969, toute la classe politique s’accorda à reconnaître que l’article 11 ne peut être utilisé que pour l’adoption de lois ordinaires à l’exclusion de toute autre catégorie, à commencer par celle des lois constitutionnelles.  
     
    La justice constitutionnelle

     
    Introduction historique
     
    La constitution de 1958 a rompu avec la tradition française attachée à la souveraineté de la loi et défavorable au contrôle de la constitutionnalité. Elle a institué un contrôle par voie d’action. Pourquoi cette rupture ? La prise de conscience des inconvénients de l’absence de contrôle dans un pays qui se veut un Etat de droit, fournit une première raison. Il faut y ajouter une démystification de la loi, dépouillée de son aura d’expression
    de la volonté générale pour être ramenée à « l’opinion d’une majorité passagère ». Il s’agit de corriger la dérive des régimes précédents vers la souveraineté parlementaire. La tradition française a été durablement défavorable au contrôle de la constitutionnalité. Quand par exception elle en acceptait le principe, sa mise en œuvre était entourée de tant de conditions que son efficacité était illusoire. Le système mis en place en 1958 est relativement efficace. Il repose sur le conseil constitutionnel. Le contrôle de la constitutionnalité n’est que l’un des aspects du rôle du conseil. Le constituant lui a confié en effet plusieurs autres attributions importantes.  


    Le Conseil constitutionnel contrôle toutes les opérations concernant l’élection du président de la République : il établit la liste des candidats après avoir vérifié la validité des 500 signatures d’élus nécessaires pour se présenter à l’élection ; il juge les réclamations ou les irrégularités qu’il peut constater lui-même ou par l’intermédiaire de ses délégués dans les bureaux de vote, ou encore s’il a été saisi par un électeur ou un
    candidat ; il assure le décompte des voix et proclame les résultats ; enfin, il juge les contestations des candidats sur le contrôle de leurs comptes de campagne. Comme pour l’élection présidentielle, le Conseil suit l’intégralité des opérations du référendum. Il veille à leur régularité et juge les réclamations. Enfin, il assure le décompte des voix et proclame les résultats. Le Conseil statue sur la régularité de l’élection des députés et des sénateurs s’il est saisi par un électeur ou un candidat concurrent. Il vérifie également le respect par les candidats des règles relatives au financement des campagnes électorales.    
     
    Le Conseil s’assure, à la demande de l’assemblée concernée, du garde des Sceaux ou du parlementaire lui-même, qu’il n’y a pas d’incompatibilité entre le mandat de député ou de sénateur et les autres fonctions de cet élu. Le Conseil constate, à la demande de l’assemblée concernée ou du garde des Sceaux, la déchéance d’un parlementaire devenu inéligible. Le Conseil, saisi par le Gouvernement, constate l’empêchement du président de la République d’exercer ses fonctions. A la demande du Premier ministre ou du président de l’assemblée concernée, le Conseil constitutionnel vérifie que le Parlement et le Gouvernement respectent leurs domaines de compétence. En cas de circonstances exceptionnelles, le président de la République consulte le Conseil constitutionnel sur les mesures qu’il envisage de prendre. L’article 16 de la Constitution n’a été mis en œuvre qu’une fois lors des événements d’Algérie en avril 1961. La réforme constitutionnelle de juillet 2008 permettra aussi à la demande de toute personne, dans le cadre d’un procès, la saisine du Conseil constitutionnel par le Conseil d’État ou la Cour de cassation, s’il est soutenu qu’une loi déjà en vigueur porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit. Cette nouvelle compétence du Conseil constitutionnel ne sera mise en place qu’après le vote d’une loi organique à venir.
     
    Le conseil constitutionnel  
     
    Le Conseil constitutionnel est composé de 9 membres dont : 3 sont nommés par le président de la République ; 3 sont nommés par le président de l’Assemblée nationale ; 3 sont nommés par le président du Sénat. En plus de ces 9 membres nommés, les anciens présidents de la République sont membres de droit à vie du Conseil. Le président de la République nomme le président du Conseil constitutionnel parmi les membres. Le président du Conseil a voix prépondérante en cas de partage égal des voix lors des délibérations. Le choix des membres (également appelés conseillers) n’est soumis à aucune condition particulière. Toutefois, il existe des incompatibilités : les membres du Conseil constitutionnel ne peuvent ni être membres du Gouvernement, ni détenir un mandat électoral, ni même exercer une responsabilité dans un parti politique. Les membres sont nommés pour neuf ans. Ce mandat n’est pas renouvelable. Le Conseil se renouvelle par tiers tous les trois ans : trois nouveaux membres sont alors nommés en remplacement des trois conseillers ayant terminé leur mandat.
     
    Le Conseil constitutionnel vérifie si les lois adoptées par le Parlement sont conformes aux dispositions de la Constitution : il s’agit du contrôle de constitutionnalité des lois. Le Conseil constitutionnel ne peut exercer son contrôle qu’à la condition d’être saisi. Cette saisine est obligatoire pour : les règlements des assemblées parlementaires (Sénat et Assemblée nationale) ; les lois organiques (lois complétant la Constitution). Cette saisine est facultative pour : les lois ordinaires (ex : la loi relative aux OGM en 2008) ; les engagements internationaux (ex : le Traité établissant une Constitution pour l’Europe en 2004). Le Conseil peut également contrôler la constitutionnalité des « lois du pays » de Nouvelle-Calédonie. Dans le cas du contrôle facultatif, le Conseil peut être saisi par une des autorités suivantes : le président de la République ; le Premier ministre ; le président de l’Assemblée nationale ; le président du Sénat ; un groupe de 60 députés ; un groupe de 60 sénateurs. Le contrôle de constitutionnalité intervient après le vote de la loi  mais avant la promulgation, c’est-à-dire la signature des textes par le président de la République. Le Conseil dispose d’un délai d’un mois (réduit à huit jours sur la demande du Gouvernement) pour juger de la conformité à la Constitution.
     
    Le conseil ne se borne pas à vérifier la conformité de la loi à la constitution au sens strict, il estime, et c’est l’apport essentiel de la décision du 16 juillet 1971, que la loi doit aussi respecter d’autres textes et des principes qui ont la même valeur que la constitution et qui forment le bloc de constitutionnalité. Sous la formule générale de « principes ou dispositions à valeur constitutionnelle », le Conseil impose au législateur le respect de trois sortes de règles : les principes de droits et libertés que proclame la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, réaffirmée par la Constitution de 1958, après celle de 1946 ; les principes posés dans le préambule et maintenus en vigueur en 1958, de la Constitution de 1946 ; les principes fondamentaux de la République : les nombreux  « principes fondamentaux reconnus par les lois de la République ». Cette formule est empruntée au préambule de 1946. A ce titre, le Conseil a imposé le respect de la liberté d'association, de la liberté d'enseignement, de la liberté de conscience. Dans ces conditions, et malgré ses faiblesses – lesquelles tiennent en particulier au fait que le Conseil constitutionnel n'est pas accessible aux simples particuliers – cette institution a permis que des progrès considérables soient accomplis en direction de l'idéal « État de droit ». Le dernier texte intégré dans le bloc de constitutionnalité est la charte de l’environnement de 2004 intégrée au préambule de 1958 par la révision du 1er mars 2005.    
     
    Les contrôles opérés par le conseil constitutionnel vont produire deux types d’effets : des effets préventifs et des effets répressifs, qui se traduisent par une sanction prononcée en cas d’atteinte à une norme protégée. A cet égard, il faut distinguer les effets proprement dits, et l’autorité des décisions qu’il prononce. Pour les lois organiques, ordinaires et les règlements des assemblées, pour lesquels le conseil constitutionnel est saisi avant leur promulgation ou leur mise en application, la conséquence de la décision est énoncée par l’article 62 alinéa 1 de la constitution : « une disposition déclarée inconstitutionnelle ne peut être promulguée ni mise en application ». A ce propos, on note que la constitution ne parle pas d’un « texte », mais d’une « disposition », ce qui signifie que le conseil, s’il est saisi de la loi dans son entier, pourra censurer qu’une partie de celle-ci. Mais cette situation n’en suscite pas moins certaines difficultés : peut-on admettre qu’une loi, amputée d’articles, puisse malgré cela être promulguée et s’imposer aux sujets de droit ? L’ordonnance du 7 novembre 1958 a permis au conseil, lorsqu’il n’a censuré que certaines dispositions d’un texte, de déclarer si elles sont, ou non, inséparables de ce dernier. Si tel est le cas, le texte ne saurait être promulgué. A l’inverse, si la disposition censurée est jugée séparable du reste de la loi, celle-ci pourra être promulguée par le président de la république, a moins toutefois qu’il ne décide de demander au parlement une nouvelle délibération.
     
    Enfin, pour ce qui est des engagements internationaux, la décision de non-conformité prononcée par le conseil entraînera des effets tout à fait différents, puisque le blocage ne peut être que temporaire. L’engagement pourra être ratifié ou approuvé, mais après révision de la constitution, et il entrera ainsi en vigueur une fois opérée l’éventuelle mise en conformité de cette dernière. La constitution précise que « les décisions du conseil
    constitutionnel ne sont susceptibles d’aucun recours. Elles s’imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles » (article 62 alinéa 3). L’autorité de ces décisions a été qualifiée par le conseil lui-même d’autorité de chose jugée (88-244 DC, 20 juillet 1988, Rec. 119), ce qui signifie qu’elles s’imposent à tous, et pas seulement aux parties. L’autorité de ces décisions s’impose aux pouvoirs publics : au parlement, dans la mesure où il est l’auteur de la loi, mais également à l’exécutif, et en particulier au président, qui, quoi qu’il pense de la décision du conseil ne pourra promulguer une loi déclarée non conforme. Enfin, ces décisions s’imposent à toutes les autorités administratives et juridictionnelles.
     
    A l’occasion d’une décision reconnaissant la conformité d’une disposition dont il a été saisi, le conseil peut soumettre la mise en œuvre de cette dernière à certaines conditions. C’est la technique de la « conformité sous réserve » : le texte n’est jugé conforme à la constitution que sous réserve d’être appliqué suivant les directives expressément énoncées par le conseil. Cette technique est pratiquement née avec le conseil, puisqu’on en trouve une première illustration dès 1959 (59-2 DC, 17, 18 et 24 juin 1959, Rec. 58), le règlement de l’assemblée nationale étant alors déclaré « conforme à la constitution, sous réserve des observations qui suivent … ». On distingue trois types de réserves d’interprétation. Les réserves « neutralisantes » consistent à déclarer qu’une disposition ne peut être appliquée que d’une certaine manière, sous peine de porter atteinte à la constitution. A l’inverse, l’interprétation « directive » détermine comment la disposition contestée doit être appliquée pour être conforme. Les interprétations « constructives » manifestent avec le plus d’éclat les pouvoirs que s’est attribués le conseil, puisque celui-ci ne se borne pas à déterminer la façon dont il faut lire les dispositions en question, mais ajoute certains éléments à la loi afin de la rendre conforme à la constitution.


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  • La rationalisation du pouvoir législatif
     
    L’organisation du parlement  
     
    Le parlement est bicaméral, il est composé d’une assemblée nationale et d’un sénat. Mais ce bicaméralisme est inégalitaire, l’assemblée dispose de prérogatives qui sont refusées au sénat. Le statut du parlementaire est réglé par la constitution, dont l’article 24 prévoit que les 577 députés sont élus au suffrage direct, et que les sénateurs, dont le nombre ne peut dépasser 348, le sont au suffrage indirect. Mais il l’est aussi par la loi organique à laquelle renvoie l’article 25 al 1 qui la charge de fixer « la durée des pouvoirs de chaque assemblée, le nombre de ses membres, leurs indemnités, les conditions d’éligibilités et des incompatibilités ». Ainsi, c’est la loi organique qui dispose que « tout citoyen qui a vingt trois ans révolus et la qualité d’électeurs peut être élu à l’assemblée nationale » (art LO 127 du code électoral), mais que « nul ne peut être élu au sénat s’il n’est âgé de trente ans révolus (art LO 296 du code électoral). A ce propos, on distingue l’inéligibilité, qui, dans certaines conditions, interdit d’être candidat, de l’incompatibilité, qui elle, oblige simplement l’élu à choisir, après son élection, entre le mandat qu’il vient d’obtenir et un mandat et une fonction qu’il détenait déjà.  
     
    Les incompatibilités visent à garantir l’indépendance de l’élu au cours de son mandat. Sur ce plan, le statut du parlementaire résulte de la combinaison de trois règles. La première pose le principe de l’incompatibilité entre le mandat parlementaire et les fonctions d’agent public (du fait de la subordination hiérarchique de ces agents au pouvoir exécutif), de membre du gouvernement, du conseil constitutionnel, du conseil supérieur de la magistrature, ou encore du conseil économique et social. Une seconde règle énonce, à l’inverse, la compatibilité de principe du mandat parlementaire avec les activités privées. La seule exception notable à cette compatibilité de principe concerne les activités dépendant financièrement de l’Etat, d’une collectivité publique ou encore d’un Etat étranger. Enfin, la troisième règle instaure une limite au cumul des mandats. L’article LO 141 du code électoral dispose que « le mandat de député est incompatible avec l’exercice de plus d’un des mandats énumérés ci-après : conseiller régional, conseiller de l’assemblée de Corse, conseiller général, conseiller de Paris, conseiller municipal d’une commune d’au moins 3500 habitants ».  
     
    Lorsqu’un parlementaire se trouve en situation d’incompatibilité, il devra donc, dans les trente jours qui suivent l’élection, démissionner du mandat de son choix. S’il ne le fait pas dans les délais, il sera déclaré démissionnaire d’office par le conseil constitutionnel. C’est afin de garantir l’indépendance de l’élu que sont énoncées les incompatibilités visées par l’article 25, et c’est pour la même raison que le parlementaire voit son statut protégé par les immunités établies dans l’article 26. Le parlementaire bénéficie, en premier lieu, de l’irresponsabilité : « aucun membre du parlement ne peut être poursuivi, recherché, arrêté, détenu ou jugé à l’occasion des opinions ou votes émis par lui dans l’exercice de ses fonctions ». En second lieu, le parlementaire bénéficie de l’inviolabilité : il ne peut être arrêté ou détenu, en matière criminelle ou correctionnelle, qu’avec l’autorisation du bureau de l’assemblée à laquelle il appartient, sauf en cas de flagrant délit ou de condamnation définitive. L’inviolabilité se distingue de l’irresponsabilité, puisqu’elle ne constitue qu’une immunité temporaire.
     
    Le travail parlementaire    
     
    Le régime et la durée des sessions ont été établis par les articles 28, 29 et 30 de la constitution avec un luxe de détails révélateur de l’importance que leur prêtaient les constituants. La révision du 4 août 1995 a institué une session ordinaire unique qui commence le premier jour ouvrable d’octobre pour se clore le dernier jour ouvrable de juin (article 28 al 1). Cette session ordinaire unique se réunit de plein droit, de façon automatique, au jour prévu par la constitution. Ce n’est pas le cas en revanche des sessions extraordinaires, réunies à la demande du premier ministre ou de la majorité des membres composant l’assemblée nationale, et dont l’article 30 précise qu’elles sont ouvertes et closes par décret du président de la république. Ces sessions sont entourées de précautions considérables, qu’explique la crainte de voir le parlement parvenir, grâce à cet artifice, à siéger en permanence, et ainsi, à paralyser l’action du gouvernement. En conséquence, elles ne peuvent se réunir que sur un ordre du jour déterminé, le décret de clôture intervenant dès que le parlement a épuisé l’ordre du jour pour lequel il a été convoqué, et au plus tard douze jours à compter de sa réunion. Il n’en ira autrement que s’il a été réuni à la demande du premier ministre. Enfin, et pour la même raison, seul le premier ministre pourra demander la réunion d’une nouvelle session extraordinaire dans le mois qui suit la clôture de la session précédente.
     
    Fixé par la conférence des présidents, l’ordre du jour énumère les questions qui seront traitées en séance par l’assemblée. Composées du président de chaque assemblée, des vices présidents, des présidents des groupes politiques, des présidents de commissions permanentes, du rapporteur de la commission des finances et du président de la délégation pour l’Union Européenne, ces conférences sont convoquées chaque semaine
    par le président de l’assemblée intéressée. L’article 48 alinéa 1 dispose que « l’ordre du jour est fixé par chaque assemblée. Le 2e alinéa précise que « deux semaines de séance sur quatre sont réservées par priorité, et dans l’ordre que le gouvernement a fixé, à l’examen des textes et aux débats dont il demande l’inscription à l’ordre du jour ». Ce qui signifie qu’en réalité, le gouvernement continue de maîtriser l’ordre du jour sur la moitié du temps de séance. En outre, selon l’alinéa 3, il peut intervenir sur le temps restant en faisant inscrire par priorité des textes essentiels à la vie de l’Etat et de la nation ainsi que des textes en attente, transmis depuis au moins six semaines par l’autre assemblée. Pour le reste, en revanche, chaque assemblée se trouve désormais maîtresse de son ordre du jour, sous réserve des dispositions figurant dans les trois derniers alinéas de l’article 48.  
     
    Les organes du travail parlementaire sont, pour la plupart, évoqués dans la constitution elle-même, mais ce sont en général les règlements des assemblées qui en déterminent la composition et en précisent les pouvoirs. Paradoxalement, le rôle et le prestige des présidents des assemblées n’ont pas été atteint, après 1958, par la remise en cause de la souveraineté du parlement, bien au contraire. Le président de l’assemblée nationale est élu pour toute la législature, c’est-à-dire, en principe, pour cinq ans, et l’élection du président du sénat a lieu après chaque renouvellement partiel, tous les trois ans. La constitution confère aux présidents des attributions étendues, auxquelles s’ajoutent les prérogatives que leur accordent les règlements de leurs assemblées respectives, dont-ils sont chargés d’assurer le bon fonctionnement. Le président assure en outre la présidence du bureau, organe collectif élu par les parlementaires, renouvelé chaque année, et qui doit s’efforcer de reproduire la configuration politique de l’assemblée. Le dernier organe notable est la conférence des présidents. Les règlements des assemblées attribuent traditionnellement à ces conférences certains pouvoirs pour préparer l’organisation du travail en séance publique.
     
    Même si, en droit, il n’en ont pas l’obligation, les parlementaire « peuvent se grouper par affinités politiques » (RAN, art 19), et ils le font le plus souvent. Les groupes politiques, qui bénéficient d’avantages considérables mais aussi de pouvoirs propres, doivent, pour se former, compter au moins vingt membres à l’assemblée nationale, et quinze au sénat. Depuis la révision de juillet 2008, la constitution distingue d’ailleurs, parmi eux, les « groupes d’opposition » et les « groupes minoritaires » (article 48 alinéa 5), l’article  51-1 précisant que le règlement de chaque chambre « reconnaît des droits spécifiques aux groupes d’opposition de l’assemblée intéressée ainsi qu’aux groupes minoritaires ». Les projets et les propositions de loi sont trop complexes et portent sur des sujets trop variés pour pourvoir être examinés sans étude préalable en séance publique. Ce travail est réalisé dans chaque chambre au sein de l’une des huit commissions permanentes qui les composent. A l’inverse des commissions permanentes, les autres commissions ont une existence éphémère : les commissions spéciales sont constituées à la demande du gouvernement ou des parlementaires pour l’examen d’un texte de loi ; les commissions d’enquête et de contrôle sont constituées au sein de chaque chambre à la demande  de leurs membres.   
     
    La compétence législative
     
    Parallèlement à la fonction légiférante, au pouvoir de faire la loi au sens propre, la constitution de 1958 a confié à l’exécutif un pouvoir autonome, qui traduit sur le plan normatif le bouleversement que représente la fin de la souveraineté parlementaire. Cette innovation se manifeste en effet par une délimitation du domaine de la loi, qui n’est plus illimité comme naguère, et qui ne s’étend qu’aux matières énumérés par l’article 34. Réciproquement, si la loi n’a plus qu’une compétence d’attribution, c’est parce que la compétence de droit commun appartient au pouvoir réglementaire, dont relèvent désormais toutes « les matières autres que celles qui sont du domaine de la loi ». En 1958, la loi et le règlement autonome semblent ainsi pratiquement placés sur le même plan, sans que la première puisse encore être considérée comme supérieure. Pourtant , la jurisprudence viendra rapidement remettre en cause cette nouvelle architecture, en reconnaissant le caractère subordonné du règlement. Du reste, la pratique institutionnelle l’étroite collaboration d’un gouvernement et d’un parlement également dominés par le chef de l’Etat, vont enlever toute dimension de conflit à cette valorisation du règlement, la loi et le règlement n’apparaissant plus comme l’émanation de pouvoirs concurrents, mais comme deux expressions complémentaires du pouvoir d’Etat.
     
    Cette cohabitation se manifeste également, sur un plan parallèle, avec la pratique des ordonnances. L’article 38 permet au gouvernement de demander au parlement, pour l’exécution de son programme, l’autorisation de prendre par ordonnances, pendant un délai limité, des mesures qui sont normalement du domaine de la loi. Au point de départ, le gouvernement doit demander au parlement l’autorisation de prendre des ordonnances, en déposant un projet de loi qui détermine la finalité, et le domaine d’application de celles-ci. La loi d’habilitation, quant à elle, définira le délai durant lequel le gouvernement est habilité à prendre des ordonnances, et la date du dépôt du projet de loi de ratification. Une fois signée par le président de la république et publiée, l’ordonnance devra en effet faire l’objet d’un projet de loi de ratification, déposé devant le parlement. Tant que le  texte de la  ratification n’est pas adopté par le parlement, l’ordonnance est un acte administratif. Le juge administratif est donc compétent. Si l’ordonnance fait l’objet d’une loi de ratification, elle devient une véritable loi. Alors les ordonnances échappent au contrôle du juge administratif.       
     
    Le vote de la loi se fait selon un mécanisme complexe. L’initiative de la loi appartient à la fois au gouvernement et aux parlementaires (députés et sénateurs). Le gouvernement prépare des projets de loi et les parlementaires des propositions de loi. Les projets et propositions de loi doivent être examinés par les deux chambres du parlement. Le dépôt d’un projet de loi peut s’effectuer indifféremment, sauf dans certains cas, au bureau de l’assemblée nationale ou du sénat. Par contre, une proposition de loi doit être déposée
    obligatoirement sur le bureau de l’assemblée du parlementaire auteur de la proposition. Le texte est d’abord examiné par la commission parlementaire compétente pour le domaine concerné par la future loi. Elle désigne un rapporteur qui étudie le texte et qui rédige un rapport. Il peut, comme les autres membres de la commission, proposer des modifications au texte de la future loi. Ce sont des amendements. Le rapport est ensuite adopté par la commission. Le projet ou la proposition de loi, après inscription à l’ordre du jour, peut être examiné(e) par la 1ère assemblée où il a été déposé (assemblée nationale ou sénat). Une fois adopté, le texte est transmis à la seconde assemblée (sénat ou assemblée nationale).  
     
    La seconde assemblée examine le texte selon les mêmes règles. Des amendements peuvent aussi être votés. Le texte doit alors repartir vers la première assemblée pour être à nouveau examiner. C’est la navette. Pendant cette phase, seuls les articles modifiés sont étudiés. Le projet, ou la proposition de loi, est adopté lorsqu’il est voté dans les mêmes termes par les deux assemblées. En cas de désaccord, le Gouvernement peut convoquer une commission mixte paritaire. Elle est composée de 7 députés et de 7 sénateurs qui doivent proposer un texte commun voté ensuite par chaque assemblée. En cas d’échec, une nouvelle lecture du texte a lieu dans les deux assemblées et le gouvernement peut donner le dernier mot à l’assemblée nationale. Le texte est ensuite promulgué par le président de la République dans les 15 jours. Pendant ce délai, le président peut demander un nouvel examen du texte et le Conseil constitutionnel peut être saisi pour vérifier qu’il n’est pas contraire à la Constitution. La loi promulguée entre en vigueur après sa publication au Journal Officiel et des décrets d’application permettent sa mise en oeuvre. La Constitution prévoit des solutions aux désaccords possibles entre les deux assemblées ou entre l’une d’entre elle et le gouvernement.  
     
    En cas de conflit entre l’Assemblée et le Sénat,, la procédure de la commission mixte paritaire ou CMP, est utilisée. Après une lecture (procédure d’urgence) ou deux dans chaque assemblée, le Premier ministre peut demander la convocation de la CMP, composée de 7 députés et 7 sénateurs. La CMP essaie d’aboutir à un texte commun. Faute d’accord, une nouvelle lecture est organisée dans chaque assemblée, puis le
    gouvernement peut donner le dernier mot à l’Assemblée. Si le texte requiert l’accord du Sénat, la CMP ne se réunit pas. La navette se poursuit jusqu’à accord ou s’arrête. En cas de désaccord entre l’Assemblée nationale et le gouvernement, ce dernier dispose de nombreux moyens pour imposer son point de vue. Il peut, par exemple, demander un vote unique et global, dit bloqué, sur tout ou partie du texte en ne retenant que les
    amendements et articles qu’il accepte. L’alinéa 3 de l’article 49 de la Constitution lui permet d’engager sa responsabilité sur le vote d’un texte. Il est considéré adopté sans débat, sauf en cas d’adoption d’une motion de censure. C’est un outil très efficace : aucune motion de censure sur un texte n’a jamais été adoptée dans ce cas de figure. Instrument essentiel du parlementarisme rationalisé, l’usage du 49-3 est limité depuis la loi constitutionnelle de juillet 2008 à un texte par session (hors projet de loi de finances et de financement de la Sécurité sociale pour lesquels l’usage n’est pas limité).
    .
    Le contrôle politique
     
    Dans tout régime parlementaire, le pouvoir législatif dispose de moyens lui  permettant de  contrôler l’action du gouvernement. En droit constitutionnel français, la résolution se définit négativement comme le texte adopté par une des deux chambres du Parlement – Assemblée nationale ou Sénat – à l'initiative de l'un de ses membres, et qui n'est pas une loi. On peut distinguer les hypothèse suivantes : résolution de l’article 34-1 de la constitution : « les assemblées peuvent voter des résolutions dans les conditions fixées par la loi organique » ;  résolution de l'article 88-4 de la Constitution : sur les projets, propositions ou documents des Communautés européennes et de l'Union européenne, comportant ou non des dispositions de nature législative, soumis par le gouvernement au Parlement. L’article 49 de la Constitution de 1958 fait partie du Titre V : Des rapports entre le Parlement et le Gouvernement (articles 34 à 51). Il organise la responsabilité politique du Gouvernement devant le parlement. En cela, il donne à la constitution, dont la nature est discutée, un des traits principaux du régime parlementaire.  
     
    L'article comprend 4 alinéas et constitue un des éléments forts pour permettre d'éviter les crises ministérielles, telles que la France les a connues sous la IVe République. Il organise : l'engagement de responsabilité sur un programme (dite aussi « question de confiance ») à l'initiative du gouvernement ; la motion de censure à l'initiative de l'Assemblée nationale ; l'engagement de responsabilité sur un texte, le point le plus original, qui permet au gouvernement de forcer l'adoption d'un texte, sauf si l'Assemblée est prête à le renverser ; la possibilité enfin pour le gouvernement de demander l'approbation de sa politique par le Sénat, cette dernière ou son refus éventuel étant dépourvue d'effets juridiques. La loi constitutionnelle adoptée le 21 juillet 2008 a modifié l'article 49 de la Constitution. La nouvelle rédaction est entrée en vigueur le 1er mars 2009. A partir de cette date, le Premier ministre ne pourra utiliser la procédure de l'alinéa 3 (engagement de responsabilité sur le vote d'un texte) que sur : les projets de lois de finances ; les projets de loi de financement de la sécurité sociale ; un autre projet ou proposition de loi par session.
     
    L'alinéa premier permet au Premier ministre d'engager la responsabilité de son gouvernement devant l'Assemblée nationale (on dit aussi poser la question de confiance). Comme en dispose l'article 50, un vote négatif (à la majorité simple, contrairement aux deux alinéas suivants, plus protecteurs de l'exécutif) entraîne la démission du gouvernement. Son sens est parfois imprécis, et donc son interprétation discutée, particulièrement sur le caractère obligatoire ou facultatif de cet engagement. La pratique, qui le tient pour facultatif, consacre une nette prééminence présidentielle, et fait de la  question de confiance une arme à la disposition du seul gouvernement. Le bénéfice politique qu'il peut en retirer reste limité, même si la question de confiance reste une tradition parlementaire importante, qui peut lui apporter parfois quelques avantages dans sa relation avec le parlement comme avec l'opinion publique ; un gouvernement non assuré de sa majorité peut sans grand inconvénient y renoncer.  
     
    La motion de censure est un moyen pour l'Assemblée nationale, à sa seule initiative, de forcer le gouvernement à la démission. C'est la mise en œuvre de la responsabilité politique du gouvernement devant le parlement, un élément caractéristique du régime parlementaire. Elle est d'ailleurs promise par de Gaulle quand, investi comme dernier Premier ministre de la Ive République, il annonce son intention de réformer les institutions et elle est imposée par la loi constitutionnelle du 3 juin 1958 par laquelle son gouvernement y est autorisé. Dans la constitution, la mise en jeu de la responsabilité gouvernementale est encadrée par les techniques du parlementarisme rationalisé pour favoriser la stabilité du gouvernement. Il est difficile cependant d'attribuer le succès à ces quelques mesures techniques. La force des gouvernements face à l'Assemblée peut davantage être attribuée à deux éléments, l'un institutionnel, l'autre politique : d'une part, face au gouvernement nommé par le président, la censure de l'Assemblée entraîne un conflit de légitimité, une crise sérieuse et la dissolution de l'Assemblée qui en est l'issue probable est fortement dissuasive ; d'autre part, la Ve République a vu une rationalisation politique, c’est-à-dire l'apparition du fait majoritaire avec des partis ou des coalitions électorales stables et capables de soutenir efficacement le gouvernement. Tous ces éléments font du dépôt d'une motion de censure, le plus souvent, un rituel parlementaire symétrique de l'engagement de responsabilité de l'alinéa 1. A ce jour, la censure a été votée une seule fois.
     
    L'alinéa 3 permet au gouvernement d'imposer l'adoption d'un texte par l'Assemblée, immédiatement et sans vote, ce à quoi l'Assemblée ne peut s'opposer qu'en renversant le gouvernement par une motion de censure de l'alinéa 2. L'article a été modifié par la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008 ainsi : « Le Premier ministre peut, après délibération du conseil des ministres, engager la responsabilité du Gouvernement devant
    l'Assemblée nationale sur le vote d'un projet de loi de finances ou de financement de la sécurité sociale. Dans ce cas, ce projet est considéré comme adopté, sauf si une motion de censure, déposée dans les vingt-quatre heures qui suivent, est votée dans les conditions prévues à l'alinéa précédent. Le Premier ministre peut, en outre, recourir à cette procédure pour un autre projet ou une proposition de loi par session ». La mise en
    œuvre de l'article se fait en trois temps. D'abord, la délibération du Conseil des ministres, dans les mêmes conditions que pour l'alinéa premier. Ensuite l'engagement de responsabilité proprement dit, par le Premier ministre, en séance à l'Assemblée nationale. Éventuellement, le dépôt d'une motion de censure, à peine facilité par rapport à l'alinéa deux et son vote. Faute du dépôt de cette motion, ou si elle n'est pas adoptée, le texte est réputé adopté par l'Assemblée.


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  • L’adoption d’un régime mixte
     
    La genèse de la constitution

     
    Une situation instable
     
    La IVe république est morte de son inaptitude à régler le problème colonial. La décolonisation a été amorcée en Indochine en 1954, en Tunisie et au Maroc en 1955-1956 ; mais, en 1958 en Algérie, l’armée ne parvient pas à mettre fin au soulèvement qui a éclaté le 1er novembre 1954. Elle contrôle difficilement la situation et surtout l’opinion publique internationale devient de plus en plus à la politique algérienne de la France sous la IVe république. La situation paraît bloquée lorsque le bombardement par l’aviation française, le 8 février 1958, du village tunisien de Sakiet Sidi Youssef provoque une intense émotion internationale et la chute le 15 avril du gouvernement de Félix Gaillard. Son remplacement par Pierre Pflimlin, considéré comme ouvert à des négociations avec le Front de Libération Nationale algérien, entraîne à Alger, le 13 mai, des émeutes dont va découler la chute de la IVe république. Les événements qui ont lieu de juin à septembre ne sont que les conséquences de sa disparition.
     
    Le 13 mai des émeutiers prennent d’assaut le gouvernement général à Alger. Des comités de salut public, composés de civils et de militaires sont créés. Dans ces conditions, l’idée d’un recours à De Gaulle va s’imposer en quelques jours. Pierre Pflimlin démissionne le 28 mai et le lendemain, le président de la république, René Coty, informe le parlement par un message que si De Gaulle n’obtient pas l’investiture de l’assemblée, René Coty, démissionnera. De Gaulle accepte de solliciter l’investiture de l’assemblée nationale. Le 1er juin 1958, par 329 voix contre 224, De Gaulle est investi à la tête d’un gouvernement qui sera le dernier de la IVe république. De Gaulle obtient ensuite, le 2 juin, les pleins pouvoirs, et donc la possibilité de gouverner par décrets. Puis l’assemblée se met en congé, se plaçant en quelque sorte en dehors du jeu, après avoir investi De Gaulle, le 3 juin, de la mission de réviser la constitution.  
     
    La procédure de réforme
     
    La constitution a été élaborée en trois mois sous la direction du gouvernement, elle est l’œuvre de groupe d’experts. Un avant projet fut préparé dès le mois de juin par un groupe de travail, composé de hauts fonctionnaires et présidé par Michel Debré. Ce texte fut examiné par un conseil interministériel (réunissant les ministres les plus concernés) ; le projet adopté fut soumis à l’approbation du conseil des ministres et publié le 29 juillet. Cette phase gouvernementale terminée, le projet fut examiné par le comité consultatif constitutionnel prévu par la loi du 3 juin. Enfin le texte, ainsi modifié sur quelques points, fut envoyé pour avis au conseil d’Etat et adopté définitivement par le conseil des ministres le 3 septembre. Comme l’exigeait la loi du 3 juin, le texte fut ensuite soumis au referendum. Le corps électoral accepta très largement le 28 septembre 1958 le texte qui lui était soumis. La constitution devait être promulguée le 4 octobre 1958. 
     
    L’esprit de la constitution
     
    La constitution de 1958 est composée aujourd’hui de 79 articles, certains divisés eux-mêmes en alinéas et repartis en 16 titres. Elle ne comporte pas de déclaration des droits, car il n’a pas semblé nécessaire de revenir sur la définition et l’énumération des libertés, contenues dans la déclaration de 1789 et le préambule de 1946. La constitution s’ouvre sur un bref préambule qui proclame l’attachement du peuple français aux droits et aux principes de 1789 et de 1946. La décision du conseil constitutionnel en date du 16 juillet 1971 est la plus importante qu’il ait jamais rendue. Le conseil estime que le contrôle de constitutionnalité doit porter sur la conformité de la loi à la déclaration des droits de 1789 et au préambule de la constitution de 1946 étant visées dans le préambule de la constitution de 1958.
     
    Les préoccupations maîtresses du constituant étaient de : restaurer l’autorité de l’Etat et limiter les pouvoirs des parties vont donner à la constitution ses principales originalités. La tradition du bicéphalisme de l’exécutif est respectée, mais elle recouvre une réalité nouvelle. Il y a dyarchie, le président est en charge des intérêts vitaux de la nation et le premier ministre est responsable de l’action du gouvernement placé sous sa direction. La pratique va transformer très rapidement le schéma initial. La primauté du président de la république au sein de l’exécutif s’affirme, la dyarchie disparaît, l’exécutif est déséquilibré au détriment du premier ministre. En 1986, 1993 et 1997, la cohabitation met en place un nouveau schéma, on en revient à la dépendance du gouvernement à l’égard de la seule assemblée nationale.
     
    L’évolution de la constitution
     
    Les révisions de la constitution
     
    En France, la Constitution du 4 octobre 1958 a fait l’objet de nombreuses révisions dès les premières années de son fonctionnement. Les modifications de la loi fondamentale sont devenues plus fréquentes encore depuis les années 1990 sous une double impulsion apparition d'une volonté de moderniser les institutions d’une part, construction européenne et intégration à l’ordre juridique international de l’autre. La Constitution de la Cinquième République française a été révisée par vingt-quatre textes différents depuis 1958. Voulant passer outre l'opposition du Sénat, De Gaulle fait réviser en 1962 la constitution en utilisant l'article 11 qui permet au président de soumettre à référendum « tout projet de loi portant sur l'organisation des pouvoirs publics ». La légalité du recours à cet article est très douteuse, car la Constitution prévoit les mécanismes de sa propre révision dans l'article 89.
     
    Elle suscite de vifs débats politiques et une controverse juridique, ainsi que la constitution d'un « cartel des non » inédit. Néanmoins le prestige de De Gaulle, le fait que le « oui » l'emporta avec plus de 62% des voix, le fait que le conseil constitutionnel refuse de contrôler la constitutionnalité des lois adoptées par référendum, ont permis la mise en œuvre de cette réforme. Valéry Giscard d'Estaing, souhaite élargir la saisine du Conseil Constitutionnel aux parlementaires. La révision constitutionnelle de 1974 a bouleversé l'action politique française, en garantissant mieux la supériorité de la Constitution sur les lois. Il y eut 54 décisions constitutionnelles entre 1950 et 1975, alors qu'il y en a eu plus de 200 dans les 15 années suivantes, entre 1975 et 1990.  
     
    La révision du 2 octobre 2000 est la première révision constitutionnelle soumise au référendum en application de l'article 89 de la Constitution. A près de 73% de « oui » le 24 septembre 2000, elle fut promulguée le 2 octobre. Elle a limité à cinq ans la durée du mandat présidentiel, mais ne s'est pas appliqué au président en exercice, Jacques Chirac, qui avait été élu en 1995 pour sept ans. La principale motivation de cette révision était d'éviter la cohabitation, en faisant concorder la durée des mandats du Président avec celui des députés. En effet, lorsque la majorité parlementaire n'était pas favorable au Président, celui-ci était contraint de nommer un Premier ministre hostile, car un ministre de son parti aurait toutes les chances de se faire renverser par l'Assemblée nationale. Dans le prolongement des travaux du comité « Balladur », le Parlement réuni en Congrès a adopté le 21 juillet 2008 un projet de loi constitutionnelle, La modification de la constitution reprenant une partie des conclusions du rapport du comité, qui modifie 47 articles de la Constitution. Le vote a été acquis avec 539 votes favorables, le seuil d'adoption étant de 538 votes, soit les deux tiers des suffrages exprimés.  
     
    Les tentatives de révision
     
    Le référendum du 21 avril 1969 sur la création des régions et la rénovation du Sénat a été rejeté par 54% de non (le Président Charles de Gaulle, prenant acte de ce refus des Français, démissionna immédiatement). Le projet de Georges Pompidou, le 10 septembre 1973 réduisait le mandat du Président de la République de sept à cinq ans. Ce texte, adopté en termes identiques par l'Assemblée nationale et par le Sénat, n'a pas été soumis au Congrès pour approbation définitive. Le projet de Valéry Giscard d'Estaing en 1974 modifiait l'article 25 de la Constitution pour assouplir le régime de l'incompatibilité entre le mandat parlementaire et les fonctions gouvernementales. Le projet a été adopté par les deux assemblées mais le Président de la République n'a pas donné suite. Le projet de François Mitterrand de 1984 permettait d'élargir le champ du référendum de l'article 11 pour l'étendre aux garanties fondamentales des libertés publiques. Le texte, ayant été voté par l'Assemblée nationale mais rejeté par le Sénat, le Président de la République n'a pas poursuivi la procédure. Le projet de François Mitterrand permettait la saisine du Conseil constitutionnel par les citoyens dans le cadre de l'institution d'un contrôle de constitutionnalité par voie d'exception. Une première fois, en 1990, le projet a été approuvé par l'Assemblée nationale, modifié par le Sénat et finalement retiré par le Gouvernement. Un autre projet (1993) a été abandonné après délibération par le Sénat.  
     
    La révision en cours
     
    Une nouvelle révision de la constitution est au stade de la réflexion. Chargée par Nicolas Sarkozy de rédiger un nouveau préambule de la Constitution en y inscrivant notamment le respect de la diversité, la commission présidée par Simone Veil a estimé que l'on pouvait, à Constitution constante, promouvoir l'égalité. Dans leur rapport remis au président de la république, les membres de la commission rappellent que les politiques de réparation basées sur la race, comme l'affirmative action, se sont développées dans les pays où la ségrégation était historiquement inscrite dans la loi, ce qui n'est pas le cas en France. Enfin, ils craignent un affaiblissement du « vivre-ensemble », voire une montée des tensions entre communautés. La Commission ne nie pas la nécessité d'agir pour l'égalité, mais estime que l’actuelle Constitution le permet, n'empêchant pas la mise en œuvre d'aides spécifiques.  
     
    La restauration du pourvoir exécutif
     
    La primauté présidentiel
     
    L’élection

    Pour être candidat, il faut satisfaire aux conditions suivantes : être âgé de 23 ans révolus le jour du scrutin ; être français ; avoir satisfait à ses obligations militaires. Le service militaire obligatoire ayant été supprimé, cette disposition est désormais suspendue pour les jeunes gens nés après le 31 décembre 1978. Toutefois, tous ceux qui remplissent ces trois conditions ne peuvent pas pour autant se présenter. En effet, toute candidature doit, en outre, être parrainée. Cette condition est destinée à éviter les candidatures fantaisistes ou publicitaires.


    La loi organique du 18 juin 1976 renforça le dispositif : pour être candidat, il faut avoir obtenu 500 signatures émanant d’au moins 30 départements ou territoires d’outre-mer sans que plus du dixième de ces 500 signatures proviennent d’un même département ou territoire. Sont habilités à présenter un candidat les élus suivants : les députés et les sénateurs ; les conseillers régionaux ; les membres de l’Assemblée de Corse ; les  
    conseillers généraux ; les membres du Conseil de Paris ; les maires ; les maires des arrondissements de Lyon et de Marseille ; les membres élus du Conseil supérieur des Français de l’étranger ; les ressortissants français membres du Parlement européen élus en France ; les présidents des organes délibérants des  communautés urbaines, des communautés d’agglomération et des communautés de communes. Une fois remplis, les  
    formulaires de présentation doivent être adressés, suivant un calendrier rigoureusement encadré, directement au Conseil constitutionnel sans transiter par la préfecture. Le Conseil constitutionnel procède à plusieurs types de vérification : recevabilité des formulaires de présentation ; qualité ; répartition géographique des « parrains ». Après tirage au sort, la liste des 500 signatures par candidat est publiée au Journal officiel.  
     
    Depuis 1962, le Président de la République est élu au suffrage universel direct et au scrutin uninominal majoritaire à deux tours. Au premier tour, est déclaré élu le candidat qui obtient la majorité absolue des suffrages exprimés. Si aucun candidat ne satisfait à cette condition, un deuxième tour est organisé quinze jours plus tard, où seuls les deux candidats arrivés en tête au premier tour peuvent participer. Contrairement à une idée communément admise, l’élection présidentielle est la seule consultation où la règle impose la participation de deux candidats seulement au second tour. Elle a pour objet de garantir au futur chef de l’État la majorité absolue des suffrages exprimés. En décembre 1958, le général de Gaulle avait été élu par un collège électoral conformément au dispositif constitutionnel initial. Après la réforme de 1962, soit à compter de l’élection de
    décembre 1965, toutes les élections présidentielles se sont jouées à l’issue d’un second tour. L’élection aurait pu être faussée si un candidat décède ou est empêché avant le premier tour. La révision constitutionnelle de 1976 dispose que si moins de 30 jours avant la date de clôture des présentations une personnalité a fait connaître son intention d’être candidate et qu’elle décède dans les 7 jours précédant cette date, le conseil
    constitutionnel peut décider le report de l’élection. Si l’empêchement intervient après la clôture du délai de présentation, le conseil doit reporter l’élection. Si l’empêchement ou le décès intervient entre les deux tours, le conseil déclare que l’ensemble de l’opération électorale doit être recommencé.     
     
    Le statut
     
    La loi constitutionnelle du 2 octobre 2000 a ramené à cinq ans la durée du mandat présidentiel. Il faut donc désormais parler de quinquennat, et non plus de septennat. Le septennat est un héritage qui nous renvoie à l’instauration de la IIIe République et plus précisément à la loi du 20 novembre 1873. La tradition du septennat s’est ainsi ancrée dans l’histoire institutionnelle de la France au point qu’en dépit des nouveaux pouvoirs que la Constitution de 1958 donnait au Président, la durée de son mandat est restée inchangée. La réforme de 1962 sur l’élection au suffrage universel direct du Président de la République a fait de celui-ci la clé de voûte des institutions et a conduit à poser la question de la réduction de la durée de son mandat. La réforme du quinquennat est proposée en 1973  par le président Pompidou. Il apparaît que la majorité des 3/5e ne pourra être atteinte au Congrès, et le président Pompidou renonce à le convoquer. Le 5 juin 2000, le Président (Jacques Chirac) se prononce pour la réduction de la durée du mandat présidentiel. La loi constitutionnelle modifiant l’article 6 de la Constitution a été promulguée le 2 octobre 2000.  
     
    La Haute cour de justice est la juridiction politique qui a la très délicate mission de juger le Président de la République pour crime de haute trahison. La révision constitutionnelle du 23 février 2007 a transformé le régime de responsabilité du Président de la République. L’article 67 de la Constitution prévoit que le Président de la République est irresponsable pour les actes accomplis en cette qualité sauf dans les hypothèses de
    compétence de la Cour pénale internationale ou de la Haute Cour. En outre, s’agissant des actes accomplis avant le début de son mandat ou dépourvus de lien avec celui-ci, le Président de la République ne peut, durant son mandat et devant aucune juridiction ou autorité administrative française, être requis de témoigner non plus que de faire l’objet d’une action, d’un acte d’information, d’instruction ou de poursuite. Cette inviolabilité
    temporaire couvre ainsi tant le champ civil et administratif que le champ pénal, la réparation et la sanction. En contrepartie, il est expressément prévu que tout délai de prescription et de forclusion est suspendu et que les instances et procédures auxquelles il est ainsi fait obstacle pourront reprendre un mois après la cessation des fonctions du Président de la République
     
    La fonction  
     
    L’article 5 de la constitution fixe au président trois missions auxquelles se rattachent les attributions que la constitution lui confie par ailleurs et qui sont conçues comme les moyens permettant de les remplir. C’est le président et non le conseil consti tutionnel qui est gardien de la constitution et, par extension, des libertés. A cette mission se rattache la possibilité de saisir le conseil constitutionnel. Le président dispose d’un pouvoir
    d’arbitrage dont il est précisé qu’il est destiné à assurer le « fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l’Etat ». Le président de la république est garant de la souveraineté extérieure de l’Etat : il doit veiller sur l’indépendance du pays, sur l’intégrité de son territoire et au respect de la parole donnée par la France et à la France. On peut rattacher à cette mission l’article 16 permettant au président de la république d’exercer une sorte de dictature en cas de crise grave, ainsi que les pouvoirs spécifiques que la constitution lui reconnaît comme chef des armées et en matière de relations internationales.  
     
    Les pouvoirs
     
    Les pouvoirs du Président de la République se répartissent en deux catégories : les pouvoirs propres ; les pouvoirs (ou compétences) partagés. La différence se situe dans le fait que les premiers s’exercent sans contreseing ministériel, tandis que les seconds nécessitent cette formalité. Le contreseing est la signature apposée par le Premier ministre, et éventuellement d’autres ministres, sur certains actes du Président de la
    République. C’est l’une des conséquences directes de l’irresponsabilité politique du chef de l’État. Les parlementaires ne pouvant contraindre le président à démissionner - comme ils peuvent le faire avec le gouvernement à l’appui d’une motion de censure - , la responsabilité des actes du chef de l’État est transférée sur le gouvernement qui l’endosse au moyen du contreseing.
     
    C’est l’une des originalités majeures de la Constitution du 4 octobre 1958 : alors que l’irresponsabilité politique du Président de la République est réaffirmée sur un plan général, des pouvoirs importants sont accordés au chef de l’État sans exigence concomitante du contreseing. Le Président peut exercer directement et personnellement certains pouvoirs sans subir l’éventuelle sanction d’un vote de défiance. Ces pouvoirs
    sont limitativement énumérés à l’article 19 de la Constitution. En dehors d’un contexte de cohabitation, le Président de la République dispose d’une totale liberté de choix dans la désignation du Premier ministre. On estime également qu’il peut révoquer le Premier ministre. Toutefois, cette faculté, née non du texte constitutionnel mais de la pratique républicaine, suppose une identité des majorités présidentielle et parlementaire ; en cas de cohabitation, elle ne peut donc être mise en œuvre. Ainsi, si le président Mitterrand put demander et obtenir la démission de Pierre Mauroy ou d’Édith Cresson pour nommer à leur place Laurent Fabius et Pierre Bérégovoy, il ne put procéder de même avec Jacques Chirac et Édouard Balladur, ses Premiers ministres de cohabitation.
     
    L’article 11 de la Constitution permet au Président de la République d’en appeler directement au peuple, en écartant l’intervention du Parlement, afin de lui faire adopter certaines dispositions à caractère législatif (donc des lois). L’exercice de ce pouvoir suppose qu’au préalable le président soit sollicité par une proposition en provenance soit du Premier ministre, soit des deux assemblées agissant conjointement. Les Français ne
    peuvent être appelés à voter directement des lois par voie de référendum que dans des domaines limitativement énumérés : organisation des pouvoirs publics, ratification d’un traité ou réformes relatives à la politique économique ou sociale de la nation. La ratification du traité de Maastricht s’est ainsi faite par référendum le 20 septembre 1992. Le Président de la République peut provoquer de nouvelles élections législatives en prononçant la dissolution de l’Assemblée nationale. Ce droit, caractéristique de tout régime parlementaire, constitue la contrepartie du pouvoir de l’Assemblée de renverser le gouvernement par une motion de censure. Avant de prendre sa décision, le président doit consulter, pour avis qu’il n’est pas contraint de suivre, le Premier ministre, et les présidents des assemblées. De surcroît, il ne peut dissoudre l’Assemblée nationale durant l’année qui suit les élections résultant d’une précédente dissolution et pendant la mise en œuvre de l’article 16. Depuis 1958, ce pouvoir a été utilisé à cinq reprises et pour des raisons différentes.  
     
    L’introduction, dans la Constitution de 1958, d’un article particulier donnant au Président de la République des pouvoirs exceptionnels en cas de circonstances extraordinaires, constitue une nouveauté dans notre droit constitutionnel. L’article 16 découle de la logique du discours de Bayeux prononcé par le général de Gaulle en 1944. Celui-ci avait été frappé par l’impuissance de l’exécutif au moment de la débâcle de 1940. Les évènements d’Algérie de 1958 l’ont conforté dans l’idée que le chef de l’État doit disposer des pouvoirs nécessaires pour rétablir la situation intérieure lorsque surviennent des circonstances exceptionnelles. Le Président de la République peut engager cet article si le territoire est menacé ou envahi, et si les institutions de la République sont menacées. L’unique application de cet article a eu lieu entre le 23 avril et le 30 septembre 1961 à la suite du putsch des généraux d’Alger. Les autres pouvoirs propres du président de la république sont : droit de message au Parlement (article 18), nomination de 3 des 9 membres du Conseil constitutionnel dont le président du conseil constitutionnel (article 56), saisine du Conseil constitutionnel pour contrôler la constitutionnalité d’un traité (article 54) ou d’une loi (article 61).
     
    Beaucoup plus nombreux et « classiques » que ceux examinés au paragraphe précédent, les pouvoirs partagés du Président de la République seront ici simplement énumérés. Il dirige le pouvoir exécutif : il nomme et révoque les autres membres du gouvernement (article 8), il préside le Conseil des ministres (article 9), il signe les ordonnances et les décrets délibérés en conseil des ministres et nomme à certains emplois civils ou militaires (article 13). Il exerce des compétences en matière diplomatique : il nomme, accrédite, reçoit les ambassadeurs (article 14), il négocie et ratifie les traités (article 52). Il est le chef des armées : à ce titre, il dispose d’un pouvoir considérable : il est ainsi le seul à engager, en cas de nécessité, la force de dissuasion nucléaire (article 15). Il intervient dans le domaine législatif et dans le domaine judiciaire : il promulgue les lois auparavant, il peut demander une seconde délibération de la loi (article 10), il exerce le droit de grâce par décret contresigné par le premier ministre et du garde des sceaux (article 17), il convoque les sessions parlementaires extraordinaires (article 29), il est garant de l’indépendance judiciaire.
     
    La fonction gouvernemental  

     
    La formation
     
    Le Premier ministre, les ministres et les secrétaires d’État forment ce que l’on appelle le gouvernement, qui est donc un organe collégial. selon l’article 8 de la constitution, « Le Président de la République nomme le Premier ministre. Il met fin à ses fonctions sur la présentation par celui-ci de la démission du gouvernement. Sur la proposition du Premier ministre, il nomme les autres membres du gouvernement et met fin à leur fonctions ». Comme le Premier ministre, les autres membres du gouvernement sont nommés par le Président de la République mais sur proposition du Premier ministre, ce qui signifie qu’il doit y avoir accord entre les deux autorités exécutives pour nommer un ministre. Les ministres peuvent, individuellement, présenter leur démission, sans remettre en cause l’existence du gouvernement. En règle générale cependant, les désaccords profonds au sein du gouvernement se résolvent par une démission  « spontanée » de la part des ministres.
     
    Le gouvernement a une existence juridique dès sa nomination par le président et peut agir sans autre formalité, il dispose de l’intégralité de ses pouvoirs. L’article 49 alinéa 1 de la constitution n’en prévoit pas moins que le premier ministre, après délibération du conseil des ministres, engage devant l’assemblée nationale la responsabilité du gouvernement sur son programme ou sur une déclaration de politique générale. Mais aucun délai n’est fixé pour ce débat et la pratique a beaucoup varié. Dans les premières années de la Ve république, les gouvernements Debré et Pompidou se présentèrent rapidement devant la chambre basse en posant la question de confiance ; puis, à partir de 1962, l’usage s’établit progressivement de ne pas considérer comme obligatoire le vote de confiance au gouvernement, c’est-à-dire l’investiture de la chambre.     
     
    La mise en jeu de la responsabilité gouvernementale peut intervenir sur l’initiative de l’Assemblée, lorsque les députés adoptent une motion de censure (article 49 alinéa 2 de la constitution) ; elle peut aussi se faire sur l’initiative du Premier ministre lorsqu’il décide d’engager la responsabilité du gouvernement devant l’Assemblée (article 49 alinéa 3 de la constitution). L’Assemblée nationale peut censurer le gouvernement au moyen
    d’une motion de censure. Celle-ci doit être déposée par au moins un dixième des membres composant l’Assemblée. Elle donne lieu à un débat, puis à un vote par scrutin public à la tribune. Ce vote ne peut avoir lieu que 48 heures au moins après le dépôt de la motion. Seuls les votes favorables à la motion (et donc contre le gouvernement) sont pris en compte. Pour être adoptée et entraîner la démission du gouvernement, la motion doit réunir les voix de la majorité du nombre des députés. Si la motion est adoptée, le Premier ministre doit présenter la démission de son gouvernement au Président de la République.
     
    Le statut
     
    Le Premier ministre, les ministres et les secrétaires d’État forment ce que l’on appelle le gouvernement, qui est donc un organe collégial. Le titre de ministre d’Etat ne correspond plus qu’à une prééminence protocolaire. Ce titre est généralement donné à une personnalité en considération de son autorité dans un des partis ou une des tendances de la majorité, ou pour tenir compte de son rayonnement particulier à la tête d’un département ministériel important. Les ministres délégués auprès du premier ministre ont pour rôle de le décharger d’une partie de ses responsabilités. Les ministres à portefeuille forment ce qu’on pourrait appeler la catégorie normale. Le gouvernement peut être aussi composé de ministres délégués auprès des ministres, de ministres délégués non rattachés à un ministre, de secrétaire d’Etat. En général, les secrétaires d’Etat ne participent pas au conseil des ministres ; ils sont seulement invités à y siéger si une question relevant de leurs attributions est inscrite à l’ordre du jour.  
     
    L’article 23 de la Constitution interdit le cumul de la fonction ministérielle avec toute autre activité publique ou privée : Un ministre ne peut exercer une activité privée. Il peut toutefois reprendre l’exercice de ses activités privées antérieures lorsqu’il n’est plus ministre. Un ministre peut détenir un mandat local (maire, conseiller général) mais ne peut exercer un mandat national (député ou sénateur). Si la responsabilité civile (conflits
    entre personnes) des ministres obéit aux règles de droit commun, le régime de la responsabilité pénale (concerne des fautes commises à l’encontre de la société) repose sur la distinction des actes extérieurs à la fonction de ceux commis dans l’exercice de la fonction. En ce qui concerne les premiers, ils relèvent des tribunaux ordinaires. Pour les seconds, ils sont justiciables devant la Cour de justice de la République.   
     
    Les pouvoirs
     
    Le premier ministre possède deux prérogatives propres : le pouvoir réglementaire, et le droit de saisine du conseil constitutionnel, prévu par les articles 54 et 61, sur lequel on reviendra plus loin. Selon l’article 21 alinéa 1 de la constitution, « le premier ministre dirige l’action du gouvernement. Il est responsable de la défense nationale. Il assure l’exécution des lois. Sous réserve des dispositions de l’article 13, il exerce le pouvoir
    réglementaire et nomme aux emplois civils et militaires. Il peut déléguer certains de ses pouvoirs aux ministres ». A ce titre, il adresse des instructions aux autres ministres, coordonne leurs travaux, et assure un arbitrage en cas de conflit. En outre, depuis 1959, il est d’usage de faire signer par le chef de l’Etat un certain nombre de décrets non délibérés en conseil des ministres en particulier lorsqu’ils portent sur des matières intéressant les fonctions du président. Cependant, ces décrets sont considérés par le juge administratif comme des décrets du premier ministre.  
     
    A coté des pouvoirs confiés au premier ministre, il en est d’autres qui appartiennent au gouvernement collectivement. Il faut revenir à l’article 20 de la constitution : « le gouvernement détermine et conduit la politique de la nation ». La définition et la mise en œuvre de la politique de la nation passent par certaines procédures et s’appuient sur des moyens d’action. La constitution prévoit qu’une série de décisions doivent faire l’objet d’une discussion collégiale au sein du conseil des ministres. Les projets de lois doivent être adoptés en conseil des ministres avant d’être déposés devant une chambre. La décision d’autoriser le premier ministre à engager la responsabili té du gouvernement devant l’assemblée nationale est adoptée par le conseil des ministres. Beaucoup de décrets doivent être pris en conseil des ministres. La décision de proposer un référendum au président relève, elle aussi, du conseil. La collégialité apparaît ainsi comme la règle pour les plus importantes des décisions gouvernementales. Le gouvernement « dispose de l’administration et de la force armée ». La signification de cette formule de l’article 20 est double : l’administration et la force armée sont soumises au gouvernement, la force armée et l’administration sont des instruments au service du gouvernement.  


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  • La lente conversion des institutions
     
    Les lois constitutionnelles
     
    Il n'y a pas à proprement parler de Constitution de la IIIe République. C'est par un ensemble de lois « constitutionnelles » votées au coup par coup en fonction de l'évolution des mentalités et des rapports de forces, que la France s'installe dans la République entre 1871 et 1877. Ayant su négocier la paix et « régler » la crise de la Commune (mars -mai), le régime rassure. Le 2 juillet 1871, les républicains remportent les élections complémentaires : 99 sièges sur 114. Les monarchistes au contraire inquiètent : le comte de Chambord, prétendant de la branche légitimiste, rend public dans un manifeste son attachement au drapeau blanc (6 juillet). En attendant la mort de Chambord, qui n'a pas de descendant direct, les monarchistes imaginent de faire durer le provisoire en conférant à Thiers (loi Rivet, 31 août 1871) le titre de « président de la République ». Pendant une année et demie, il gouverne à la satisfaction générale, organise le redressement du pays, parvient à rembourser le tribut exigé par Bismarck.
     
    Le 13 novembre 1872, constatant devant l'Assemblée que « la République existe, qu'elle est le gouvernement légal du pays, vouloir autre chose serait une révolution, et la plus redoutable... », il rompt le pacte de Bordeaux, et la majorité monarchiste le pousse à la démission (24 mai 1873). Avec le maréchal de Mac-Mahon, élu président de la République, et le duc Albert de Broglie, chargé de former le gouvernement, la tendance
    conservatrice s'affirme. Une conciliation avec Chambord ayant échoué, les monarchistes libéraux se résignent à mettre en place les institutions. Ils cherchent à préserver l'avenir en encadrant le régime parlementaire de deux bastions du conservatisme : la présidence de la République, qui bénéficie de la durée (loi sur le septennat, 20 novembre 1873) et dont le titulaire peut être désigné à une voix de majorité (amendement Wallon, 30 janvier 1875), et le Sénat (loi du 24 février 1875). Le 31 décembre 1875, l'Assemblée de légitimistes et d'orléanistes se sépare après avoir fondé la IIIe République.  
     
    La confirmation de la république
     
    Entre la Chambre de mars 1876 (360 républicains, 155 monarchistes) et le président, qui s'appuie sur le Sénat conservateur, le conflit éclate. Mac-Mahon, pour composer avec la majorité, appelle d’abord Jules Simon. Le 16 mai 1877, il le remplace par de Broglie, mais les députés refusent la confiance au gouvernement : le 25 juin, l'Assemblée est dissoute. Durant la campagne, longue et passionnée, le ministère multiplie les pressions
    administratives (révocations de préfets, de maires ; fermetures de loges maçonniques, de débits de boissons). Gambetta prend la tête du camp républicain et lance un défi au chef de l'État (« Il faudra se soumettre ou se démettre ») : le 14 octobre, les républicains conservent la majorité. La crise du 16 mai aura d'importantes conséquences quant à la pratique des institutions : la dissolution tombera en désuétude. Désormais, démocratie et exécutif fort apparaissent inconciliables. Après une année de soumission, Mac-Mahon démissionne, le 30 janvier 1879 : il est remplacé par Jules Grévy, tandis que les républicains remportent les élections sénatoriales. A l'automne 1879, les Assemblées rentrent à Paris, la Marseillaise devient hymne national  ; le 14 juillet 1880 est, pour la première fois, fête nationale. Le triomphe de la république est complet.  
     
    L’évolution du régime

     
    La crise du 16 mai 1877 entre Mac Mahon et le Parlement va donner à la IIIe République son visage définitif. Privé du pouvoir de dissolution, le chef de l’État est réduit à un rôle de représentation (c’est de cette époque que vient l’expression « inaugurer les chrysanthèmes »). L’essentiel du pouvoir exécutif passe entre les mains du gouvernement. A cet égard, après le départ de Mac Mahon, les parlementaires, chargés de l’élection du Président de la République, privilégieront toujours les candidats dont le profil politique semble de nature à s’acclimater avec cet effacement imposé. Les gouvernements ont une durée de vie très courte. Cette instabilité ministérielle s’explique notamment par une procédure de mise en jeu de la responsabilité qui n’est pas rationalisée : le gouvernement peut être mis en minorité à tout moment à la majorité simple. Enfin, si le gouvernement est responsable devant les chambres, il l’est également devant les partis : le retrait de l’appui d’une des composantes de l’alliance conduit inéluctablement le gouvernement à la démission.
     
    La tentation nationaliste
     
    L’Etat français
     
    Pétain, devenu président du Conseil le 16 juin 1940, s'installa avec son gouvernement, après l'armistice, à Vichy, en zone non occupée (2 juillet). Le 10 juillet, les députés et les sénateurs votèrent la fin de la IIIe République, par 569 voix contre 80 et 19 abstentions. L'Assemblée nationale délégua au maréchal Pétain le pouvoir de préparer une Constitution, laquelle ne verra jamais le jour. Pétain promulgua cependant dès le
    lendemain trois actes constitutionnels abrogeant la Constitution de 1875, ajournant le Parlement sine die et conférant à lui-même tous les pouvoirs, avec le titre de chef de l'État français. Puis, le 12 juillet, il s'adjoignit Pierre Laval comme vice-président du Conseil et successeur désigné. Pétain annonça bientôt la « révolution nationale », qui était censée transformer les mœurs et l'homme lui-même, et qui s'inspirait à la fois des doctrines de la droite française traditionnelle (Maurras) et du personnalisme.  
     
    Il s'agissait de rénover la nation : abolition de l'héritage démocratique de 1789 ; lutte contre le libéralisme, l'individualisme, le marxisme ; restauration d'un État autoritaire et hiérarchique ; substitution du corporatisme à la lutte des classes ; exaltation des valeurs patriarcales, familiales, paysannes et artisanales. Cette révolution de droite, illustrée par la formule « Travail, Famille, Patrie » — qui remplaçait la devise républicaine « Liberté,
    Égalité, Fraternité » —, fut préparée par une série de mesures d'exception. Le régime de Vichy sera placé sous l’autorité exclusive du maréchal Pétain jusqu’en 1942 puis, ensuite, sous l’autorité partagée du maréchal et, alternativement, de Pierre Laval ou de l’amiral Darlan. Au débarquement des Alliés en Afrique du Nord (8 novembre 1942), les Allemands répliquèrent par l'occupation de la zone libre (le 11). Vichy devint alors un
    gouvernement satellite du Reich. Darnand, Henriot et Déat entrèrent au gouvernement, tandis que les Allemands accentuèrent leur politique répressive à l'encontre des résistants et des juifs. Le débarquement de Normandie accéléra la désagrégation du régime.
     
    La légalité du régime ?
     
    De 1940 à 1945, deux gouvernements, le régime de Vichy et le gouvernement de De Gaulle, vont coexister. Le 22 juin 1940, au lendemain de son appel, le Général de Gaulle créé le Comité de la France libre. Il sera reconnu par les anglais comme « le chef de tous les français libres ». Avec l’extension de la lutte au sein de l’Empire colonial et fort du ralliement d’un certain nombre de Gouverneurs est créé le Conseil de défense de
    l’Empire qui sera flanqué, à partir du 24 septembre 1941 du Conseil national français. Le 14 juillet 1942 la France libre devient la France combattante, la résistance extérieure et la résistance intérieure font leur jonction qui se traduit au-delà de la formule par un Conseil national de la résistance fondé le 14 juin 1943. Après le débarquement en Afrique du Nord en novembre 1942, les alliés imposent l’entente entre le général de Gaulle et le général Giraud. Le Comité français de la libération nationale est alors créé. Les deux hommes se succèderont à sa tête. Mais de Gaulle évincera son allié encombrant. Une Assemblée consultative provisoire est alors mise en place le 17 septembre 1943.  
     
    La continuité de l’Etat
     
    En débarquant sur le territoire métropolitain, le CFLN se transforme en Gouvernement provisoire de la République française, dirigé par le Général de Gaulle. L’Assemblée consultative s’élargie au fur et à mesure que les prisonniers et déportés sont libérés. Des préfets sont nommés dans les départements. L’ordonnance du 8 août 1944 portant rétablissement de la légalité républicaine met fin à la parenthèse institutionnelle. Le 21
    octobre un référendum est organisé pour donner une assise juridique aux institutions provisoires. Trois solutions sont possibles : le retour à la IIIe République, l’élection d’une Assemblée constituante aux pouvoirs illimités, l’élection d’une Assemblée constituante aux pouvoirs limités. C’est la dernière solution qui l’emporte. La loi constitutionnelle du 2 novembre 1945 prévoit la procédure d’élaboration de la future constitution et met en place les institutions provisoires.  
     
    La recherche de l’équilibre institutionnelle

     
    L’essai d’un régime parlementaire

     
    Le gouvernement provisoire
     
    Le gouvernement provisoire qui s'installe à Paris en août 1944 s'attache à réorganiser la nation au fur et à mesure que le territoire est libéré et à restaurer l'État tout en travaillant à l'élaboration de nouvelles institutions. Le gouvernement de Gaulle comprend, à l'aube de 1945, des socialistes, des communistes (aux postes économiques et chargés à ce titre de la reconstruction), des MRP et diverses personnalités « modérées ». Les partis non communistes soutiennent de Gaulle, mais en matière de budget, notamment concernant l'armée, les socialistes sont aussi vigilants que les communistes. Ce contrôle que l'Assemblée prétend exercer sur l'action gouvernementale est insupportable à de Gaulle, qui démissionne brusquement, en janvier 1946, récusant ce qu'il appelle le « régime des partis ». Enfin se pose le problème de savoir s'il convient de donner une nouvelle Constitution à la France. Les Français décident par référendum d'élire une Constituante pour se donner des institutions nouvelles.
     
    Le projet du 5 mai 1946
     
    Un projet est arrêté le 19 avril 1946. Le texte crée une assemblée unique, assistée de deux organes consultatifs : le conseil de l’Union française et le conseil économique. Il institue un président de la république, élu par l’assemblée au scrutin public et cantonné dans un rôle honorifique et de représentation. Le président du conseil est élu par l’assemblée nationale sans intervention du président de la république. Il choisit lui-même
    ses ministres mais doit obtenir la confiance de l’assemblée sur la composition du gouvernement et sur son programme. Il est le titulaire du pouvoir exécutif. Le cabinet est responsable devant l’assemblée  
     
    Le projet de constitution élaboré par l’Assemblée doit être approuvé par le peuple. Un premier projet est arrêté le 19 avril 1946 mais lors du référendum du 5 mai le peuple le rejette. Soumis au peuple le 5 mai 1946, le texte est repoussé par 10 584 000 voix contre 9 454 000. C’est la première fois qu’en France un referendum échoue. Pourquoi cet échec? Le MRP, la droite et les radicaux avaient fait campagne contre le projet. Les
    élections avaient montré quelques mois auparavant que cette coalition était minoritaire dans le pays, et le silence observé par le général de Gaulle n’était pas fait pour renforcer sa position. Une nouvelle Assemblée est alors élue le 2 juin 1946.
     
    Les institutions de la IVe république
     
    Un premier projet est arrêté le 19 avril 1946 mais lors du référendum du 5 mai le peuple le rejette. Une  nouvelle Assemblée est alors élue. Le deuxième projet est adopté le 29 septembre 1946 et approuvé par le peuple le 13 octobre. La Constitution du 27 octobre 1946 a fait le choix du régime parlementaire rationalisé, ce qui implique un certain aménagement des pouvoirs publics. Le bicaméralisme est l’un des éléments qui
    caractérise la Constitution du 27 octobre 1946 par rapport au projet du 19 avril 1946. Mais le bicaméralisme choisi est inégalitaire. D’ailleurs, ce caractère inégalitaire apparaît bien dans les noms donnés aux deux assemblées : l’assemblée nationale et le conseil de la république. L’assemblée nationale est élue au suffrage universel direct pour 5 ans ; la circonscription est le département. La proportionnel sera remplacée en 1951 par un mode de scrutin mixte que l’on appellera le système des apparentements. Le conseil de la république est élue pour 6 ans au scrutin indirect départemental. Si le Parlement est bicaméral, l’exécutif est bicéphale ce qui est le propre de ce régime.
     
    Le Président de la République est élu dans des conditions qui sont quasiment les mêmes que celles de la III ème. Mais ses pouvoirs sont amoindris. Il est élu par le Congrès (Députés + Sénateurs) à la majorité absolue des suffrages, au scrutin secret, par appel nominal pour sept ans. il ne choisit plus le Président du Conseil, il ne fait que « pressentir » un candidat qu’il nomme certes mais uniquement lorsqu’il a été investi par l’Assemblée Nationale. Il perd le droit de dissolution qui est exercé désormais en Conseil des Ministres. Il signe et ratifie les traités, mêmes si les plus importants  « sont ratifiés en vertu d’une loi ». Il promulgue les lois, mais il ne peut refuser puisqu’il dispose d’un délai de 10 jours simplement il peut demander un deuxième délibération. Il dispose d’un droit de message à l’égard de l’Assemblée Nationale. Tous ses actes sont contresignés par le Président du Conseil. A la différence de ce qui se passait sous la III ème, le Président du Conseil dispose d’un statut constitutionnel. la Constitution du 27 octobre 1946 prévoit la procédure de nomination et les pouvoirs du Président du Conseil.  
     
    L’échec des institutions

     
    Le parlement ne décide plus et abdique ses pouvoirs au profit d’un exécutif lui-même incertain de ses lendemains. Les parlementaires abandonnent de plus en plus l’initiative des lois et surtout les décrets-lois font une réapparition en force en dépit de l’interdiction formelle posée par l’article 13 de la constitution. Plus inconstitutionnels qu’auparavant ils sont aussi plus nombreux ; leurs domaines privilégiés sont l’économie, le social, le fiscal. Une loi-cadre est une loi fixant les dispositions générales d'une réforme et laissant au
    gouvernement le soin d'en développer les différentes parties en vertu de son pouvoir réglementaire. Une loi du 17 août 1948 préfigurant les articles 34 et 37 de la constitution de 1958 devait tenter d’alléger la tâche du parlement en définissant des domaines réglementaires par nature, ouverts à l’exécutif sans intervention du parlement.    
     
    L’instabilité ministérielle reste pour beaucoup la caractéristique centrale de ce nouvel épisode républicain. Si certains commentateurs mettent en avant le fait que le personnel politique au pouvoir a été à peu près toujours le même, il n’en reste pas moins que vingt-et-un gouvernements ont été formés en treize ans. Le plus long, celui de Guy Mollet, dura seize mois, tandis que deux (ceux de Robert Schuman et de Henri Queuille) eurent une durée de vie de…deux jours. Les leçons de la IIIe République avaient pourtant été retenues. Mais, après avoir tenté de mettre en place des procédures pour rationaliser le régime, les vieux démons parlementaires de l’avant-guerre l’emportèrent (mise en jeu fréquente de la responsabilité gouvernementale et mise en œuvre diffici le du pouvoir de dissolution). Les institutions ne sont pas les seules en cause.  
     
    Le contexte politique s’avère aussi très difficile. Les gouvernements successifs ne peuvent s’appuyer sur une solide majorité dans la mesure où deux des plus importants partis refusent d’intégrer les coalitions gouvernementales : le parti communiste, que radicalise la guerre froide, et le nouveau parti gaulliste, le RPF. De plus, la situation économique et les conflits extérieurs ne facilitent guère la tâche des gouvernements.  
    Après le renversement de Guy Mollet (mai 1957), les gouvernements successifs, sans majorité stable, ne parviennent pas à résoudre le problème algérien. En 1958, la crise gouvernementale et l’aggravation de la situation en Algérie (émeute du 13 mai à Alger) provoquent le retour au pouvoir du général de Gaulle, nommé président du Conseil le 1er juin. Le général a conditionné son retour à la rédaction d’une nouvelle Constitution. La IVe République prend donc fin le jour de la promulgation de la nouvelle Constitution.  
     
    La IVe République a complètement échoué à donner à la France la stabilité politique qu’elle croyait pouvoir assurer en tirant les leçons de la IIIe République. Les mêmes défauts réapparaissent, parfois même avec plus de vigueur, alors que des tensions subsistent. En effet, si la France, dans les années trente, échoua à prévenir un danger externe, la montée du nazisme, dans les années cinquante, elle est agitée par un problème interne propre à allumer des guerres civiles, la question coloniale, et ce dans un contexte de guerre froide. La paralysie des gouvernements successifs, malgré leur action réelle en faveur de la reconstruction économique et la promulgation de lois sociales importantes, provoquera une grave crise nationale que seul le retour de De Gaulle permettra d’endiguer.


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  • La seconde république : une république écourtée
     
    La monarchie de Juillet avait cru en finir avec la Révolution : la branche d'Orléans régnait en s'appuyant sur la haute bourgeoisie. Les derniers mois du règne de Louis-Philippe sont marqués par de profonds bouleversements qui vont aboutir aux journées révolutionnaires de février 1848, à son abdication et à la proclamation de la IIe République. La IIe République est le régime politique de la France du 25 février 1848 au 2 décembre 1852, qui eut Louis Napoléon Bonaparte (futur Napoléon III) comme président. A l'issue des journées révolutionnaires de février 1848, un gouvernement provisoire est instauré pour faire face au vide politique provoqué par la démission de Louis-Philippe. Il s'empresse de rétablir les libertés fondamentales, celles de la presse, il abolit l'esclavage et crée les ateliers nationaux pour donner du travail aux ouvriers. En avril, les élections organisées au suffrage universel masculin élisent une assemblée modérée qui se charge alors d'élaborer la nouvelle constitution. Élue au suffrage universel le 23 avril, l’assemblée constituante vota la Constitution de la IIe République française le 4 novembre et fit procéder à l'élection du président de la République le 10 décembre. Elle se sépara le 26 mai 1849.
     
    La Constitution du 4 novembre 1848 a été élaborée par une assemblée constituante dans le plus grand respect des règles démocratiques. Inspirée de 1789, sa philosophie est cependant moins individualiste. Elle proclame non seulement les droits mais aussi les devoirs du citoyen et donne pour but à la République d'« assurer une répartition de plus en plus équitable des charges et des avantages de la société ». Mais dans la pratique la nouvelle Constitution retombe dans le travers de l'assemblée unique et de la séparation absolue des pouvoirs. Une seule assemblée de 750 membres, élue au suffrage universel, l'Assemblée législative, exerce le pouvoir législatif. En face d'elle, un président de la République élu également au suffrage universel exerce le pouvoir exécutif. Aucun des deux ne pouvait agir sur l'autre et, à l'exemple du Directoire, un tel régime se trouvait condamné au coup d'État. Le Directoire est le régime mis en place par la Constitution de l'an III qui gouverne la France du 26 octobre 1795 au 9 novembre 1799 (18 brumaire).  
     
    La suppression des ateliers nationaux entraîne, du 23 au 26 juin 1848, des soulèvements que le général Cavaignac nouvellement investi des pleins pouvoirs réprime sévèrement. La constitution est promulguée en novembre et des élections présidentielles ont lieu le mois suivant. Elles voient la victoire de Louis Napoléon Bonaparte qui jouit du prestige de son oncle. Le nouveau président s'entoure des conservateurs qui l'ont soutenu, tel Falloux. Les élections législatives de mai 1849 donnent le parti de l'Ordre, rassemblant conservateurs et monarchistes, majoritaire. Sachant sa réélection rendue impossible par une assemblée qui ne souhaite que le rétablissement de la monarchie, Louis Napoléon Bonaparte entreprend des tournées dans les régions de France. Le peuple, qui ne se reconnaît pas dans la République qui l'a berné, se sent alors proche de ce Bonaparte qui laisse présager le retour de la grandeur de l'Empire. Le futur Napoléon III sait alors qu'il peut compter sur son soutien ou sur son indifférence lorsqu'il renverse le régime le 2 décembre 1851. L'Assemblée est dissoute, les opposants arrêtés, la voie est libre pour un nouvel empire qui sera proclamé un an plus tard après avoir reçu l'approbation du pays.
     
    Le gouvernement de Louis Napoléon Bonaparte
     
    Le retour à des institutions césaristes
     

    Après la brève illusion lyrique qu’ont constitué la IIe République et le coup d’État de Louis Napoléon Bonaparte le 2 décembre 1851, la France voit l’installation d’un régime particulier, le Second Empire. A l’origine, la constitution est encore républicaine et reconnaît les principes de 1789, mais voit son statut modifié par le senatus consulte du 7 novembre 1852 qui la transforme en Constitution impériale. Les chambres, au nombre de trois, voient leurs pouvoirs réduits : le Conseil d’État est composé de membres entièrement nommés ; ce laboratoire législatif est donc totalement soumis au contrôle impérial ; le Sénat est composé de membres nommés pour les trois quarts d’entre eux, les autres étant des membres de droit, souvent proches du pouvoir. Le Sénat doit être consulté en cas de révision constitutionnelle ; le Corps Législatif est une assemblée élue au suffrage universel direct, tous les six ans. Il vote les lois et le budget, mais n’en a pas l’initiative et ne dispose pas de la possibilité de renverser le gouvernement.
     
    L’évolution libérale du régime

     
    Napoléon perd l’appui des catholiques à cause de la politique italienne de Napoléon qui, apportant son soutien aux nationalités, regarde d’un œil favorable l’action unificatrice du royaume de Piémont et s’engage à le défendre contre une éventuelle attaque de l’Autriche, qui viendrait soutenir le Pape. Napoléon perd aussi le soutien de nombreux industriels en raison de sa politique douanière libre-échangiste. Ce traité libre-échangiste, qui prévoit une baisse réciproque des droits de douane entre la France et l’Angleterre, soulève par-là la grogne contestataire des industriels (filateurs, sidérurgie…) qui voient affluer en France des produits britanniques. L’empire doit subir la détérioration de la conjoncture économique suite au traité de libre-échange et aux conséquences de la guerre de Sécession (hausse du prix du coton). Cette recrudescence de la contestation vient ébranler le régime, alors même qu’il est très discrédité par la guerre du Mexique, où l’armée française a été saignée à blanc.
     
    Face au discrédit du régime, Napoléon avance nettement dans le sens de la libéralisation. En 1867, le droit d’adresse, qui avait été restauré en 1860, est remplacé par le droit d’interpellation : les opposants ont ainsi la possibilité d’interpeller quotidiennement le gouvernement, soumis par là à une forme de contrôle. Dès 1869/1870, le régime peut être considéré comme libéralisé et, dans une certaine mesure, parlementaire. Le 8 septembre 1869, un nouveau senatus-consulte modifie la constitution de 1852 dans un sens nettement parlementaire, en accordant l’initiative des lois aux députés et en stipulant que les ministres seraient désormais choisis dans le Corps Législatif, autant de remises en cause de ce qui était, jusque là, un régime personnel, policier et encadré par une administration omnipotente. L'Empire s'effondre en trois mois durant la guerre de 1870. Lorsque la nouvelle de la capture de Napoléon III par l'armée prussienne atteint Paris, la capitale renverse le gouvernement.


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